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Le combat contre l’isolement des plus pauvres pendant le confinement. Et après… ?

Co-animateur de l’Université Populaire Quart Monde d’Ile-de-France, Rémi Rousseau partage son expérience et son combat pour le droit d’accès aux moyens de communication pour tous pendant le confinement.

 

Dès l’instauration du confinement, obligeant chacun à rester chez soi, nous avons constaté l’isolement accru des personnes en situation de pauvreté. Une sorte de double peine s’est mise à peser sur ces familles et ces personnes en difficulté. La peine d’être confinées et celle d’être encore plus isolées. Parmi eux, pour ceux qui ont un téléphone mobile, l’utilisation d’une carte rechargeable est la seule solution possible financièrement. Or, le fait de ne pouvoir plus sortir, de ne plus pouvoir échanger en présence avec d’autres a « fait fondre comme neige au soleil » leur crédit de carte prépayée.

Pour ceux n’ayant pas de téléphone, ni les moyens d’en acheter, qui plus est d’acheter une carte rechargeable, ils se sont retrouvés « coupés du monde », dans la chambre de leur foyer d’accueil ou dans leur petit logement souvent sur-occupé. Inquiets par la situation sanitaire et les soucis de survie encore plus accrus (plus de récupération d’invendus alimentaires, etc.). Le repli sur soi sans pouvoir communiquer avec l’extérieur et sans pouvoir être appelé, a renforcé  le sentiment d’abandon et de dévalorisation.

Grâce à une chaine solidaire qui s’est «  co-construite en faisant », ATD Quart monde Ile de France, avec le soutien d’Emmaüs Connect et l’opérateur SFR, a mis en place l’opération « sortir de l’isolement les plus démunis ». Nous avons pu remettre à des personnes et des familles démunies 65 cartes sim avec leurs cartes prépayées en illimité pour une période d’un mois. Celles-ci ont été offertes par SFR ainsi que 21 téléphones mobiles neufs dont 7 smartphones et 2 tablettes numériques avec un forfait de 5 Go. Cela a permis aux familles n’ayant pas d’abonnement internet de pouvoir suivre l’école et de pouvoir effectuer des démarches administratives sur internet.

Nous avons contribué à cette chaine solidaire contre l’isolement des plus pauvres que nous connaissons, mais aussi pour ceux du réseau d’autres associations : Saint Vincent de Paul des Yvelines, Ecodrom 93 (soutien des familles Rom sur le département de Seine-Saint-Denis), Le pavillon bleu, Rêv’hotel, Les voisins solidaires de Versailles, Emmaüs 78, les récupérateurs d’aliments invendus de Paris… Mais ce sont quelques gouttes dans un océan de besoins. Car tous les besoins n’ont pu trouver réponse malgré l’effort à saluer des alliés d’ATD Quart Monde et d’autres associations qui ont réalisé un efficace travail de relai local pour les besoins des plus isolés. Et comme nous l’avons évoqué plus haut, le soutien logistique d’Emmaüs Connect et les dons de cartes et de téléphones de l’opérateur SFR.

Ensemble nous avons répondu présent. C’est un acte fort et positif pour ceux et celles qui ont pu en bénéficier, mais voyons la réalité en face, combien ont eu cette chance ? Ça n’a pas été suffisant.

Cela nous interpelle dès à présent et doit nous mobiliser pour le droit d’accès à ces moyens de communication pour et avec ces personnes, pour et avec ces familles. Le problème est à régler par notre société qui est de plus en plus numérisée. Cette crise sanitaire a révélé de façon criante cette inégalité du droit à pouvoir communiquer, accéder aux échanges, à l’information, à participer aux idées et aux initiatives à mettre en place. Cela pose la question de savoir former ces personnes, apprendre avec elles avec le but de leur autonomie. Cela nous interpelle aussi sur notre présence physique plus que jamais nécessaire auprès de ceux qui ont eu et auront besoin de soutien, d’échanges et d’écoute pour faire valoir leur parole et leur place de citoyens à part entière.

Ces deux grands piliers, l’accès aux moyens de communication et notre présence sont des leviers forts pour sortir de la dépendance, pour cultiver ensemble notre solidarité. Rappelons-nous que ces personnes, dont la vie est particulièrement difficile, nous apprennent, nous révèlent et nous offrent la chance de développer notre humanité. Cette humanité qui peut nous aider à faire le choix de vivre mieux. Par exemple en remettant en question l’absurdité du tout numérique, qui entraîne un rythme accéléré dans le travail et dégrade les relations humaines. Ce tout numérique qui éjecte telle une centrifugeuse ces personnes, ces familles à qui l’on confisque le pouvoir de comprendre et le pouvoir d’agir.

Ces personnes dont la vie est difficile nous ont montré le chemin, avec leur humanité, pendant cette période de confinement. Elles ont appelé d’autres aussi en difficulté avec bienveillance, pour demander des nouvelles, pour soutenir et donner de la force. Parfois elles se sont déplacées, ont apporté à manger, ont encouragé d’autres. L’humanité, c’est ce que ces personnes nous offrent. Elle est une force dans notre combat pour l’accès aux droits. Elle est un guide pour vivre ensemble en allant mieux. Rémi Rousseau

 

Pour témoigner et nous raconter comment vous vivez cette période de crise sanitaire et sociale, n’hésitez pas à réagir à nos publications sur les réseaux sociaux ou à nous contacter par mail à :

solidarites.coronavirus@atd-quartmonde.org

 

Photo : Rémi Rousseau, à gauche, sur le terrain pendant le confinement. © Antoine Peillon, La Croix