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Soirée « Luttes climatiques : avec ou sans les pauvres ? »

Lundi 16 septembre, à la Base à Paris, le Réseau Écologie et grande pauvreté d’ATD Quart Monde, créé il y a tout juste un an, co-organisait son premier événement en partenariat avec 2 associations de lutte climatique : Alternatiba Paris et Action Climat Paris avec le soutien du CRID. L’objectif de cette soirée ? Faire se questionner les militant·e·s des associations sur l’engagement des plus pauvres dans la lutte climatique.

Si depuis plusieurs mois le slogan « Fin du monde et fin du mois même combat » se fait entendre de plus en plus dans les manifestations, sur le terrain la réalité est autre. Pas toujours facile concrètement de faire converger luttes sociales et climatiques, les méthodes et les publics étant très différents malgré des revendications intimement liées. Fort de ce constat, le Réseau Écologie et grande pauvreté d’ATD Quart Monde a décidé de s’emparer de la question avec Alternatiba, mouvement citoyen pour le climat et la justice sociale, le CRID, Collectif d’associations françaises de solidarité internationale et Action Climat Paris, fédération d’associations nationales et locales qui lutte contre les causes des changements climatiques, de l’échelle internationale à l’échelle locale. Ils ont ainsi convié plus de 60 personnes, issues d’une quinzaine d’associations et Médias – Reporterre, Le Vent se lève, Notre Affaire à tous, le Samu Social, Extinction Rebellion, le Secours Catholique etc. – à une soirée de réflexion et de débat.

Lors de cette conférence inversée, on travaille d’abord en petits groupes avant la mise en commun pour ouvrir le débat.

Une conférence inversée pour faire émerger les questions de toutes et tous

Pendant la première partie de la soirée, les participants, répartis en petits groupes, ont réfléchi durant presque une heure à la question suivante : Pourquoi les personnes en situation de pauvreté sont-elles peu représentées dans les mouvements et mobilisations climat ? Dans chacun des 6 groupes, un ou une militant·e Quart Monde, personne engagée avec ATD Quart Monde ayant l’expérience de la grande pauvreté, était là pour participer au débat.

Au sein du groupe 4 – ils sont 6 à participer au débat dont Yves, militant Quart Monde, venu de Montpellier – la discussion s’oriente d’abord vers la question de la disponibilité des personnes très pauvres. « La priorité pour nous, explique Yves, c’est de s’occuper de nous. On a d’autres urgences ». Mais il ajoute aussi « On est invisible, on ne vient pas nous demander notre avis ». Une des participantes questionne, elle, l’inclusivité des luttes ; « Ce sont des publics très différents pour chacun des combats et les mobilisations climat ne sont pas pensées pour les plus pauvres. » « Et pourtant, renchérit un participant investi dans les quartiers populaires, l’écologie est présente dans les milieux pauvres via des jardins partagés par exemple. Il faut aller voir déjà ce qui existe. » Sur ce point, tous s’accordent à dire qu’on a parfois tendance à penser pour les plus pauvres sans regarder d’abord ce qu’ils font. « Mais alors, concrètement, comment on fait pour changer les choses ? », lance l’animateur du groupe. Quelqu’un propose que les plus pauvres aient une place au sein des pouvoirs décisionnels des associations. Pour un autre il faut aller chercher les personnes dans leurs lieux et dans leurs luttes. Une personne engagée avec Alternatiba indique alors qu’elle a l’impression que les plus pauvres sont déjà invités à participer aux différentes marches pour le climat et qu’un effort a été fait pour s’unir à d’autres associations. Pourtant ils restent peu présents. « Alors à quel moment le message ne passe pas ? », s’interroge-t-elle. La question reste à creuser…

Table-ronde animée par Camille Champeaux du CRID avec autour de la table : Élodie Nace porte-parole d’Alternatiba, Micheline Adobati, militante Quart Monde de Nancy et Claire Hédon présidente d’ATD Quart Monde.

Urgence climatique VS urgence quotidienne : la question du temps au cœur du débat

La soirée se poursuit avec une table-ronde animée par Camille Champeaux du CRID. Autour de la table : Élodie Nace porte-parole d’Alternatiba, Micheline Adobati, militante Quart Monde de Nancy et Claire Hédon présidente d’ATD Quart Monde. Toutes les trois vont réagir aux contributions des groupes pendant près d’une heure.
« On veut tous une société autrement et on ne peut pas la construire sans les plus précaires, sans 10 à 15 % de la population », assène Claire Hédon. Sur la question de l’apport des plus pauvres à la lutte, Micheline Adobati explique : « Nous aussi on a des solutions à notre échelle, qui peuvent devenir complémentaires avec les autres. ».

Les apports des groupes et des intervenant ·e·s sont riches, signe de l’intérêt de chacun·e pour le sujet. Un thème récurrent revient : la question du temps. Claire Hédon explique l’importance des conditions de la participation des plus pauvres « Une de mes batailles, c’est de dire : il faut prendre le temps. Il faut du temps pour établir un dialogue. Il faut pouvoir préparer avec les personnes très pauvres les réunions en amont, pour qu’ils trouvent leur place et soit pleinement acteurs ».

Élodie Nace reste consciente que le temps est aujourd’hui un facteur limitant « On est toujours dans l’urgence, pour construire de la mobilisation, de l’action, etc. On doit questionner nos façons de faire par rapport au temps. De quelle urgence parle-t-on ? »

Si beaucoup de questions n’ont pas trouvé de réponses ce soir, elles restent posées et surtout le lien est fait avec toutes ces associations autour de la place des plus pauvres dans les mouvements et mobilisations.

Pour lire le compte rendu de la soirée : ICI

Hélène Pinazo Canales