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L’écrit des sans voix, ma vie, ma ville, un an après. Quand notre voix est entendue…

En 2010 à Brest et alentour, des ateliers d’écriture et d’expression ont permis à plus de 80 personnes de vivre une aventure marquante. Un an et demi après, elles témoignent.

Laetitia Kervran est mère de quatre enfants, tout comme Sandrine Le Dins. Leurs yeux brillent lorsqu’elles évoquent L’écrit des sans voix . « L’atelier était un lieu de grand respect de chacun, dit Laetitia. Personne n’a abandonné en cours de route. J’ai fait connaissance avec Sandrine à l’atelier. On a vécu des choses similaires. Ça rapproche. » Sandrine reconnaît qu’elle a « l’expression facile, mais pas la plume. » Sa mère et ses deux soeurs ont également participé à L’écrit des sans voix . « Plus on parle des choses difficiles, plus les choses vont changer », explique-t-elle. Marie-France Gentric, autre participante, le confirme : ces ateliers ont permis à des personnes qui ont la vie dure d’écrire des choses qu’elles n’auraient pas dites sans la confiance et la complicité qui se sont instaurées dans le groupe. Jacques Sayer a participé avec sa femme. « J’ai appris à mieux connaître des gens d’autres milieux et des gens que je croyais connaître, explique-t-il. Dont mon épouse, chez qui j’ai découvert des idées et des projets que j’ignorais ! »

Ateliersécriture sans voix1Un terreau indispensable

Patrick La Prairie a animé ces ateliers. Cette aventure a approfondi sa prise de conscience : « Les « sans voix » sont riches d’une expérience et d’une parole que nous ne savons pas entendre. Quel gâchis ! » L’écrit des sans voix est né de la rencontre entre Patrick, alors journaliste à Ouest-France , et des personnes engagées à ATD Quart Monde et qui, depuis des années, se réunissent chaque mois – parfois avec des élus et des professionnels de l’éducation, de la santé, de la formation etc. – afin de travailler sur des questions de société ou liées à la vie quotidienne. Le projet d’ateliers d’écriture est venu prolonger des travaux réalisés par ce groupe.

À Landerneau

À Landerneau près de Brest, un groupe local ATD Quart Monde s’est créé pour continuer sur la lancée de L’écrit des sans voix . Le meilleur souvenir qu’Anne-Marie Zandry garde du projet est la façon dont chaque participant a pu trouver sa place, dépasser ses craintes et s’exprimer à sa façon. Au début des ateliers, Danielle Roudot n’osait pas trop approcher. « L’écriture et moi, ça fait deux. Mais j’ai vu que Patrick allait m’aider. » Alors Danielle a dit ses cris de colère, les injustices au travail, mais aussi des souvenirs d’enfance. « Quand je suis arrivée à la première répétition au Quartz, ajoute-t-elle, j’ai été surprise : tout le monde m’a dit bonjour. Je ne pensais pas que des personnes qui ne me connaissaient pas viendraient vers moi ! »

« Le meilleur de soi-même, enfin partagé, est bien la réponse à la question humaine de l’exclusion. » (Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde)

Chacun a été transformé

Comme Laetitia et d’autres, Danielle reconnaît qu’après l’atelier d’écriture, les répétitions et le fait de se retrouver sur la grande scène du Quartz ont été de vrais défis. « Le théâtre, c’est se lâcher, sortir du quotidien », dit Laetitia. « Plus on s’ouvre les uns aux autres, plus on avance soi-même, moins on se juge les uns les autres. On en ressort tous grandis », souligne Martine Geffrault-Cadec, qui a mis en scène les « lectures en mouvement » présentées au Quartz le 17 octobre 2010. Thierry Labous a participé à la « Symphonie des sans voix » : « Je n’avais jamais été avant dans une chorale, mais je connaissais des personnes que cela avait transformées. »

Tous ceux qui ont répété sont parvenus à aller jusqu’au bout, soutenant les autres et soutenus par eux. C’est cela aussi qui a transformé chacun. « Avant, quand quelque chose n’allait pas, je ne disais rien, explique Danielle. Maintenant, je le dis. » Comme cette facture de 87 euros qu’on lui réclamait récemment pour un débouchage d’égoûts devant chez elle. « J’ai dit à l’employé que ce n’était pas à moi de payer. Il a déchiré la facture sous mes yeux. Avant, j’aurais payé sans rien dire ! »

Qu’est-ce que cela change ?

Si le projet a donné une énergie nouvelle à celles et ceux qui y ont participé, il n’a bien sûr pas changé leur quotidien du jour au lendemain. Mais c’est un pas de plus dans la reconnaissance et la prise en compte de la parole des « sans voix ». Michel Florin et François Miniou, des groupes ATD Quart Monde de Brest et Landerneau, en témoignent : de nombreux citoyens, élus et professionnels ont été impressionnés par la force de L’écrit des sans voix. Les paroles qu’il a libérées n’ont pas fini de se faire entendre.

Jean-Christophe Sarrot

Extraits

« [L’atelier d’écriture], c’est l’acceptation des différences. C’est rester digne face à la misère. » (Atelier Entraide et Amitié)

« Je ne supporte pas ma vie actuelle, mis à part mon travail, qui m’aide à tenir bon. » (Betty)

« La violence me fait peur et pourtant je peux l’affronter, lui faire face. » (François)

« Ce qui me donne espoir, c’est le dynamisme de nos jeunes qui se projettent dans l’avenir malgré les difficultés économiques du monde présent. » (Jeannette)

« Je ne supporte pas les larmes de ceux que j’aime. » (Hélène)

Le projet L’écrit des sans voix

ESV_Couv_200-41d8bLe livre est à commander à ATD Quart Monde, Espace des associations, 6 rue de Pen ar Creac’h, 29200 Brest, avec un chèque de 13 € (port inclus) à l’ordre d’ATD Quart Monde. Rens. 02 98 46 00 34.

Le projet a d’abord consisté en des ateliers d’écriture (1er semestre 2010) avec, à Brest, différents groupes d’ATD Quart Monde, un groupe de personnes handicapées du Foyer de Kerlivet, des « accueillis » d’Entraide et Amitié, des détenus d’Émergences et, à Landerneau, un groupe de l’association Mam’Loisirs ; puis des ateliers d’expression théâtrale et chorale et des lectures publiques, dont le temps fort a été la représentation au Quartz, scène nationale de Brest, le 17 octobre 2010.

ESV_Maquette_400-6989cDes ateliers photos et la création d’une maquette de Brest par des enfants ont permis à certains de participer autrement que par l’écrit. Un livre et une exposition ont été réalisés. Parents et enfants ont été fiers de participer au projet en famille.

L’écrit des sans voix a été soutenu par le Développement Social Urbain (DSU) et la ville de Brest, Brest Métropole Océane, le Conseil général du Finistère, le Quartz et le journal Ouest-France (dont une « bourse du projet social » a financé l’accompagnement par Patrick La Prairie).