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De la rue à la lutte

De la rue à la lutte

Récit de vie, portrait et auto-portrait, résultat d'un travail d'aide à l'écriture dans le cadre d'un réseau d'échanges de savoirs : un magnifique exemple de ce que Boris Cyrulnik appelle la résilience.

Vous avez dit « phénomène » ?

D’une enfance qui semble avoir concentré sur elle la haine, la violence et la cupidité d’une famille d’accueil, le lecteur voit naître une femme dont Marc Héber-Suffrin écrit : « Femme courage. Amie. Militante. Mère. Grand-mère. Tenace. Tisseuse de belles relations entre des dizaines de personnes qui ignorent son terrible chemin de vie mais devinent aisément ce qu’elle a de phénoménal : à la fois, très volubile et très discrète, à la fois très enjouée et très vulnérable, endurante à la peine. Modèle de détermination. Comme tout un chacun, fragile qui se cache ».

Son enfance n’a été que sévices et humiliations. Les rares adultes qui auraient pu l’aider en ont souvent été empêchés par la malfaisance et l’irresponsabilité des autres. Plus tard, mariée à des hommes peu responsables, elle a quasiment été seule, en tant que parent, à se battre pour que ses enfants connaissent une autre enfance que la sienne, qu’ils soient entourés, en relation avec les autres, que l’école soit un milieu épanouissant pour eux.

Au soir de sa vie, atteinte d’une grave maladie, elle jette les mots qui racontent, qui décrivent parfois crûment ce qui doit l’être, presque sans se plaindre, avec juste quelques « pourquoi ? » Pourquoi tout cela pour moi ? Et quelques « comment ? ». Comment les services de protection de l’enfance ont pu laisser cela se passer ? Et comment cela peut-il se passer encore aujourd’hui, puisqu’elle a replongé dans ce cauchemar alors qu’un de ses fils vivait un passage difficile… Elle revient sur le gâchis provoqué par les décisions de la DDASS lorsqu’elle parvient à retrouver une sœur et qu’elle découvre que la séparation de sa fratrie a été voulue. Ces questions la hantent. Mais à la fin de ce livre-testament, elle chante le bonheur que ses enfants lui ont apporté, les joies vécues dans le milieu associatif et remercie pour le soutien qui lui a été apporté dans sa ville.

Dans les dernières pages, l’adjointe au maire d’Évry rend hommage à son énergie de combattante, « la transcendance de la force de vie qui la pousse, quoi qu’il arrive, à avancer… ». Mais on y trouve aussi la question qui nous interpelle : « Comment la République Française a t-elle pu permettre à des enfants comme elle d’être si peu protégés, soignés, éduqués ? »

Catherine Cugnet

Éditions L’Harmattan – Histoire de vie et formation – 2015 – 156 p.

Sur le même sujet aux Éditions Quart Monde :
Une longue, longue attente
De pierre en pierre

Compte rendu publié dans la Revue Quart Monde n° 238 : Réinventer l’économie