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A Lille, un atelier en plein air pour coder

Dans le quartier lillois de Fives, le Mouvement propose des ateliers pour s’approprier les nouvelles technologies et aussi pour créer. Reportage.

Il est quinze heures trente. La bibliothèque de rue débute dans une demie heure. La petite équipe d’ATD Quart Monde se répartit les tâches.

Thomas, jeune volontaire permanent qui habite tout à côté, monte chercher l’équipement chez lui – bâche, tapis, caisse de livres… Il est accompagné de Djamel, un habitant du quartier et un fidèle de la bibliothèque de rue qui donne volontiers des coups de mains.

Pol, du collectif « Common makers » (rassemblant des « makers » qui veulent « faire » avec les autres), a apporté son matériel. Il va animer un atelier de codage particulier, sans ordinateurs.

Porte à porte

Sreng, l’autre volontaire permanent, file au village d’insertion non loin qui abrite des familles roms. Les enfants qui jouent autour des mobil homes accourent vers lui. Des mères l’invitent à prendre un café. Mais pas question de se mettre en retard. Sreng repart vers la place accompagné d’enfants roms.

Avant chaque bibliothèque de rue, l’équipe fait du porte-à-porte pour inviter un maximum de personnes, notamment les plus isolées. « Quand on décide de faire tel immeuble ou telle rue, explique Sreng, on fait systématiquement toutes les portes. Une astuce est de toquer là où tout est fermé car quand on est isolé, on se barricade. »

Imprimante 3D

Depuis l’été 2015, l’équipe d’ATD Quart Monde engagée dans l’Action de promotion familiale, sociale et culturelle à Fives mène des initiatives pour familiariser aux nouvelles technologies des publics a priori éloignés, sur les deux sites en plein air des bibliothèques de rue. Pour les organiser, elle s’appuie sur ses partenaires de Common Makers et de L d’Illusion, une association pour l’accès à la culture de tous.

Lors du Festival des Savoirs et des Arts de l’été 2015 – un rendez-vous organisé chaque année par ATD Quart Monde partout en France -, des ateliers d’impression 3D ont ainsi été proposés. Une imprimante 3D et des ordinateurs avaient été installés sur une grande table sous des tonnelles. Une quarantaine d’enfants et d’adultes ont été initiés.

Lors du Festival 2016, les participants ont créé ensemble un jeu de memory tactile et ont découvert la fraiseuse numérique pour découper. Une vingtaine d’enfants ont aussi suivi un atelier de codage avec tablettes et vidéo projecteur.

Recette de cuisine

Ce mardi 1er novembre, sur la place du micro quartier Amiral Courbet, l’atelier de codage sans ordinateur débute. Ici le codage est appréhendé comme un jeu créatif auquel quiconque ayant un peu d’imagination et de méthode peut se livrer. « Une recette de cuisine ou un jeu de société, c’est déjà un algorithme et donc un programme », souligne Sreng.

Assis par terre, Pol a sorti le matériel à coder : des cartes en bois recouvertes d’une feuille transparente sur laquelle on peut écrire et qui s’emboîtent les unes aux autres. Sur les cartes jaunes, on indique la condition de départ du programme.  » Si on entend deux claps par exemple, ça le déclenche, explique Pol, il faut l’écrire.  » Les cartes bleues sont réservées aux actions qui suivent. »Ca peut être courir au toboggan », suggère Pol. Les rouges marquent la fin du programme : si on met deux points, il faudra le faire deux fois.

Toboggan

Accroupis autour de lui, les enfants comprennent vite. Ils proposent une action : « faire le tour du tourniquet » et remplacent la condition de départ par « faire du boogie boogie »… Le programme fini, il faut le tester. Si l’on ne suit pas bien les étapes, cela provoque un bug.

Les enfants se trémoussent. C’est le coup d’envoi. Ils courent jusqu’au toboggan, font le tour du tourniquet, reviennent au point de départ…

Pol les félicite et leur propose d’imaginer un autre programme. Certains se lassent et partent au terrain de foot de l’autre côté de la place. Une partie débute – les enfants roms contre les autres – dans une bonne ambiance.

Geste à la brésilienne

Les passionnés restent autour de Pol. Comme Isaac en survêtement bleu turquoise. Concentré, il imagine un jeu d’entraînement de foot. Trois claps pour démarrer puis une série d’actions : « vingt flexions, j’adore les flexions ! », « faire un tour de stade », « faire un geste à la brésilienne »… Il les note sur les cartes bleues qu’il emboîte consciencieusement. Jusqu’à la carte rouge finale.

Plus loin sur le tapis, Thomas lit un livre avec Dafin. Entre temps, Mohammed, un père, est descendu et discute avec Sreng. Il est rejoint par sa femme et sa fille en roller. Toutes deux s’assoient sur le tapis et lisent ensemble. La famille est un pilier de la bibliothèque de rue.

Tableau des humeurs

Des enfants du quartier s’arrêtent. Sreng leur demande de s’inscrire au « tableau des humeurs ». Réalisé avec les enfants, il permet à chacun d’indiquer son humeur du jour en posant un post-it avec son nom sur la case correspondante – content, boudeur, tout fou, amoureux… Aujourd’hui, l’optimisme l’emporte.

A 18 heures, la nuit tombe. Isaac repartirait bien sur un autre programme mais c’est l’heure de ranger.

L’équipe enchaîne sur un « debriefing ». Elle a été rejointe par Marjolaine, une animatrice de l’an dernier venue prêter main forte après son travail. A tour de rôle, chacun fait un bref bilan de la bibliothèque de rue.

« On lisait chacun une page avec Léa, j’ai bien aimé », commence Thomas. « Avec l’atelier code, on dédramatise, cela paraîtra simple de transférer le programme sur ordinateur », se félicite Sreng. Pol s’interroge sur la suite de l’atelier : « Je pourrais préparer la semaine prochaine un grand jeu avec plusieurs programmes. Tous participeraient et ça leur donnerait envie de coder. « Certains hésitent. L’aventure s’écrit en avançant. Et rien n’est programmé.

Véronique Soulé

Photo : Atelier code à la Bibliothèque de rue de Fives le 1er novembre 2016 (VS)