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18 ans et bientôt à la rue !
- Politique, Action sociale, Jeunesse
Description
Plaidoyer pour les jeunes de l’ASE
L’auteur s’appuie sur son expérience de terrain et ses connaissances dans les domaines juridiques et administratifs pour démontrer la destruction progressive du soutien procuré aux jeunes adultes malgré une apparente volonté et un empilement de lois qui génèrent des complexifications ou des occasions de réduire leur mise en œuvre.
L’auteur passe par le portrait du Gavroche de la littérature espagnole, Lazarillo de Tormès, pour rappeler que subsister sous l’Ancien Régime pour des jeunes en mal de famille, c’était dépendre de maîtres successifs, s’en faire bien voir et s’en défendre… pratiquer le larcin ou pire et n’avoir aucune possibilité de construire un avenir…
Le sociologue Robert Castel auquel l’auteur fait souvent référence affirmait que le droit social est un droit collectif qui doit être conservé et protégé ; cela semble aller de soit en ce début de XXIe siècle. Pourtant bien des jeunes eux-mêmes pris en charge pendant leur enfance, ou dont la famille a été soutenue avant leur majorité, se retrouvent dans la situation de Lazarillo lorsqu’arrive la date de leur 18ème anniversaire.
L’exemple d’Adrien illustre bien la situation : son potentiel lui permettait de s’engager dans la vie pour peu qu’on lui laisse le temps d’affirmer ses capacités à gérer tous les paramètres d’une vie autonome. Le lecteur comprend la colère et le désarroi de ceux à qui le droit de poursuivre leur aide a été enlevé du jour au lendemain. Plus loin dans le livre, l’histoire de Moussa est différente. Placé dans un autre département de France, géré autrement, il a pu bénéficier d’un autre étayage et d’un envol plus en douceur.
Comment l’Aide sociale à l’Enfance a t-elle progressivement lâché le principe de ne pas créer de ruptures dans le parcours des enfants et des jeunes qui lui sont confiés ? Philippe Gestin dénonce :
– des lois dont les conséquences ont été mal évaluées, qui auraient nécessité une suite approfondie (celle sur la majorité à 18 ans en particulier)
– des découpages de compétences qui bloquent la cohérence des soutiens : l’État produit le cadre légal et les départements assurent la mise en œuvre ; les interventions de l’administration judiciaire et celles des structures sociales sont parfois en concurrence ou mal comprises.
– des disparités patentes dans les mises en œuvre selon les départements.
– des calculs de coût plutôt contestables…
– et une absence manifeste de volonté politique
L’auteur pose la question de savoir si nous sommes toujours dans l’application d’un droit social qui impose l’examen individuel des situations ; il souligne que l’on parle dorénavant de « grands mineurs » évacuant ainsi l’existence même des « jeunes majeurs » pour lesquels il plaide.
Le Conseil de l’Europe, l’OCDE, le Haut Commissariat à la Jeunesse et diverses associations pointent le problème croissant et appellent à un changement de cap profond.
Dans son dernier chapitre, l’auteur questionne les mesures annoncées ou amorcées ces derniers mois et avance des propositions : un groupe de travail sur la stratégie nationale de protection de l’enfance a été créé mais il bute sur le manque de cadre législatif contraignant pour un réel accompagnement des jeunes majeurs.
Une politique publique efficace doit « s’appuyer sur les réalités sociologiques, et faire l’objet d’un Droit nouveau propre à garantir les libertés individuelles ou la protection sociale lorsque c’est justifié ». L’auteur décrit ce que serait un accompagnement individualisé de qualité et les conditions de forme qui accompagneraient ce suivi ; il avance le souhait de voir l’État reprendre le pilotage de cette énorme tâche autant dans la production de normes que dans la mise en œuvre.
Catherine Cugnet
Editions Erès – Questions de société – 2022 – 152 p.