Entrez votre recherche ci-dessous :

L’administration électronique au service des usagers et de la performance des administrations : témoignages d’usagers

Joël Lemahieu et Pascal Wecxsteen pour l’association « ATD Quart Monde ».
Pascale Sivilotti de l’association « Starter ».

Joël Lemahieu

De nos jours, l’ordinateur entre dans la vie de tous comme c’était le cas avec la télé
dans les années 60. Et avec internet, à condition d’être un peu formé, ça permet de
gagner beaucoup de temps et d’être plus autonome et de ne pas dépendre (dans
son association) des collègues qui savent l’utiliser. En plus, sur internet (légifrance),
on trouve toutes les informations juridiques pour connaître ses droits. C’est bien plus
pratique que le téléphone, parce que le téléphone ne sonne jamais au bon moment.
L’ordinateur ne fait pas grève, n’a pas de besoins naturels, ne revendique pas, il est
disponible 24h/24h. De mon côté, j’y vais que quand je suis disponible. Pour moi,
responsable associatif, internet c’est devenu indispensable. Mais l’ordinateur n’est
qu’un outil, il ne doit pas remplacer l’humain.

Seulement voilà, nos décideurs ont poussé la chose jusqu’à vouloir tout informatiser,
y compris les documents administratifs. Et cela sans vraiment se préoccuper des
usagers.
Je prendrais l’exemple du dossier DALO (DROIT au LOGEMENT OPPOSABLE)
C’est un pavé de 11 pages . Tout le monde ne comprend pas comment le remplir.
Pareil pour la Sécurité Sociale, la CAF .Des formulaires sont mis en ligne mais qui
sait vraiment les utiliser ?

Moi , j’ai eu la chance de rencontrer un conseiller Pôle Emploi qui m’ a bien orienté
en formation .C’est comme çà que j’ai pu apprendre à maitriser WORD et
INTERNET.

Mais pour les gens les moins instruits, c’est la « galère ».J’en veux pour preuve le
nombre de personnes qui viennent chez moi pour me demander de l’aide quand
elles doivent remplir un papier administratif. L’accès à Internet pour les publics en
grande difficulté n’est pas chose simple.
Comment faire avec une personne ne sachant pas lire ? Ou bien avec quelqu’un
qui, faute de moyens ne peut soigner sa vue et acheter des lunettes ? Dans ces cas
là, un accompagnement s’avère indispensable pour l’usager qui veut utiliser Internet.
D’ailleurs, j’ai entendu souvent le mot « accompagner » revenir dans les
interventions des invités précédents. Et c’est vrai que c’est très important.

Il y a aussi la question des moyens financiers
Comment, une personne vivant avec l’allocation du RSA peut s’acheter un ordinateur
et se payer la connexion internet ?
La seule alternative, c’est de s’adresser à un organisme qui recycle des machines et
les revend à bas prix.

Pascale Sivilotti

J’ai commencé à utiliser Internet en Avril 2011. Je suis allocataire du RSA et c’est en
discutant avec une assistante sociale du quartier de Moulins que je me suis inscrite
dans une formation à l’association Starter. On m’avait dit : « tu ne vas pas
comprendre ». Et moi, je croyais que c’était compliqué, mais non !
Après la formation, j’ai obtenu avec Starter et l’association « Solidarité informatique »
pour 10€ un ordinateur ancien mais qui a été réparé. J’utilise aujourd’hui internet
pour le suivi de ma situation d’allocataire du RSA auprès de la CAF, pour obtenir des
papiers officiels (extrait d’acte de naissance), pour des relations familiales.

Autour de moi, il y a des gens qui ont peur d’utiliser internet. S’ils ne mettent pas la
lettre pour la Sécurité Sociale dans la boîte aux lettres, alors leur lettre ne va pas
arriver. Internet, ce n’est pas matériel.

Financièrement, jamais je n’aurais pu acheter un ordinateur. Heureusement qu’il y a
des associations comme Solidarité informatique. Il reste la connexion internet à
payer et c’est lourd pour le budget d’un allocataire du RSA.

Pascal Wecxsteen

ATD Quart-Monde s’intéresse depuis plusieurs années à la relation entre les personnes en
situation de pauvreté et les administrations, les institutions via internet. Dans les années
2004/2006, une action appelée « internet de rue » s’était développée dans 2 départements
de la région parisienne. L’association a également participé en 2005/2006 à Bercy à des
réflexions sur l’administration électronique.
Quelques constats (brefs et partiels) … par rapport aux personnes qui vivent la pauvreté
– Si dans une administration, vous avez à demander un papier officiel quelconque, l’accueil
et l’écoute ne sont pas forcément au rendez-vous. Vous faites la même demande par
internet, aucun problème ! L’ordinateur ne porte pas de jugement.
– Avec l’administration électronique, on a cherché à simplifier au maximum les formulaires,
mais ces personnes vivent souvent des situations particulières qui ne peuvent pas être
prises en compte par une démarche d’administration électronique … tout simplement parce
qu’il n’y a pas de case prévue.
. Il y a des obstacles, des freins, comme le regard des autres (« ils ne vont pas
comprendre ») et l’absence de prise en compte de leur situation concrète comme l’illettrisme,
des difficultés physiques (la vue, des mains abîmées…), le manque de place chez eux, le
manque d’argent…
– La fréquentation « normale » de l’école passe aujourd’hui par la possession d’un ordinateur
et l’usage régulier d’internet… par exemple pour effectuer telle ou telle recherche à la
demande d’un instituteur ou d’un professeur. En quelques années, la possession d’un
ordinateur est devenu un facteur supplémentaire de discrimination. Une phrase entendue :
« on a pas d’ordinateur, c’est nous les bêbêtes ! »

Dans la région Nord Pas-de-Calais, une action de formation financée par la Région et
l’Europe au bénéfice des militants d’ATD Quart-Monde se déroule actuellement auprès de 8
groupes locaux. Pour ces militants, il s’agit de se familiariser avec l’outil internet pour
communiquer entre eux plus facilement et pour faire connaître à l’extérieur leurs actions et
leurs initiatives. Ils deviennent ainsi, dans la lutte contre la pauvreté, producteurs d’une
contribution mise plus largement sur la place publique via internet.