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Le slam pour retrouver confiance

A Angers, les Apprentis d’Auteuil proposent un atelier slam à des jeunes en stage de remobilisation.

 » J’ai pris pour thème l’homophobie parce que ça me concerne, explique Lolita, 18 ans, j’ai passé beaucoup de temps à chercher les mots, à refaire les phrases. Le but, c’était de faire changer le regard. Pour mon deuxième slam, j’ai pris le respect.  »

 » Moi, j’ai choisi d’abord la famille pour dire que c’est important, que ça vous aide, explique Victoria, 19 ans, et puis la réussite pour dire quand tu n’y arrives pas et que tu te retrouves SDF, il faut toujours garder espoir.  »

 » J’ai parlé de la Guinée Conakry mon pays, de ce que j’ai laissé derrière, des amis qui me manquent « , complète Sagnan, 20 ans.

Avec neuf autres jeunes de 18 à 30 ans, Lolita, Victoria et Sagnan suivent le dispositif  » Réussir à Angers  » (Maine-et-Loire) des Apprentis d’Auteuil. Tous ont décroché tôt de l’école ou abandonné leur filière professionnelle, et se retrouvent aujourd’hui sans emploi ni formation en cours.

 » C’est avant tout un stage de remobilisation, explique Bruno Broit, responsable de ce dispositif, financé sur fonds privés et publics, ces jeunes sont une demie marche en dessous de la première qui permet d’avancer. A leur sortie, ils trouveront un CDD, un stage, un apprentissage, un emploi relais…  »

Durant cinq mois et demi, ils suivent des modules de  » savoirs de base  » et de professionnalisation – savoir rédiger un CV, se comporter en entretien… – ainsi que deux stages en entreprise. Cerise sur le gâteau : le dispositif leur finance le permis de conduire – ils passent le code puis, après leur sortie, la conduite.

L’atelier slam est un élément clé du cursus. Il s’agit d’écrire de courts textes ou poésies sans contrainte de style ni d’orthographe souvent synonymes d’échec scolaire, puis de les déclamer en public durant 3 minutes sans musique. Chaque mardi après-midi, deux slameurs travaillent avec un demi groupe durant sept séances. La huitième est la représentation publique.

 » Le but est l’autonomie, souligne Bruno Broit, qu’ils mènent un projet du début à la fin et qu’ils travaillent en collectif – deux choses qui leur manquent. Et ça marche. Ces jeunes, qui ont une mauvaise image d’eux-mêmes, sont ensuite extrêmement fiers de ce qu’ils ont fait.  »

Lolita, plutôt rap, avoue qu’elle n’était pas emballée au départ:  » j’avais peur de me retrouver devant un micro face au public. Le trac a peu à peu baissé.  »

Victoria n’était guère plus enthousiaste:  » le slam, je connaissais vaguement avec Grand Corps Malade. Mais quand les deux intervenants ont montré ce que c’était, ils ont réussi à faire partager et je me suis mise dedans. »

Sagnan reste plus réservé :  » moi j’aime quand il y a de la musique, il faut que je danse. Là, on peut gesticuler sans plus. Mais c’est une nouvelle expérience, donc un plus.  »

Matthieu Deroff, éducateur spécialisé à l’origine, co-animateur de l’atelier, rappelle les objectifs : « c’est avant tout redonner confiance en soi, exprimer sa parole en public. En plus, chacun s’écoute et se respecte, respecte aussi les intervenants. Ca a fonctionné. Tous, sauf un, sont montés sur scène.  »

Alors que d’autres groupes recourent à l’imaginaire, les jeunes de Réussir à Angers ont choisi des thèmes inspirés de leur histoire personnelle ou alors engagés, contre le Front National par exemple. « La principale difficulté, souligne Matthieu Deroff, a été de trouver des filtres pour que ça passe et des phrases qui ont du sens. On a travaillé l’argumentation.  »

A sa sortie, Victoria va faire une formation d’assistante en maternelle. Lolita a décroché un stage de vendeuse en boulangerie. Avec le slam, toutes deux disent avoir avancé :  » On n’osait pas prendre la parole quand il y avait des moqueries, maintenant on y va.  »

Véronique Soulé

Photo : Victoria, Sagnan et Lolita (de g. à dr.), le 7 juillet 2016 à Angers © V.S