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Le bal des folles

Le bal des folles

Une fois par an, à la mi-carême, un bal fait paraître, déguisées, les femmes reléguées à l'hôpital de la Salpêtrière.

Le roman se situe en 1885, à Paris et plus précisément dans le pavillon des femmes de l’hôpital de la Salpêtrière. C’est là que la société bourgeoise, bien installée, dominée par les hommes, relègue ce qui la menace et lui fait peur (les femmes, la misère, la folie) avec la bonne conscience de les confier à un lieu de soins, à la pointe du progrès grâce aux pratiques nouvelles introduites par le docteur Charcot.

La réalité est pourtant toute autre. Dans ce pavillon où vivent ensemble des femmes aux parcours tragiques et misérables, seules les relations qu’elles entretiennent entre elles sont empreintes d’humanité, de douceur et de protection. Charcot, et tous les « soignants » qui l’ont adulé, ont pratiqué sur elles des expériences maltraitantes et les ont exhibées lors des séances publiques d’hypnose ou pire, lors du bal annuel des folles qui se tenait à la mi-carême.

Le traitement de la maladie mentale va souvent de pair avec le traitement de la misère et des minorités. Il est toujours un reflet de la société qui l’organise. C’est un des aspects intéressants de ce roman qui décrit, à cette époque, un système pervers et répressif, pour ne pas dire totalitaire, dissimulé sous un semblant d’ouverture, de science et de modernité.

Un autre aspect du roman est porté par les deux personnages principaux. La jeune Eugénie Cléry, jeune fille de milieu aisé, intelligente et courageuse, est impatiente de s’émanciper de sa famille et de son milieu étouffant. Son élan est brisé net le jour où son père la fait interner à la Salpêtrière. Puis Geneviève qui est une infirmière dévouée corps et âme à la science, à Charcot, à l’hôpital.

Ces deux femmes que tout oppose sont confrontées à l’irruption dans leur vie d’une expérience irrationnelle, ici le don de communiquer avec les morts, qui les amène à transgresser la norme. L’auteure décrit avec beaucoup de finesse les tourments, les phases de révolte puis d’acceptation et surtout, l’extrême souffrance de celles qui se savent ou se découvrent différentes ou dotées d’une particularité hors norme, ainsi que leur courage face à l’extrême violence manifestée à leur égard par la société ou même par les proches. Le roman permet d’entrevoir de l’intérieur ce qu’elles endurent et donne une grande leçon de tolérance.

Brigitte Bureau

Albin Michel – 2019 – 251 p.

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 254 : Temps libre, temps de liberté ?