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Vacances pour tous

Françoise Galliot et Marlies Krüger, toutes deux alliées du Mouvement ATD Quart Monde, expliquent à Feuille de route leur travail au secrétariat Vacances.

Quel est votre objectif ?

Nous aidons des familles et des personnes seules vivant dans la précarité à partir en vacances. C’est une idée révolutionnaire en soi. Les gens pensent souvent que ces personnes n’ont pas besoin de vacances, qu’elles ont d’autres priorités. ATD Quart Monde a été précurseur avec Joseph Wresinski qui, peu après avoir fondé le Mouvement, a souligné la nécessité pour ces personnes de se reposer, de souffler dans un environnement où elles ne sont pas jugées, d’échapper aux tracas quotidiens… D’où l’achat en 1979 de la maison de la Bise, dans le Jura. À Lyon au printemps dernier, un volontaire permanent a ainsi proposé un séjour à une dizaine de personnes vivant à la rue.

Qu’est-ce qui vous distingue ici d’autres associations ?

Nous nous centrons sur les familles les plus démunies et sur les « premiers départs ». Il faut parfois jusqu’à deux ans pour convaincre une famille de s’autoriser à partir une première fois. Souvent elle pense qu’elle ne le mérite pas. C’est alors au porteur de projet – allié, volontaire permanent ou une association amie – de lui expliquer tous les bénéfices qu’elle peut en attendre: une consolidation familiale, la découverte d’autres milieux, etc. Nous insistons sur une certaine mixité sociale. Ce doit être l’occasion de s’ouvrir au monde et de faire de nouvelles expériences – bricolage, ballades, sports…

Comment travaillez-vous concrètement ?

Les familles reçoivent une aide de la Caisse d’allocations familiales (CAF) – malheureusement, cette aide est très variable d’un département à l’autre, avec parfois des choix différents (aide aux familles ou priorités aux séjours collectifs d’enfants, etc.). Les collectivités locales fournissent aussi une aide, en diminution ces dernières années. Mais ces allocations ne suffisent pas. Nous fournissons dès lors le complément – 100 euros en moyenne par personne, plus pour les personnes seules, pour des séjours de 5 jours à 15 jours. Mais nous tenons à ce que les familles participent, au moins pour l’équivalent de ce qu’elles auraient dépensé en nourriture. Leur participation peut aller de 40 à 500 euros par séjour et par famille. Notre aide est surtout cruciale pour les personnes seules exclues de ces allocations. Nos porteurs de projets soutiennent les familles dans l’organisation pratique de ces vacances.

Quel est votre budget ?

Comme d’autres associations, nous signons chaque année une convention avec l’Association nationale des chèques vacances (ANCV) qui nous alloue une enveloppe : 40 000 euros en 2014. Les chèques-vacances sont, à l’origine, destinés aux salariés. Mais leur gestion génère un petit supplément non utilisé. Et ce sont ces chèques en surplus que l’ANCV nous distribue dans le cadre de sa politique sociale. À ce propos, nous voulons lancer un appel : « Demandez des chèques-vacances à vos comités d’entreprise, vous aiderez d’autres à partir ! » Plus il y a de chèques en circulation, plus il y a de surplus distribué. « Chaque chèque porte une petite part de solidarité », comme dit le président de l’ANCV.

Combien de personnes avez-vous aidé à partir l’an dernier ? Et où partent-elles ?

Nous avons permis à 80 familles de partir, 400 personnes au total avec les personnes célibataires. Toutes ne vont pas à la Bise, bien sûr. La maison, qui va bientôt rouvrir après un renouvellement de l’équipe, peut accueillir 5 familles et 50 personnes au maximum en comptant les accompagnateurs bénévoles et les volontaires permanents résidant sur place. Nous travaillons par ailleurs avec des associations agréées par la CAF, gérant des campings, des centres de vacances… L’an dernier, plusieurs familles de gens du voyage du Val d’Oise par exemple ont campé aux Sables d’Olonne. Nous avons un partenariat avec l’association 82 4000 à Briançon qui fait découvrir la montagne. L’été dernier, une mère et ses dix enfants y sont partis. Ils se sont tellement plu qu’ils voudraient y retourner pour y vivre.

Vous avez d’autres activités ?

En plus, nous animons un réseau d’associations – le « Réseau vacances – combattre l’exclusion » (voir encadré). Régulièrement, nous organisons une Journée du réseau où se rencontrent bénévoles, travailleurs sociaux, institutionnels, élus locaux… Cette année, ce sera particulier : elle aura lieu lors d’une semaine de vacances dans la mixité sociale, du 18 au 25 avril à Grasse. Avec les autres associations, nous allons proposer à des familles de venir, le but étant qu’une centaine de personnes de tous milieux passent une semaine ensemble avec, au milieu, la Journée du réseau. Si des lecteurs de Feuille de route veulent venir, ils peuvent dans la mesure où il reste des places à plein tarif. L’ANCV nous soutient. On attend des intervenants de qualité comme François Soulage, président du collectif Alerte, ou encore un économiste de l’Observatoire national de la grande pauvreté.

Recueilli par Véronique Soulé

Qui a dit ?

« L’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté. Cela passe (…) par l’organisation du départ en vacances des personnes en situation d’exclusion. »

Article 140 de la loi d’orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions

Un peu d’histoire

Les Chèques-Vacances ont été créés en 1982 par le Ministre du Temps libre André Henry (1981-1983). Gérés par l’ANCV (association nationale pour les chèque-vacances), ils visent à développer l’accès de tous aux vacances et aux loisirs. Ils bénéficient chaque année à près de 4 millions de salariés, soit 10 millions de personnes (www.ancv.com).

 

Le chiffre du mois

40% de Français ne partent pas en vacances (source Crédoc, juin 2014). 80% des cadres supérieurs partent chaque année, contre 50% des ouvriers.

Le « Réseau Vacances – combattre l’exclusion »

Il rassemble à côté d’ATD Quart Monde : Ternelia (hébergeur social), Vacances ouvertes, Vacances et familles, le Secours catholique, les Restos du cœur, Emmaüs, Accueil paysan, la maison de vacances familiales de la Bise, la CNAF, l’ANCV, le Centre social Chaillos (de la ville de Sens), Destination partage et les Petits frères des pauvres.

Photo du haut : séjour de vacances à La Bise dans le Jura en août 2013.