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La détention provisoire de Jean (Voir Chronique des Comités Solidaires pour les Droits n°13)

Quelques jours après son arrestation, j’avais appris que Jean, 20 ans, était en détention provisoire soupçonné d’une histoire de mœurs. Je connais Jean depuis 5 ans dans le cadre d’une association de jeunes que j’accompagne.
J’ai immédiatement fait une demande de parloir.

Depuis qu’il a été reconnu coupable, je continue la relation entamée avec Jean, malgré ce grand obstacle sur le chemin. Je sais qu’il est très solitaire et sans relation, à part celles créées au sein de l’association de jeunes. Seule, sa maman vient le voir chaque semaine. Sa famille est complètement démunie face à la situation et ne veut pas que ça se sache. Il faut être présent pour parler de tout et de rien, parler de ce qui se passe à l’extérieur.

Jean me demande à chaque visite des nouvelles des jeunes et adultes avec lesquels il était le plus en lien, également des nouvelles de l’association. Mes visites sont très attendues : « Tiens, il y a longtemps que tu n’es pas venu ? » ; « Je savais que c’était toi. ». S’ensuit un très large sourire qui en dit long.

Lors de ces visites, il parle des contacts qu’il a eu avec le milieu judiciaire (entrevues avec le juge, contacts avec l’avocate, etc.), de ce qu’on lui a dit, de ce qu’il n’a toujours pas compris dans le déroulement de l’instruction, des mots employés dont il ne connaît pas la signification. Il évoque les courriers officiels envoyés, ses demandes de remise en liberté, et les refus qu’il ne comprend pas.
Il me raconte aussi avec beaucoup de joie, les courriers reçus des jeunes de l’association. Quatre ou cinq jeunes et adultes lui écrivent plus ou moins régulièrement. Ces courriers sont vraiment importants. Il y répond systématiquement à sa manière, en quelques phrases.

Jean ne parle pas beaucoup. Au parloir pendant 50 minutes, le temps s’écoule lentement. Dans la vie courante, nous ne sommes jamais de façon obligée dans une telle situation. Je me sens impuissant face à la situation vécue par Jean, mais je sens que venir et être présent est important. Je sors souvent bouleversé de ces parloirs. Je m’y rends de façon irrégulière (entre quinze jours et six semaines). Parfois, je doute de l’utilité de cette présence.

J’ai partagé avec de nombreux juges rencontrés dans le cadre d’ATD Quart Monde ce que je vivais auprès de Jean : mes questions sur sa situation, sur sa défense judiciaire, sur son contact difficile avec l’avocate; sur les parloirs. Ces contacts ont dynamisé mon soutien à Jean, m’ont permis de lui redonner du sens.
J’ai pu lui expliquer l’importance de ses échanges avec l’avocat, commis d’office pour organiser sa défense. Pour moi, il ne s’agissait plus de chercher à savoir s’il était coupable ou non, mais d’être présent, humainement.

En fin de parloir, peu de temps avant son procès, je lui ai dit : « Quelque soit la suite Jean, je serai là. »

LA DETENTION PROVISOIRE

Le placement en détention provisoire est un choc énorme pour tous les proches. Il est important qu’ils repèrent ce que cela signifie en rappelant que la justice est rendue par des hommes qui peuvent se tromper. Le détenu bénéficie de la présomption d’innocence. Pour qu’une personne soit placée en détention provisoire, il faut qu’un juge indépendant ait estimé : qu’étaient réunis des indices graves et concordants ; qu’elle avait commis les faits reprochés ; et que, par ailleurs, la détention provisoire était nécessaire pour préserver les preuves, éviter les pressions sur les victimes, prévenir le trouble à l’ordre public et justifier d’insuffisant un contrôle judiciaire ou un bracelet électronique. La personne poursuivie peut toujours demander, sur ces deux points, que trois juges de la cour d’appel examinent à leur tour ces décisions, et le cas échéant, prennent une autre position. Le dialogue entre le détenu
et son avocat est fondamental sur tous ces points. A ce stade de la procédure, l’avocat est tenu par le secret professionnel, il ne peut donc discuter du dossier avec des proches du détenu.