La parole aux premiers salariés des Entreprises à But d’Emploi (2/2)

Nathalie, 50 ans, à plein temps à TEZEA.

 » J’étais dans la restauration, j’adorais ça. Mais j’ai eu un accident du travail. A Tezea, je suis à la ressourcerie, je range les vêtements qui arrivent, je dispose les meubles, les bibelots… Maintenant, je sais pourquoi je suis fatiguée à la fin de la journée. Ce sont les chaussures de sécurité qui me font mal.
Retravailler, c’est tout : le salaire, la fin de l’isolement… Au chômage, on est seul, on n’est personne, on est mis de côté. Ici, je vois un tremplin pour rebondir.
Il faut que ces entreprises se multiplient. Rester chez soi, avoir des aides, c’est bien gentil. Mais on a besoin d’une vie sociale, de discuter entre collègues…
Ce projet, j’y ai cru dès le début. On a fait des tas d’heures de bénévolat pour que ça marche. C’est notre bébé, on l’a créé, on l’a accouché. Ca a été long, très long. A un moment où il fallait voter les lois, j’ai cru qu’ils reculeraient.
On est super fiers. C’est nous, main dans la main, la force de l’entreprise. Si on n’était pas là, l’entreprise ne serait pas debout. Et si Denis, le chef du projet, ne nous avait pas envoyé du rêve, nous on ne serait pas là.  »

Anne-Sophie, 37 ans, à temps partiel à TEZEA.

 » Je suis dans la section Transports, où je voulais être depuis le début. Trois matins par semaine, je livre des repas. On va bientôt démarrer l’épicerie ambulante – c’était mon idée parce que dans les campagnes la population vieillit. On va aussi laver les intérieurs des voitures, récupérer des invendus dans les supermarchés pour des associations, etc.
J’ai été exploitante agricole, travaillé en usine, fait des ménages… J’ai quatre enfants de 6 à 15 ans et ici, on peut aménager ses horaires. En travaillant, j’ai l’impression de servir à quelque chose. Et on s’entraide, surtout en informatique où les plus calés aident les autres. Tous on revit.  »

 » On les voit rayonnants « 
Sept ex-chômeurs de Saint-Ganton sont salariés à TEZEA.
Avec sa voisine Pipriac, Saint-Ganton est l’une des toutes premières communes à s’être engagée dans le projet Territoires zéro chômeur de longue durée. Philippe Louët, le maire de ce coquet village de 424 habitants, explique ce qui a changé grâce au fait que 5 des 7 chômeurs de longue durée, sur 29 au total, aient été recrutés à Tezea.
 » Quand je les rencontre dans la rue, on discute, ils sont rayonnants, dit-il. Avant, ils sortaient peu, communiquaient par internet avec Pôle emploi. Ils ont créé des liens entre eux et se retrouvent en dehors de l’entreprise.  »
A la rentrée, le maire emploiera une salariée de TEZEA pour surveiller la cour de l’école –  » seul TEZEA peut envoyer quelqu’un pour 20 minutes « . Il lui faudra aussi des personnes pour nettoyer les fossés où les habitants jettent des produits qui ne sont ramassés qu’une fois par mois avec le tri sélectif. Pour remplacer l’employé municipal en congé maladie, il vient aussi de recruter en CDD Patrick, dont le CDI à TEZEA a été suspendu le temps de ce remplacement.
 » Nous, les maires, sommes les premiers face aux chômeurs. Lorsqu’ils viennent faire une photocopie, ils ont besoin de parler, qu’on les écoute, et ils repartent avec le sourire.  » La grande force du projet, pour lui, est  » de recréer du lien social. Les gens relèvent la tête. »

Pour en savoir plus
Allez sur : zerochomeurdelongueduree.org et sur twitter : @zerochomeurLD

La définition
Les chômeurs de longue durée sont privés d’emploi, ou en activité réduite, depuis plus d’un an. Ils sont environ 2,4 millions en France.

17 800 euros
C’est ce que verse le Fonds d’expérimentation à l’entreprise à but d’emploi par salarié et par an et qui correspond au transfert des coûts liés au chômage. Cela représente les deux tiers d’un emploi. L’entreprise finance le restant avec ses revenus d’activités.
Les dix territoires expérimentateurs
Il s’agit de : Pipriac et Saint-Ganton (Ille-et-Vilaine), Mauléon (Deux-Sèvres), Thiers (Puy-de-Dôme), Jouques (Bouches-du-Rhône), Villeurbanne (Rhône), la Communauté de communes Entre Nièvres et Forêts (Nièvre), Paris 13è, la Communauté de communes Pays de Colombey et du Sud Toulois (Meurthe-et-Moselle), la Métropole européenne de Lille (Nord) et Colombelles (Calvados).

Photo : Julien Bazille, Travailleur à La Fabrique (photo Carmen Martos)