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Petite enfance, penser la prévention en grand

Petite enfance, penser la prévention en grand

L'auteur, président du syndicat des médecins de PMI, présente la philosophie et la pratique de la prévention à visée humaniste qu'il défend sans relâche : « une pratique et une pensée qui se construisent en alliance et en délicatesse entre familles et professionnels pour préserver une socialisation heureuse ».

Après une présentation des acquis d’une politique dédiée à la prévention en petite enfance, l’auteur définit ce que doivent être les conditions d’une prévention « prévenante » : humaniste et intègre :
– le respect du temps de l’enfant et des parents,
– le soutien à leur capacité à renouer la confiance en l’autre et en soi,
– le crédit à l’enfant des chemins qu’il saura trouver face aux obstacles,
– un regard professionnel soucieux, non du seul trouble mais aussi de ce qui est investi et mobilisable,
– une aide ouverte aux effets de rencontre et de surprise,
– un travail sur le sens (pas seulement l’observation du comportement),
– une conception non linéaire de son développement.

Cela suppose une approche globale, multidimensionnelle et pluridisciplinaire. Pierre Suesser plaide pour une coopération renforcée entre pratiques, formation et recherche. Il suggère de créer des espaces de travail communs entre équipes souples et pérennes de professionnels de l’enfance sur un territoire (PMI, santé scolaire, Rased, pédopsychiatrie, pédiatrie hospitalière, ASE, PJJ, services sociaux…).

Inscrire l’enfant dans une ligne de vie est fondamental. Il cite à ce propos Bernard Golse : « C’est seulement si on comprend comment l’instant T s’inscrit dans une histoire, l’histoire de l’enfant, l’histoire de ses parents, l’histoire de ses deux filiations, l’histoire de son groupe social et culturel, c’est seulement si on remet cette clinique synchronique dans un fil diachronique qu’on va arriver à dégager des méthodes de prévention et de soins intelligents pour le futur ».

Il dénonce sans trêve l’évaluation utilitariste actuelle, qui recherche la performance. Il s’agit donc de prendre le contre-pied des conceptions déterministes du développement du jeune enfant. La prédiction inquiète les parents et nuit à la socialisation des enfants. S’appuyant sur l’anthropologie, il met en garde les professionnels contre le risque de réduire les comportements familiaux aux seuls critères socio-culturels. Il s’agit de prendre de la distance par rapport à nos propres critères occidentaux et de repérer le sens que prend telle attitude dans un groupe donné.

« Certaines populations de familles sont dites vulnérables sur le plan psychique, souvent à partir de critères sociaux défavorables, alors que la pratique démontre que nul ne peut être réduit à la vulnérabilité d’un moment ». Les périodes ou situations de vulnérabilité concernent toutes les catégories sociales. Pour éviter la stigmatisation, l’auteur suggère d’utiliser les notions de « situations de vulnérabilité » plutôt que celles de « personnes ou groupes vulnérables ».

La politique de prévention en petite enfance demande des institutions assurant « continuité, cohérence, universalité, égalité, droits ».

Dans sa conclusion, P. Suesser réaffirme le risque d’une « prévention à focale étroite… concentrée sur les mères et les bébés d’un hypothétique quart monde – un écart monde ? – de la parentalité ». Il prône « l’esprit de bienvenue dans les berceaux de la société, selon le principe et les moyens d’une protection sociale égalitaire et solidaire due aux enfants et à leur famille. »

Éditions Erès – 2013 – 156 p.