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En poèmes, en prose et/ou en musique, écrivez-nous votre refus de la misère et de l’exclusion

Cette page présente des œuvres créées par des gens connus ou inconnus, qui, chacun à sa manière, invite à découvrir la dignité cachée des personnes confrontées à la pauvreté et à la misère. Vous aussi vous écrivez ou vous composez ? Adressez-nous votre texte à forum.site.france@atd-quartmonde.org

Lire aussi L’Écho des mots, une histoire de confiance « Je pensais ne pas savoir écrire » et L’écrit des sans voix

SA DIGNITÉ (paroles : Geneviève Marguerie, musique : Bernard Horvais)

Il était là sur le trottoir
Un gisant sous ses oripeaux
Sur une bouche de métro
Tous les passants pouvaient le voir.

Qui voudra bien le regarder
Pour lui rendre sa dignité

Chalands, badauds, hommes d’affaires
Flânant, courant, s’interrogeant
Chacun s’affaire en contournant
Arbres, poubelles, grande misère

Oh ! qui voudra bien s’arrêter
Pour lui rendre sa dignité

Muré dans son triste silence
Il aurait besoin de parler
Sans craindre notre « prêt à penser »
Chacun a sa propre existence

Oh ! qui voudra bien l’écouter
Pour lui rendre sa dignité

À écouter aussi, des chansons de Jean Horvais :
La Java des différences
Qu’est-ce qui vous fait tenir
Si on voulait donner la main

Les textes des chansons de Jean Horvais

TOUTE MA VIE, ON M’A RABAISSÉE (Céline-Marie, animatrice de bibliothèque de rue à Beauvais, 2011)

Toute ma vie, on m’a rabaissée,
On m’a humiliée, on m’a répété,
Assuré que je n’étais qu’une « moins-que-rien »,
Et moi, ben moi, j’y ai cru, « Nom d’un chien ! »

Les profs l’ont tous écrit sur mes bulletins
À l’encre rouge de leurs stylos préférés.
Le prof de maths l’a même prouvé par « A+B »
De sa belle écriture illisible « style médecin ».

Mes parents, guère en reste, pour les raclées
Verbales, ont approuvé, en ont même rajouté
En m’affirmant que j’étais tarée,
Débile et bonne à rien… sauf à faire suer !

Les années ont passé, les critiques ont fait
Leur chemin dans ma tête cabossée,
Par une vie difficile de gamine mal élevée,
Par des parents violents et mauvais…

J’aurais pu flancher, me laisser aller,
Faire la conn’rie ultime, passer de l’aut’ côté.
J’aurais pu franch’ment déraper et mal tourner…
J’aurais pu mais je ne l’ai pas fait…

J’ai préféré avancer, un pas après
L’autre… même si ça m’fait flipper…
J’ai préféré avancer, en évitant d’penser
À mon passé qui me blessait…

Ce qui m’a sauvée, c’est mon sale caractère,
Ma tête dure et ma volonté de faire.
Ce qui m’a sauvée, c’est les mains tendues
Quand j’étais dans la rue…

Ce qui m’a sauvée, moi, avec ma grande gueule et
Ma tête de mule, c’est ma volonté de fer…
Et que je ne me laisse pas faire…
Quand on veut me marcher sur les pieds.

Mais même si je sais ce que je veux
Et que j’ai envie de profiter de mon mieux
De ma vie, je reste forte et fragile à la fois…
J’ai appris la souffrance… malgré moi !

Aujourd’hui, si j’ai le coeur qui sourit,
C’est grâce à l’Amour qui embellit ma vie, et
Grâce à la force de l’Amitié
Que je partage avec mes Amis.

Mon Amour, mes Amis sont des êtres précieux.
Ce sont eux qui donnent un équilibre à ma vie,
Qui éclairent mes journées d’un ciel radieux
Même quand le temps, au-dehors, est gris…

Ils m’accordent la confiance en moi
Que je ne sais pas m’accorder et ça
C’est un cadeau qui n’a pas de prix !
Un cadeau qui me terrifie…

Ils me font confiance, et moi, j’ai peur de les
Décevoir… J’ai l’impression de ne pas mériter
Cette foi qu’ils ont en moi,
Cette foi en moi que je n’ai pas…

Ils me font confiance et c’est pour moi un défi
Que je veux relever…
Pour qu’ils soient fiers de moi…
Et qu’un jour… moi aussi !

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ (par Marie-France Tahar et Samuel)

Marie-France et Samuel ont écrit ce texte à quatre mains. Tous deux ont participé en 2012 avec une trentaine de jeunes et moins jeunes à un projet d’écriture et d’enregistrement de textes. À la base de ce projet porté par la dynamique jeunesse d’ATD Quart Monde, l’envie de permettre aux jeunes d’écrire leurs rêves, leurs réalités, leurs convictions. Ce travail, soutenu par deux artistes, Lester Bilal et Sebseb, a abouti à une compilation de 18 enregistrements.

Liberté, égalité, fraternité.
Paraît que ça marche pas pour les immigrés

J’ai le teint basané depuis que je suis née.
Je n’ai pas changé,
j’ai toujours ce même nom d’étrangère.
À mon allure on s’est donné
le droit de ne pas me respecter.
À ma figure, on s’est octroyé
le droit de me nuire, de me détruire.
Je suis comme je suis,
faite à l’image de ma vie,
les yeux foncés, les cheveux ondulés.
J’en remercie la vie.

J’ai le teint basané depuis que je suis née.
Je n’ai pas changé,
j’ai toujours ce même nom d’étrangère.
Alors on s’est concédé le droit de m’insulter.
De quel droit ?
Votre droit ne fait pas ma loi.

Liberté, égalité, fraternité.
Paraît que ça marche pas pour les immigrés.

Moi j’ai déjà croisé la misère.
Elle a le visage d’un fonctionnaire.
Guichet « Étrangers », lundi matin.
« Désolé, plus de tickets, vous reviendrez demain. »
Ça fait cinq heures que le copain attend
et une journée de cramée pour trouver de l’argent.
Mardi matin, retour à la préfecture,
et la misère est toujours là, avec ses mots durs.
« Ça sera encore non, pas assez travaillé,
on n’a plus de places pour les étrangers. »

Moi j’ai déjà croisé la misère.
Elle ressemble à un flic vénère
qui débarque à six heures du matin
rafler la famille de mon voisin.

Liberté, égalité, fraternité.
Paraît que ça marche pas pour les immigrés.

Oui, j’ai croisé la mère misère.
C’est elle qui enferme et expulse mes frères.
Sa fille, la révolte, n’est jamais très loin.
J’crois qu’elle veut nous montrer le chemin.

Liberté, égalité, fraternité.
Paraît que ça marche pas pour les immigrés.

Marie-France Tahar, Samuel (de Rennes).
Marie-France a connu ATD Quart Monde en 1978 lorsqu’elle préparait le BAFA (Brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur) . Un des formateurs connaissait une responsable de la branche jeunesse du Mouvement, Françoise Ferrand. Comme Marie-France montrait souvent ses poèmes, ils lui ont proposé d’en éditer quelques-uns avec d’autres jeunes. Cela a donné le recueil De la cité monte la poésie. Puis elle a continué à écrire. Elle participe à l’animation du Mouvement Tapori (Branche enfance d’ATD Quart Monde) à Bordeaux.


ÉCRIT APRÈS LA VISITE D’UN BAGNE (Victor Hugo, Les quatre vents de l’esprit, 1881)

Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne.
Quatre vingt-dix voleurs sur cent qui sont au bagne
Ne sont jamais allés à l’école une fois,
Et ne savent pas lire, et signent d’une croix.
C’est dans cette ombre-là qu’ils ont trouvé le crime.
L’ignorance est la nuit qui commence l’abîme.
Où rampe la raison, l’honnêteté périt.

Dieu, le premier auteur de tout ce qu’on écrit,
A mis, sur cette terre où les hommes sont ivres,
Les ailes des esprits dans les pages des livres.
Tout homme ouvrant un livre y trouve une aile, et peut
Planer là-haut où l’âme en liberté se meut.
L’école est sanctuaire autant que la chapelle.
L’alphabet que l’enfant avec son doigt épelle
Contient sous chaque lettre une vertu ; le cœur
S’éclaire doucement à cette humble lueur.
Donc au petit enfant donnez le petit livre.
Marchez, la lampe en main, pour qu’il puisse vous suivre.

La nuit produit l’erreur et l’erreur l’attentat.
Faute d’enseignement, on jette dans l’état
Des hommes animaux, têtes inachevées,
Tristes instincts qui vont les prunelles crevées,
Aveugles effrayants, au regard sépulcral,
Qui marchent à tâtons dans le monde moral.
Allumons les esprits, c’est notre loi première,
Et du suif le plus vil faisons une lumière.
L’intelligence veut être ouverte ici-bas ;
Le germe a droit d’éclore ; et qui ne pense pas
Ne vit pas. Ces voleurs avaient le droit de vivre.
Songeons-y bien, l’école en or change le cuivre,
Tandis que l’ignorance en plomb transforme l’or.

Je dis que ces voleurs possédaient un trésor,
Leur pensée immortelle, auguste et nécessaire ;
Je dis qu’ils ont le droit, du fond de leur misère,
De se tourner vers vous, à qui le jour sourit,
Et de vous demander compte de leur esprit ;
Je dis qu’ils étaient l’homme et qu’on en fit la brute ;
Je dis que je nous blâme et que je plains leur chute ;
Je dis que ce sont eux qui sont les dépouillés ;
Je dis que les forfaits dont ils se sont souillés
Ont pour point de départ ce qui n’est pas leur faute ;
Pouvaient-ils s’éclairer du flambeau qu’on leur ôte ?
Ils sont les malheureux et non les ennemis.
Le premier crime fut sur eux-mêmes commis ;
On a de la pensée éteint en eux la flamme :
Et la société leur a volé leur âme.

EXTRAIT DE LA CHANSON « COURSE CONTRE LA HONTE » DE GRAND CORPS MALADE

Eh Tonton, est-ce que t´as regardé dehors? Sur l´avenir de nos enfants il pleut de plus en plus fort
Quand je pense à eux pourtant, j´aimerais chanter un autre thème
Mais je suis plus trop serein, je fais pas confiance au système
Ce système fait des enfants mais il les laisse sur le chemin
Et il oublie que s´il existe, c´est pour gérer des êtres humains
On avance tous tête baissée sans se soucier du plan final
Ce système entasse des gosses et il les regarde crever la dalle
Tonton on est du bon côté mais ce qu´on voit, on ne peut le nier
J´ai grandi au milieu de ceux que le système a oubliés
On vit sur le même sol mais les fins de mois n´ont pas le même parfum
Et chaque année monte un peu plus la rumeur des crève-la-faim
Le système a décidé qu´y avait pas de place pour tout le monde
Tonton, t´as entendu les cris dehors, c´est bien notre futur qui gronde
Le système s´est retourné contre l´homme, perdu dans ses ambitions
L´égalité est en travaux et y´a beaucoup trop de déviations

Eh Tonton… On va faire comment? Dis-moi Tonton, on va faire comment?
Est-ce que les hommes ont voulu ça, est-ce qu´ils maîtrisent leur rôle
Ou est-ce que la machine s´est emballée et qu´on a perdu le contrôle
Est-ce qu´y a encore quelqu´un quelque part qui décide de quelque chose
Ou est-ce qu´on est tous pieds et poings liés en attendant que tout explose
Difficile de me rassurer Tonton, je te rappelle au passage
Que l´homme descend bel et bien du singe pas du sage
Et c´est bien l´homme qui regarde mourir la moitié de ses frères
Qui arrache les derniers arbres et qui pourrit l´atmosphère
Y´a de plus en plus de cases sombres et de pièges sur l´échiquier
L´avenir n´a plus beaucoup de sens dans ce monde de banquiers
C´est les marchés qui nous gouvernent, mais ces tous ces chiffres sont irréels
On est dirigé par des graphiques, c´est de la branlette à grande échelle

Eh Tonton, on va faire comment, tu peux me dire ?
Comme il faut que tout soit rentable, on privatisera l´air qu´on respire
C´est une route sans issue, c´est ce qu´aujourd´hui, tout nous démontre
On va tout droit vers la défaite dans cette course contre la honte

Eh Tonton… On va faire comment? Dis-moi tonton, on va faire comment ?
Entre le fromage et le dessert, tout là-haut dans leur dîner
Est-ce que les grands de ce monde ont entendu le cri des indignés
Dans le viseur de la souffrance, y´a de plus en plus de cibles
Pour l´avenir, pour les enfants, essayons de ne pas rester insensibles