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Lettre ouverte d’ATD Quart Monde aux partis politiques, à leurs militants et à toutes les personnes vivant en France

« Tous les hommes naissent libres et égaux en dignité et en droits.

Ils sont doués de conscience et de raison et doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité. »

Article 1er de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme

 

« Là où des hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés.

S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré. »

Joseph Wresinski fondateur du Mouvement ATD Quart Monde

 

CONSTRUIRE LA SOCIÉTÉ AVEC TOUS

Les membres du Mouvement ATD Quart Monde ne peuvent concevoir 
leur avenir individuel et collectif indépendamment de celui des populations que la misère exclut en France et partout dans le monde. C’est pourquoi, en vue des élections présidentielle et législatives de 2012, ATD Quart Monde interpelle les différents partis politiques français sur la façon dont ils comptent traiter les questions soulevées par les personnes vivant dans la grande précarité et par celles qui leur sont solidaires concernant les principes républicains de liberté, d’égalité et de fraternité.

Face à la progression actuelle des intolérances et du totalitarisme 
de l’argent, la précarité se durcit, la défiance grandit et notre démocratie est en danger. Elle doit être revivifiée. Pour cela, elle a besoin de la réflexion des milieux modestes et très démunis qui souhaitent participer, mais font l’expérience quotidienne du déni de justice et des droits de l’homme,
 du déni de liberté, d’égalité et de fraternité.

Précisons que l’exclusion sociale est une réalité mondiale et que nous savons que les politiques visant à faire respecter l’ÉGALE DIGNITÉ 
de chacun ne peuvent pas aboutir à l’échelle d’un seul pays et en aucun cas sur la base de la préférence nationale. Depuis toujours, des populations immigrées ou déplacées rejoignent en grande partie les lieux de pauvreté des pays où elles arrivent, y subissant le même dénuement et le même rejet que ceux qui y résident déjà. Ce fut précisément le cas du fondateur d’ATD Quart Monde, Joseph Wresinski, né d’un père polonais et d’une mère espagnole immigrés, venus échouer dans un quartier déshérité d’Angers. Les politiques d’accès de tous aux droits et devoirs de tous exigent donc une concertation approfondie entre les pays et les peuples. Elles nécessitent notamment que soit renforcée l’Europe, non seulement dans son rêve de supprimer les frontières physiques, mais dans ses aspirations à abolir les frontières sociales. Elles nécessitent que soient renforcées les Nations Unies dans leur ambition de faire face aux défis du monde, en particulier celui de l’éradication de la misère.

Que devient le principe républicain de LIBERTÉ ?

Nous ne voulons pas d’une société qui, à l’instar de ce que prônent certains responsables politiques actuellement, accentue le contrôle des plus pauvres en les faisant passer globalement pour coupables de leur situation, profiteurs des aides sociales et générateurs d’insécurité. Nous refusons que l’opinion publique, ainsi abusée, en arrive à faire l’amalgame entre pauvreté et délinquance et laisse s’installer des politiques de plus en plus sécuritaires qui, de fait, portent atteinte aux libertés de tous.

ATD Quart Monde appelle les différents partis à élaborer des politiques qui conduiront à davantage de sécurité et de liberté pour tous, en garantissant que nul ne sera jamais abandonné. C’est possible si ces politiques s’inscrivent dans un vrai projet de civilisation qui consiste à considérer les progrès de la société à l’aune de la qualité de vie du plus pauvre et du plus exclu. Cela suppose de regarder ceux qui sont en grande difficulté non pas comme des personnes « à charge » qu’il faut assister ou contrôler, mais comme des citoyens à part entière qui ont besoin de confiance pour que leurs potentialités se libèrent.
L’accès à un véritable emploi est devenu quasiment impossible pour les plus démunis. Dès lors, ils se trouvent beaucoup trop systématiquement relégués dans des circuits spécifiques, aux conditions d’attribution complexes donnant lieu à de multiples contrôles. Insécurisés et rendus dépendants, ils ont le sentiment que l’on n’attend plus rien d’eux. La peur d’être constamment jugés et laissés durablement de côté entrave leur liberté de parole et de pensée.

ATD Quart Monde demande aux partis politiques de s’inspirer d’initiatives nées en France ou dans d’autres pays pour proposer aux personnes les plus en difficulté de véritables emplois permettant des revenus décents, qui libèrent de la dépendance. Ces initiatives qui ont fait leurs preuves devraient être généralisées pour répondre aux aspirations au travail de ceux que l’on a trop tendance à considérer comme refusant tout emploi.

Que devient le principe républicain d’ÉGALITÉ ?

Nous ne voulons pas d’une société où l’accès aux droits est réservé à certains. C’est pourquoi, avec d’autres, ATD Quart Monde n’a cessé d’inciter les pouvoirs publics à engager une politique d’accès de tous aux droits et devoirs de tous par la mobilisation de tous. La couverture maladie universelle et le droit au logement opposable en sont deux exemples tangibles. Le droit à l’éducation, comme ceux à la culture, à la formation, à l’emploi, à la participation citoyenne, doivent également devenir effectifs pour tous, sous peine de rester des privilèges. ATD Quart Monde demande aux différents candidats aux élections de s’engager à concevoir leurs politiques comme devant permettre l’accès de tous aux droits de tous. Il leur demande de penser les mesures spécifiques pour les plus démunis – quand elles sont incontournables – non pas comme des voies de garage (telles les distributions alimentaires instituées), mais comme des passerelles conduisant le plus directement possible vers le droit commun.

En France, on est souvent stigmatisé puis discriminé simplement parce qu’on est pauvre. La discrimination pour origine sociale (adresse, filière d’éducation, nature des ressources, etc.) vient enfin d’être reconnue et dénoncée par la Haute Autorité de Lutte contre la Discrimination et pour l’Égalité qui a appelé l’État à la combattre1. Les objectifs de réduction de 30 % du nombre de pauvres amènent à un tri social et à une discrimination de fait. Une autre forme de cette discrimination devrait disparaître, alors même qu’elle refait surface actuellement, celle qui consiste à faire une distinction fallacieuse entre pauvres « méritants » et « mauvais » pauvres. ATD Quart Monde demande aux différents partis politiques de prendre à bras-le-corps le principe républicain d’égalité et de faire de la lutte contre la discrimination pour origine sociale un de leurs engagements explicites. Toutes les formes de racisme, sociales et autres, moralement inacceptables, doivent devenir légalement interdites.

Que devient le principe républicain de FRATERNITÉ ?

Nous ne voulons pas d’une société où la peur du déclassement social pousse au repli sur soi et sur les siens et crée encore davantage de violence. La tentation est parfois grande de créer une fausse unité en pointant du doigt le mauvais pauvre ou l’étranger, en laissant entendre qu’ils sont sources de violences dans la société. Or, partout dans le monde, l’expérience montre que les plus fragiles paient le prix fort chaque fois que l’on dresse une population contre une autre.

ATD Quart Monde constate qu’il existe une violence faite aux pauvres qui n’est pas reconnue : relégation dans des cités ghettos à l’habitat dégradé, aux services publics absents, discrimination sociale à l’embauche, suspicions, réponses sociales inadaptées, échec scolaire… De même, leurs efforts pour résister à cette violence ne sont pas perçus.
ATD Quart Monde attend des partis politiques qu’ils soutiennent le sursaut civique qui se lève dans notre pays pour refuser les rejets et pour apprendre à penser et vivre ensemble dans le respect de l’ÉGALE DIGNITÉ de chacun, quel qu’il soit.

C’est en prenant en compte l’expérience et l’intelligence de tous, celles des plus démunis construites collectivement, comme celles des autres, que nous pourrons bâtir une société authentiquement démocratique. Cette reconnaissance des savoirs de tous est une des plus sûres façons de réinstaurer la primauté de l’humain. ATD Quart Monde demande que les pouvoirs publics créent les conditions d’une véritable éducation à la citoyenneté, pour que chacun, dès le plus jeune âge, apprenne à comprendre l’autre et à se faire comprendre, pour que tous apprennent à penser et à vivre ensemble.

Avec les premiers soutiens de : Claude Alphandéry, Yann Arthus-Bertrand, Guy Aurenche, Régis de Gouttes, Jean-Marie Delarue, Brigitte Fossey, Stéphane Hessel, Albert Jacquard, Bruno Lachnitt, Nonna Mayer, Edgar Morin, Philippe Warin.

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