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Idées Fausses : « Le marché de l’emploi est dynamique » C’est faux !

C’est faux car il existe 30 000 à 50 000 offres à temps plein non pourvues pour 8 millions de chômeurs et les créations d’emplois sont inférieures à l’augmentation de la population active

8 millions de chômeurs pour 30 000 à 50 000 offres à temps plein non pourvues

Chaque année en France, entre 100 000 et 150 000 offres de Pôle emploi sont retirées faute de candidat adéquat[1]. Comme Pôle emploi draine un tiers des offres (les deux autres passent par les petites annonces, les réseaux professionnels, etc.), il y aurait au total entre 300 000 et 450 000 offres abandonnées chaque année faute de bon candidat. Mais cela ne signifie pas qu’elles auraient trouvé preneur, et encore moins que cela aurait fait autant de chômeurs en moins.

Tout d’abord parce que, pour plus de 4 offres sur 5, des candidats se sont présentés et ont été refusés par le recruteur. Mais qui, du recruteur ou du candidat, pose problème ? Les recruteurs interrogés par Pôle emploi[2] (qui n’interroge malheureusement pas les candidats[3]) invoquent surtout le manque d’expérience, de motivation et de compétences des candidats, et, dans seulement 25 % des cas, un salaire insuffisant. Précisons que la moitié de ces 100 000 à 150 000 offres seraient illégales, selon une étude réalisée en 2017[4], et que les agents de Pôle emploi ne peuvent pas vérifier les 60 % d’offres qui sont déposées sur leur site par des sites privés – Vivastreet, Jobijoba, Keljob, Monster, etc., soit 110 partenaires au total – qui publient sur poleemploi.fr leurs offres, triées non par des agents de Pôle emploi mais par un logiciel qui en rejette 30 % environ pour non-conformité.

Précisons aussi que la plupart des offres sont à temps partiel ou en CDD de courte durée. L’étude de 193 offres en horticulture en Île-de-France a montré qu’elles équivalaient à seulement 40 offres à temps plein[5]. Si on applique ce ratio aux 300 000 à 450 000 offres, cela ne représenterait que 60 000 à 100 000 emplois à temps plein vacants (et 30 000 à 50 000 si l’on enlève la moitié d’offres illégales).

Certes, il est vrai que plusieurs métiers sont délaissés par les chercheurs d’emploi car leur image s’est dégradée. Il faut bien sûr mieux les faire connaître et les valoriser. Mais une étude du Centre de lutte contre les discriminations (CLCD)[6] montre que, sur ces métiers en tension, les exigences des employeurs sont parfois trop hautes. Sur 1 575 offres d’emploi publiées par le Forem (le Pôle emploi belge) pour 10 métiers déclarés en pénurie, les caractéristiques les plus fréquentes sont l’expérience professionnelle exigée – ce qui exclut les jeunes et les demandeurs d’emploi en reconversion – et le contrat précaire. Quatre métiers exigent d’autre part le permis de conduire ou un véhicule, alors que cela n’est pas directement lié à l’exercice de l’emploi. Et entre 70 et 86 % des offres cumulent trois ou quatre de ces critères…

Les créations d’emplois sont inférieures à l’augmentation de la population active

Considéré seul, le nombre de créations d’emplois est trompeur à deux titres. Tout d’abord, de la même manière que le chiffre du chômage , il fait abstraction de la qualité de l’emploi : CDI, CDD, temps plein, temps partiel… Ensuite, le nombre d’emplois créés dans une année est à rapporter à l’augmentation de la population active dans l’année. On ne peut par exemple se féliciter de la création de 100 000 emplois si la population active a augmenté de 150 000 personnes : la population active fluctue selon la démographie et selon les comportements d’activité, qui varient en fonction du taux de participation des femmes au marché du travail, des réformes des retraites, de l’espoir ou non des chômeurs de longue longue durée de retrouver un emploi.
Comme le montre le tableau suivant, les 976 000 créations d’emplois entre 2009 et 2018 n’ont pas couvert le nombre de 1,37 million de personnes nouvelles ayant rejoint la population active, soit en moyenne 140 000 par an. De plus, ces créations sont très largement financées par la puissance publique, beaucoup plus qu’il y a 20 ou 30 ans où l’on arrivait à créer des emplois sans autant baisser le coût de l’emploi.

Rappelons-le, ces créations d’emplois incluent le travail précaire et le temps partiel et ne sont donc pas toutes des emplois décents, capables de faire vivre le travailleur et sa famille. « Au 4e trimestre 2018, 18,2 % des actifs occupés travaillent à temps partiel. Pour environ un tiers de ces personnes, le temps partiel est subi : elles souhaiteraient travailler davantage et sont disponibles pour le faire. »
La bonne nouvelle de 2019 est qu’il y aurait au 1er trimestre environ 100 000 nouvelles créations d’emplois… en bonne partie issues du surcroît de pouvoir d’achat obtenu fin 2018 par le mouvement des Gilets jaunes, qui s’est traduit par un accroissement des dépenses publiques de 10 milliards début 2019. [8]

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] Voir l’enquête « Besoins en main-d’œuvre 2018 » réalisée par Pôle emploi et le Crédoc, p. 59, et « Offres pourvues et abandons de recrutement », Statistiques, études et évaluations de Pôle emploi, n° 40, 2017.

[2] Statistiques, études et évaluations de Pôle emploi, n° 40, op. cit., p. 7.

[3] Alors que cela permettrait certainement de mieux apparier encore offres et demandes d’emplois. Cf. F. Eymard-Duvernay, Épreuves d’évaluation et chômage, Toulouse, Octares Éditions, 2012.

[4] V. Bizet-Sefani, « Étude de 1298 offres pole-emploi.fr : une offre sur deux est illégale » sur www.cgt56.com/spip.php?article1533 (consulté en août 2019) et l’émission de France Inter « Les étranges annonces de Pôle emploi » du 20 mai 2017.

[5] Article « « Il suffit de traverser la rue… » : la ritournelle des emplois non pourvus », de H. Clouet, 18 septembre 2018, sur www.theconversation.com (consulté en août 2019).

[6] « Analyse des offres d’emploi pour 10 métiers critiques », Forem, mars 2017.

[7] « Emplois non pourvus : quelles réalités ? », É. Heyer, le 21 septembre 2018 sur France-Culture.

[8]  C. De Miras, S. De Waroquier De Puel Parlan, C. Dixte, T. Do, C. Minni, S. Rebiere, M. Rey, « Emploi, chômage, population active en 2018 : ralentissement de l’emploi du fait de l’intérim et moindre baisse du chômage », op. cit.