
Francine de la Gorce : la révolte en héritage
Francine de la Gorce est décédée le 7 septembre 2011 à l’âge de 78 ans. Elle avait été la première à rejoindre définitivement le Père Joseph Wresinski en avril 1960 au Camp de Noisy-le-Grand. Les familles du camp l’ont adoptée et elle a fait de leur résistance à la misère et de leur recherche de dignité et de liberté l’enjeu de sa propre vie.Mère de quatre enfants, femme passionnée et d’une grande intelligence, elle a mis toute son énergie et ses compétences au service du Mouvement ATD Quart Monde. Elle a été la première secrétaire du père Joseph de 1960 à 1967, puis la directrice de la Cité de promotion familiale de Noisy-le-Grand, enfin la vice-présidente d’ATD Quart Monde en France pendant trente ans. Elle a écrit plusieurs livres et de multiples articles (disponibles aux Éditions Quart Monde. Plusieurs articles publiés par la Revue Quart Monde se trouvent sur Internet à http://bit.ly/qsJngz) pour raconter comment ATD Quart Monde est né et s’est construit et pour faire connaître le père Joseph. Elle n’a cessé de mettre en lumière l’importance de la famille pour lutter contre la misère. Sa foi profonde était nourrie d’une spiritualité puisée dans sa rencontre des plus pauvres dont elle dira : « Faire silence face au malheur, faire silence pour écouter l’autre, tenter de le connaître pour mieux le faire entrer en nous, et se reconnaître enfin d’une commune fraternité avec lui, c’est peut-être le fondement de notre spiritualité commune. » (Debout face au malheur, page 81).
Bruno Couder
Du plus profond de son enfance déchirée par la 2ème Guerre mondiale, Francine gardait en son cœur une blessure toujours ouverte. Grâce à quoi elle communiait à la souffrance des autres et a fait sienne, sa vie durant, la souffrance des personnes, des familles et des enfants déchirés par la misère. Non pour gémir. Mais pour se révolter. Francine était une rebelle (les titres de ses livres disent sa révolte : La gaffe de Dieu, L’espoir gonde, Un peuple se lève, Famille, terre de liberté, Debout face au malheur), sans cesse debout, sans cesse prête à bondir, sans cesse capable d’appeler au combat par la parole, par l’écrit, avec une franchise sans détours et un humour sans faille. Elle avait coutume d’interroger les amis qui rejoignaient d’une façon ou d’une autre le Mouvement ATD Quart Monde : « Tiendrez-vous le coup avec nous ? » – la question même que posaient les habitants du camp des sans-logis de Noisy-le-Grand aux jeunes qui passaient par là. Elle a tenu le coup, jusqu’au bout. Elle qui refusait que quiconque soit seul à souffrir n’était pas seule face à la maladie. Voilà quelque temps, elle confiait dans un sourire qu’elle avait, elle, la chance d’être accompagnée de ses enfants et petits-enfants, de ses covolontaires et des familles affrontées à des conditions de vie inhumaines.
Jacqueline Chabaud
J’ai vu Francine arriver au camp de Noisy-le-Grand en 1960. C’était comme un jeu, entre les familles du camp, de se demander quand quelqu’un arrivait : « Combien de temps elle va rester celle-là ? » Il y avait de la solidarité entre les familles du camp, il y avait le père Joseph, mais la vie était très difficile quand même. Nous nous sentions comme des parasites de la société. Francine ne venait pas d’une famille pauvre. Elle ne venait pas non plus juste faire sa « bonne action. » Le fait que quelqu’un comme elle reste avec nous signifiait que nous avions tout de même une importance. Ce genre de dynamisme qu’avait Francine – mettre en avant une cause qui semblait perdue (c’est tellement facile de taper sur les pauvres !) – m’a toujours interloquée. Avec les familles du camp, nous nous sommes dit : « Pourquoi ne pas aller dans le même sens qu’elle ? » C’est avec Francine, Gabrielle, Bernadette (Gabrielle Erpicum, Bernadette Cornuau sont avec Francine de la Gorce parmi les premiers « volontaires permanents » du Mouvement ATD Quart Monde), le père Joseph, que j’ai eu le sentiment d’appartenir à la société.
Marie Jahrling
À lire
Avec une plume tonique et précise, Francine de la Gorce décrit dans ces deux ouvrages comment le Mouvement ATD Quart Monde s’est construit, personne par personne, combat par combat, depuis l’arrivée d’un nouvel aumônier dans le camp de Noisy-le-Grand (le père Joseph Wresinski, présenté par l’Abbé Pierre aux habitants du camp fin 1956) jusqu’à la naissance d’un mouvement international, présent aux côtés des plus pauvres dans de nombreux pays et représenté au sein des instances nationales et internationales. L’espoir gronde relate les années 1956-1962 et Un peuple se lève les années 1962-1971.
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