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[Coronavirus] Confinement et précarité : garder les liens #2

En cette période de confinement, des membres d’ATD Quart Monde nous écrivent le quotidien de celles et ceux qu’ils connaissent. Extraits.

« Je n’ai pas été ajoutée dans les groupes WhatsApp de parents d’élèves, dit une maman. Je suis pas trop en lien avec d’autres dans le quartier. L’école pour ma fille, c’est un peu dur. Trouver la leçon, conjuguer les verbes, c’est trop dur. L’essentiel, c’est qu’elle lise de temps en temps, qu’elle écrive de temps en temps. Moi je ne peux pas trop l’aider. »

« Ce matin avec ma fille, nous avons collé des fleurs sur la fenêtre. C’était le défi proposé par la maîtresse : « Fêter l’arrivée du printemps en dessinant de belles fleurs et les coller aux fenêtres ». On a choisi des belles couleurs vives. On s’est bien amusées. » (source l’atelier d’écriture d’ATD Quart Monde à Brest).

« J’aurais aimé avoir moins de devoirs, qu’on puisse appeler les profs pour qu’ils nous aident à faire nos devoirs. J’ai appelé une fois parce que je n’arrivais pas à ouvrir le site et depuis, plus de contact. Je regarde une émission de 14 à 15h à la télévision sur la 14 (France 4). J’aime bien on apprend plein de choses, ma maman est avec moi on discute de l’émission. J’ai hâte que le confinement soit fini pour prendre du temps pour moi et profiter de ma famille, de mes amies. J’ai hâte de revoir les chevaux dont je m’occupe en stage, de prendre soin d’eux et de leur faire pleins de petites caresses. » (source idem).

J’évite de regarder les infos toute la journée

« Je dis à tous les gens autour de moi de ne pas passer la journée à regarder les chaînes d’infos. C’est trop déprimant, on n’a pas besoin d’en rajouter chaque heure dans les mauvaises nouvelles. Je prends soin d’écouter d’autres émissions à la radio. Je ne regarde les informations qu’une fois le soir, pour me tenir au courant » (David).

Avec le confinement, beaucoup de projets s’arrêtent

« J’ai les jeunes très régulièrement au téléphone au moins une fois par semaine, voire tous les jours pour certains », écrit Maggy.
« C’est difficile pour beaucoup de rester à la maison, notamment pour M., un jeune qui est en foyer de jeunes travailleurs dans une petite chambre. Hier, nous avons eu un rendez-vous téléphonique avec quatre jeunes. Tous ont dit que c’est difficile de rester confiné. Pour trois d’entre eux, ça crée des tensions avec les autres personnes du logement, notamment pour les jeunes qui sont hébergés chez d’autres.
S. disait que c’était difficile de se sentir encore plus inutile que d’habitude, et que c’est dur de ne pas pouvoir se projeter au lendemain. Ce même jeune qui vient de commencer la Garantie jeune dit aussi avoir peur de ne pas réussir à reprendre le rythme à la fin du confinement. Il n’a pas reçu mi-mars son allocation Garantie jeune. La réponse de la Mission Locale a été qu’il recevra deux allocations mi-avril. Mais d’ici là, rien n’est proposé.
Une jeune a dit que c’est difficile – et plus difficile pour certains pour des tas de raisons -, mais pour une fois on est tous devant les mêmes responsabilités : être confiné, mais aussi prendre soin les uns des autres.
Trois jeunes parents qui ont leurs enfants placés ne peuvent plus les voir, car toutes les visites ont été annulées. L’un d’entre eux ne peut même pas appeler son fils au téléphone, il doit attendre que l’éducateur l’appelle pour lui donner des nouvelles.
Une autre jeune qui avait commencé un parcours d’insertion a vu tout s’arrêter. Elle dit également que c’est difficile que tous les projets de stage et de permis de conduire soient remis à plus tard, car elle attendait ces projets depuis un moment. »

« Il faudrait faire l’internet gratuit pour tout le monde dans les foyers d’hébergement et les HLM, plutôt que donner sur justificatif et d’obliger les gens à se justifier », écrit Yves.
« Hier, on a entendu à la radio qu’une personne a été condamnée à des travaux d’intérêt général, parce qu’elle a été contrôlée plusieurs fois sans d’attestation. Son excuse était : « Je n’arrive pas à vivre à sept dans un appartement. » Mais cela n’a pas été considéré comme une excuse valable.
Le jardin partagé du quartier est fermé. Nous avons laissé des messages, mais personne ne répond. Ils ont fermé sans se concerter avec les habitants. »

« Ils sont hors-droit, j’applique le droit commun. »

Un autre membre d’ATD Quart Monde écrit : « Je vais voir quelques personnes et familles que je connais, en particulier une famille Rom dont le papa a travaillé un temps avec moi mais qui s’est cassé la main et n’a pas retravaillé depuis. J’ai décidé de leur allouer une somme d’argent chaque semaine tant que dure le confinement. De même les deux autres personnes (un jeune et un jeune père de famille de trois enfants avec qui je travaille) ne peuvent plus travailler. Je ne veux pas m’exposer ni les exposer. Comme le gouvernement a ouvert la possibilité de continuer de travailler, je continue donc seul les chantiers et je leur alloue le chômage partiel pour lequel je ne peux pas postuler, étant hors cases comme auto-entrepreneur. Je leur verse quelque chose chaque semaine. Je n’ai pas attendu que les personnes me demandent de l’aide, j’ai anticipé pour leur éviter d’être quémandeurs et je trouve que c’est un droit. Je n’en suis pas resté au constat qu’ils étaient hors droit, j’ai appliqué le droit commun. »