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Présentation des DESC par Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty France

Le 5 mai 2013 le Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels entrera en vigueur. Pour la plupart des habitants de la planète, pour qui les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’Homme restaient de vaines promesses, c’est une avancée remarquable, car elle permet l’accès à la justice pour les plus pauvres.
Avancée historique pour les plus démunis : où est la France?
L’accès à l’éducation, à la sécurité alimentaire, à l’eau potable, au logement, aux soins et à la sécurité sociale, à l’emploi, à des conditions de travail humaines, comme la liberté syndicale font partie des droits fondamentaux au même titre que la liberté d’expression, l’inviolabilité de l’intégrité physique ou le droit de vote. Pourtant, les droits économiques, sociaux et culturels (DESC) sont toujours considérés comme des droits de « seconde génération », des aspirations politiques qui ne pourraient être satisfaites qu’en périodes de vaches grasses ou pire, des avantages sociaux qui alourdiraient les finances de l’Etat et nuiraient à la santé économique et à la compétitivité des entreprises.

Or avec les droits civils et politiques (DCP), les DESC constituent le socle des droits indispensables au respect à la dignité humaine et consacrés par la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Des droits que les Etats ayant ratifiés le Pacte international relatif aux Droits économiques sociaux et culturels (PIDESC), en vigueur depuis 1976, se sont engagés à respecter. Cependant des millions de personnes continuent d’en être privées, creusant ainsi le fossé entre les plus riches et ceux qui s’enfoncent dans la pauvreté. Des violations qui entachent la dignité, la sécurité et la liberté en toute impunité.

Le Protocole facultatif au PIDESC, adopté en 2008 par les Nations unies, permet aux victimes de disposer, individuellement ou en groupe, d’un recours effectif à la défaillance des Etats et de lutter contre l’impunité des gouvernements qui n’ont que du dédain à opposer aux personnes les plus vulnérables. Mais l’intérêt du Protocole n’est pas seulement d’obtenir réparation pour les victimes, il a également pour ambition de prévenir les violations, d’inciter à faire respecter les DESC et ainsi faire avancer le droit.

Cet instrument juridique rétablit, enfin, le déséquilibre entre les DCP (déjà dotés d’un mécanisme de recours) et les DESC, hérité de la « Guerre froide » lorsque le bloc de l’Ouest donnait la primauté aux premiers et le bloc de l’Est aux seconds. Un outil qui va permettre, à travers la jurisprudence qu’il va créer, de définir la portée et le contenu des DESC, de préciser les obligations des Etats pour mieux faire évoluer les législations nationales et d’améliorer le suivi des politiques sociales.

Depuis son adoption par les Nations unies, sur les 160 pays qui ont ratifiés le PIDESC seuls dix ont ratifié son Protocole facultatif. Mais grâce à l’Argentine, la Bolivie, la Bosnie Herzégovine, l’Equateur, le Salvador, la Mongolie, le Portugal, la Slovaquie, l’Espagne et l’Uruguay, ce 5 mai, le protocole entre en vigueur et ouvre une nouvelle page dans l’histoire des droits humains. Les victimes d’expulsions forcées, les enfants qui ne sont pas scolarisés ou les femmes qui ne peuvent accoucher en toute sécurité par manque d’infrastructures accessibles, pourront enfin faire valoir leurs droits.

La France a été très active pour faire aboutir et adopter le Protocole facultatif, pourtant il lui a fallu attendre fin 2012 et une très forte mobilisation de la société civile, pour le signer. Elle ne l’a toujours pas ratifié refusant de rejoindre les Etats qui ont eu le courage de mettre en accord leurs paroles et leurs actes. Le protocole ne crée aucun droit nouveau, aucune obligation nouvelle. Mais il contribue à lutter contre les inégalités, à garantir qu’aucun individu ne soit laissé pour compte. Des garanties d’autant plus importantes dans un contexte de crise économique où les plus pauvres sont chaque jour plus pauvres, ou des millions d’enfants en France, vivent sous le seuil de pauvreté et se voient privés de l’espoir d’une vie meilleure.

La justice et le droit sont un rempart contre les abus. le PIDESC est un espoir pour les plus vulnérables, ceux qui sont discriminés ou ignorés par les politiques publiques. Il doit être ratifié sans attendre par la France.

Tribune publiée dans le Huffington Post, le 3 mai 2013.