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Courrier des lecteurs : « Nous avons trop souvent l’impression d’avoir un mur en face de nous »

Le Journal d’ATD Quart Monde reçoit chaque mois plusieurs courriers de lecteurs. Nous publions ici la lettre d’un couple de militants Quart Monde, concernant le placement de leurs enfants.

Nous sommes une famille recomposée, avec quatre enfants, dont deux que nous avons eu ensemble. Un jour, nous avons demandé de l’aide, car la situation était tendue entre le fils de madame, âgé de 16 ans, et son beau-père. L’institut médico-éducatif dans lequel il était suivi nous a conseillé de demander une aide éducative, pour faciliter cette relation. Nous avons accepté, mais cela s’est finalement retourné contre nous en aboutissant au placement en familles d’accueil de tous nos enfants. La plus petite nous a été retirée à l’âge de 4 mois. Elle a aujourd’hui deux ans.

Avec sa sœur, nous ne les voyons qu’une fois tous les quinze jours, pendant 45 minutes. Sans jamais rien nous expliquer, on nous a reproché des « carences affectives majeures ». On nous a dit que nos filles étaient « insécurisées » avec nous, qu’elles avaient des difficultés pour créer un lien affectif. Mais comment faire nos preuves dans un lieu neutre et non pas à notre domicile, en les voyant si peu ?

Puis, parmi tout ce que l’Aide sociale à l’enfance nous reprochait, il y a eu les punaises de lit, qui ont infesté notre logement. Ils ont parlé de problèmes d’hygiène, alors que les punaises étaient là avant qu’on arrive et que d’autres locataires en avaient aussi. Puis le Covid s’en est mêlé et ce n’est finalement que cette année que nous avons pu, enfin, rencontrer le juge, alors que nos enfants sont placés depuis deux ans. Nous souhaitons pouvoir voir nos filles dans le cadre de visites médiatisées, donc en présence de travailleurs sociaux, à notre domicile. Le juge y est favorable, mais, pour l’instant, rien ne change et les rencontres se font toujours dans les locaux de l’Aide sociale à l’enfance. Pendant un temps, nous avons eu chez nous plusieurs TISF (Techniciens de l’intervention sociale et familiale) et ça se passait bien. On était en confiance avec elles pour parler des enfants, écouter leurs conseils. Mais à cause des punaises, dont nous sommes maintenant débarrassés, elles ont arrêté de venir.

Nous avons trop souvent l’impression d’avoir un mur en face de nous. Le passé des parents n’est pas pris en compte, ni leurs ressentis. On nous dit : « il ne faut pas faire ceci, pas faire cela… ». Mais ils ne nous proposent pas d’accompagnement, d’alternatives. Toutes les décisions nous sont imposées, sans concertation. Le planning des visites est parfois modifié au dernier moment, donc il faut batailler, au boulot, pour avoir un jour de congé pour voir nos filles. On ne peut pas se projeter dans l’avenir. Les assistantes maternelles elles-mêmes sont souvent prévenues à la dernière minute de décisions majeures concernant nos enfants dont elles s’occupent. Ce système nous met tous en insécurité.

Avec ATD Quart Monde, on a appris à laisser un peu de côté des préjugés qu’on pouvait avoir, notamment sur l’école. On aimerait que certains travailleurs sociaux puissent changer de regard sur les parents, les accompagnent, ne campent pas sur leur position, qu’ils puissent réfléchir à la manière d’être plus à l’écoute, sans jugement. On aimerait aussi que ce courrier ait un impact auprès des familles qui se reconnaîtraient dans notre histoire, pour qu’elles se disent qu’elles ne sont pas seules.

Pour écrire au journal : lejournal@atd-quartmonde.org ou ATD Quart Monde, 63, rue Beaumarchais, 93100 Montreuil

Ce courrier est extrait du Journal d’ATD Quart Monde de septembre 2022.