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Territoires zéro chômeur de longue durée : À Pipriac et Saint-Ganton, un bilan positif

Sur les communes de Pipriac et Saint-Ganton, en Ille-et-Vilaine, élus et salariés se sentent fiers du chemin parcouru.

« Nettoyage de voitures, de vitres, blanchisserie, désherbage, maraîchage, il faut être polyvalent ici ! Mais cela ne me dérange pas, je suis courageuse et cela fait partie du travail. » Christelle Lascaux avoue avoir retrouvé le sourire depuis son arrivée à l’entreprise à but d’emploi TEZEA, qui emploie actuellement 67 salariés. Ancienne vendeuse pendant près de 14 ans à Paris, elle reconnaît cependant que c’est au milieu des vêtements de La Recyclerie qu’elle se sent le mieux.

Il y a 5 ans, Christelle a quitté son CDI, à regrets, pour suivre son compagnon en Bretagne. Commence alors pour elle une longue période de chômage, durant laquelle elle perd peu à peu toute confiance en elle. « Je n’avais jamais vraiment passé d’entretiens. Dès que j’en avais un, j’étais trop nerveuse, je paniquais et ça ne marchait pas. » Pendant quatre ans, ses espoirs de retrouver un emploi stable s’amenuisent. « Quand on perd son emploi et qu’on n’a plus de salaire, on se dit ‘je ne sers plus à rien, je ne suis plus rien’. Je me renfermais, je restais dans mon coin. Alors que cela ne me ressemblait pas, moi j’ai besoin de voir du monde, de discuter, de travailler. » Elle entend parler de TEZEA par Pôle Emploi et, ce qui la rassure tout de suite, « c’est qu’ici il n’y a pas d’entretien d’embauche », dit-elle dans un grand éclat de rire. Depuis juin 2018, Christelle a retrouvé un emploi, mais aussi un peu de confiance en elle. « Ici, je fais le clown tout le temps. Je remonte le moral de mes collègues, j’ai toujours la pêche. »

Chefs compréhensifs

À quelques kilomètres de La Recyclerie, Maxime Marchand s’active au milieu des rondins de bois. « J’ai trouvé que c’était ma place ici », estime-t-il aujourd’hui. Il y a quelques années, c’est pourtant en tant que maçon et tailleur de pierre qu’il avait trouvé sa voie. « C’était mon métier et je l’aimais bien. Mais, en raison de problèmes de santé, j’ai dû abandonner la maçonnerie. Puis, comme je ne pouvais pas passer le permis à cause de ma maladie, je ne retrouvais pas de travail. »

Maxime reste plusieurs mois au chômage. « Le temps ne passe pas vite quand on est sans rien faire à la maison.» Embauché par TEZEA il y a un peu plus d’un an, le jeune homme travaille à mi-temps : découpe du bois, livraison chez des clients, fabrication de piquets en bois, il ne voit désormais plus le temps passer. Il salue l’organisation de l’entreprise : « Ici, on a notre mot à dire sur ce qu’on veut. Les chefs sont assez compréhensifs, c’est pas comme si on travaillait à la chaîne dans une grosse usine. » Grâce à ses nouvelles connaissances acquises dans le travail du bois, Maxime espère trouver un jour un autre emploi, « payé un peu plus que le Smic ».

Fierté

Dans l’atelier de création en bois de palettes, juste à côté, Valérie Garcia ne se lasse pas de raconter son histoire aux visiteurs et ne semble elle-même toujours pas y croire. « J’étais femme de ménage, je n’aurais jamais pensé faire de la création de meubles. » C’est pourtant bien là qu’elle a trouvé un emploi, il y a deux ans. « Avec un CDI à la main, on peut faire ce qu’on veut ». Aujourd’hui, elle est fière, car elle vient d’acheter une voiture neuve, mais surtout parce que les clients saluent le travail de l’équipe de TEZEA.

Humanité du projet

Un sentiment de fierté partagé par le maire de Pipriac, Marcel Bouvier, pour qui « la commune ressort grandie de cette expérimentation ». L’élu avait pourtant trouvé le projet « un peu utopique » au départ. Mais aujourd’hui, les premiers résultats sont là pour l’ensemble de la ville: « Quand près de 70 personnes touchent un Smic, cela a forcément un impact économique sur le territoire. Le nombre de demandes faites au centre communal d’action sociale a diminué, la fréquentation de l’épicerie sociale aussi. » Au delà de l’aspect économique, le maire pointe « l’humanité du projet ».  « Les chômeurs de longue durée, on les trouve dans un état psychologique très faible. On sent que ce sont des gens brisés. Beaucoup ont repris confiance, ils ont remis de l’essence dans le moteur moral. »

Dans le petit village voisin de Saint-Ganton, le maire, Philippe Louet, fait le même constat : « Sur les 424 habitants, il y avait au départ 12 ou 13 chômeurs de longue durée. Ils n’avaient pratiquement plus de lien social, restaient chez eux. Plus de la moitié travaillent aujourd’hui chez TEZEA. Ils ont changé de comportement, on les retrouve dans les commerces, ils se rencontrent entre eux. Tout le monde a à y gagner. » L’élu, qui s’est lancé avec enthousiasme dans le projet dès 2014, est persuadé qu’avec le temps il sera possible de trouver de nouvelles activités et d’employer la totalité des chômeurs de longue durée du territoire.

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Reportage : Julie Clair-Robelet Photographie : @Carmen Martos, ATDQM