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#JournéeMondialeDuRefusdelaMisère – Au Fabrik Café, les migrants ont droit de cité

En route vers la Journée mondiale du refus de la misère, qui a lieu tous les ans le 17 octobre, nous vous proposons une série spéciale qui met en avant ceux et celles qui posent des gestes concrets pour lutter contre la pauvreté.

Avec des bénévoles, ils réparent vélos et meubles. Entre partage des savoirs et dignité retrouvée.

Penchés sur un vieux vélo, Saddam et Eric changent le dérailleur. Ils en ont récupéré un parmi des pièces détachées de bicyclettes hors d’usage. Aucun des deux n’est mécanicien mais ils s’entraident, tout sourire.

Saddam, 24 ans, est soudanais. Il vient du Darfour, région dévastée par la guerre civile. Il a demandé l’asile en France et n’a pas le droit de travailler dans les neuf mois suivant sa demande. Alors, il est heureux de venir ici le mardi –  » cela m’occupe, je rencontre des gens, je comprends aussi mieux le français « .

Le Fabrik Café d’Angers a été créé en 2016 par plusieurs associations – le Secours catholique, ATD Quart Monde, les Jardins de Cocagne, Emmaüs – et la Recyclerie des Biscottes, une entreprise d’insertion. On y remet à neuf de vieux vélos donnés par Emmaüs qui les revend. On retape aussi des meubles confiés par la Recyclerie qui, comme Emmaüs, reverse le fruit de la vente au Fabrik Café.

Tous les mardis de 10 heures à 15 heures, une douzaine de migrants s’y retrouvent avec des bénévoles. Certains s’y connaissent et conseillent les autres. On travaille et on déjeune ensemble. Le mercredi de 14 heures à 17 heures, ils sont plus d’une vingtaine avec quelques chômeurs et personnes en difficultés. L’après-midi se conclue par un goûter.

Certains migrants, comme Saddam, sont dans un parcours classique de demandeur d’asile. Mais beaucoup sont des  » dublinés  » – en vertu du règlement de Dublin, ils doivent faire leur demande dans le pays européen où ils sont arrivés. S’ils refusent d’y retourner, ils doivent attendre 6 ou 18 mois selon les cas, avant de pouvoir déposer leur demande en France. D’ici là, ils n’ont aucun statut.

 » L’idée est d’occuper des personnes qui n’ont rien d’autre à faire que de déambuler dans la rue, de leur permettre de se sentir utiles et de vivre des moments de convivialité, explique Michel Lenoir, pédiatre à la retraite, président du Fabrik Café. On ne donne pas du travail, on partage des savoirs « .

Ce mardi, c’est Marie-Claude, bénévole, qui prépare le repas. Habituellement, les migrants s’en chargent mais beaucoup sont allés à La Baule avec le Secours catholique. Un réfugié syrien, cuisinier, a ainsi fait le repas pendant un mois. Une demandeuse d’asile guinéenne, qui a décroché un CAP pâtisserie, a concocté des madeleines dont on se souvient encore.

 » On pourrait ouvrir tous les jours, on ferait le plein « , assure Michel Lenoir. Mais tout repose sur le bénévolat. Et l’équilibre financier est fragile. La mairie d’Angers, notamment, alloue des subventions. Mais il faut aussi s’assurer des recettes, vendre des vélos et des meubles dans des vide-greniers, des foires…

En fin de matinée, une longue silhouette fait son apparition : Abdoulawaye, un demandeur d’asile originaire du Nord-Mali, une région en proie à l’insécurité. Il a 18 ans et est venu durant deux mois au Fabrik Café –  » on apprenait quelque chose, on se vidait la tête « . Puis il est parti à Bordeaux retrouver une famille avec qui il correspondait à l’école des Dunes à Gao.

Bénévole dans un garage solidaire, il voudrait étudier, apprendre un métier, mécanicien auto peut-être. Il a frappé à toutes les portes, dans des lycées, des CFA… En vain. Autour de la table du déjeuner, on l’encourage. Michel lui conseille d’aller voir une association qui l’accompagne. Sinon il l’aidera. Abdoulawaye promet de le faire. Il reprend espoir.

Véronique Soulé

Photo: De gauche à droite, Eric, Saddam, Marie-Claude et Abdoulawaye le 3 juillet 2018 au Fabrik Café – ©VS, ATDQM