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Tous fragiles, tous humains

Tous fragiles, tous humains

Écho du colloque organisé par l'Arche en février 2011 à Lyon, en partenariat avec la Mission Régionale d'Information sur l'Exclusion (MRIE).

Dans son avant-propos, Erik Pillet, président de l’Arche en France, explique ce choix de lancer une réflexion sur la fragilité. « Notre fragilité existentielle évoque la précarité, l’instabilité, la faiblesse, voire la défaillance » alors que « nous rêvons de solidité, de force, de durée ». Choix guidé par l’individualisme forcené de notre société et par la tyrannie de la performance à tout prix qui provoquent un refus de la fragilité considérée « comme quelque chose qui ne doit pas exister », alors même qu’elle a tendance à croître du fait même de l’évolution de cette société.

L’approche retenue dans les points de vue exprimés est d’abord celle de la délicatesse de la relation à l’autre et celle de l’espérance d’une transformation possible des attitudes et des actions. C’est aussi celle de l’engagement à promouvoir les personnes fragiles et à faire alliance avec elles pour transformer et enrichir nos représentations du monde.

Les neuf contributions s’ouvrent tout naturellement par celle de Jean Vanier, fondateur de l’Arche. Son témoignage sur la personne handicapée « source de vie » nous appelle une fois encore à l’accueil de la fragilité par la confiance, l’écoute, le regard, tout ce qui est au cœur de l’humain et qui donne son sens à la vie. Julia Kristeva, psychanalyste et mère d’un enfant handicapé ; Michela Marzano, surdiplômée devenue anorexique ; Guillaume de Fonclare, professionnel performant tout à coup frappé par une maladie dégénérescente ; Marie-Hélène Boucand, médecin spécialiste confrontée à l’irruption de sa propre maladie rare et invalidante : tous témoignent de la découverte soudaine et violente de leur propre fragilité, de la profonde remise en question du regard sur soi qu’entraîne cette découverte, et du changement radical du rapport à l’autre qui permet de conserver son humanité.

A ces points de vue cernant la blessure de l’être, succèdent quatre chapitres consacrés aux blessures du monde :
– Bruno Frappat, journaliste, ancien directeur de la Croix, dépeint une époque dépressive, marquée par les fragilités financières et économiques, celles des institutions ou des expertises, la baisse des valeurs, la disparition des grandes utopies, tout ce qui fait que seul on ne peut pas grand-chose.
– Jean-Paul Delevoye, président du Conseil Économique et Social et ancien médiateur de la République, analyse la dictature du court terme dans nos sociétés, le rapport de force et la violence des relations humaines, la fragilité de l’individu et de la nation, le rejet de l’autre, l’absence et le besoin de projets collectifs.
– Jean-Marie Petitclerc, prêtre et éducateur spécialisé, souligne le carrefour de fragilités que recèle le passage à l’âge adulte, la violence comme mode d’expression de ces fragilités et les clés d’accompagnement que sont la confiance et l’alliance de l’adulte.
– Bruno Tardieu, délégué national d’ATD Quart Monde en France, rappelle que pour comprendre la fragilité, il faut un engagement, une implication, une passion ; il faut avoir accès à la connaissance que possèdent les pauvres, les exclus, à qui leur réalité est imposée ; il faut comprendre et partager, sortir du « penser pour l’autre », source de tant de violences et ne jamais oublier que la fragilité est une souffrance et qu’il faut apprendre à vivre avec elle.

Agnès de Vulpillières

Éditions Albin Michel – 2011 – 208 p.