
#GrandDébat : l’Université Populaire Quart Monde de Lille débat sur la démocratie
Samedi 2 mars, à la maison Quart monde de Lille, militants et alliés d’ATD Quart Monde étaient rejoints par des membres de l’association Magdala et les contributions de l’ABEJ et du Carillon, pour la première Université populaire Quart Monde des Hauts-de France de l’année. L’après midi était consacrée à un débat sur trois thèmes : la démocratie, la citoyenneté et le respect de l’égale dignité de chacun.
L’événement, qui a réuni environ 110 personnes, était organisé dans le cadre du Grand Débat National (lancé le 15 janvier) en présence de Thérèse Lebrun, observatrice officielle mandatée par la préfecture et Marie Christine Blandin, ancienne sénatrice et « grand témoin » du débat. L’objectif avancé était de porter au niveau national les voix des personnes en situation de grande pauvreté, jusque là marginalisées. Sur ces questions, les groupes locaux avaient réfléchi au préalable et dressé un certain nombre de constats servant de point de départ au débat animé par deux journalistes, Pascal Percq, également membre de l’association, et Bertrand Verfaillie, ainsi que par Jean-Philippe Varet, militant de la première heure. A l’issue des prises de paroles, tout le monde a pu s’exprimer à l’aide de gommettes sur les constats et les propositions dans lesquels il/elle se retrouvait le plus.
Les personnes en situation de grande pauvreté, des citoyens de seconde zone ?
Une fois déplorée la non représentation des classes populaires dans les institutions et le manque d’empathie des élites déconnectées de la vie réelle (et a fortiori de la grande pauvreté) les témoignages forts ont été exprimés sur les obstacles vécus à l’encontre d’une réelle pratique de la citoyenneté et de l’exercice de la démocratie, révélant la pression sociale qui force les plus pauvres à cacher leur misère. Tel celui d’Aurélie : « quand on est pauvre, on est surveillé, on a peur des services sociaux qui peuvent placer vos enfants ». Mais elle ajoute aussi : « j’ai confiance en moi, à la manière dont j’ai pu jongler pour en arriver où je suis ». D’autres militants ont plus largement dénoncé les discriminations à l’école ou pour l’accès aux soins (notamment dans le cas des bénéficiaires de la couverture maladie universelle). Une discrimination banalisée au point que l’on puisse être « pointé du doigt par ce qu’on vient de tel quartier pauvre », confie un militant. Pire, une discrimination institutionnalisée avec le « tout numérique » pour les procédures administratives, excluant les plus démunis n’ayant pas internet : « Avant il y avait des gens derrière les bureaux et tout s’arrangeait, il faut remettre de l’humain », plaide une militante.
Reconstruire la démocratie à la base.
Mais l’heure n’est pas à l’apitoiement sur soi. A la défiance envers le monde politique répond la confiance en soi ou envers les associations qui « construisent avec nous sur le terrain ». Tout au long de l’après midi, la salle bouillonne d’appels : pour dénoncer les médecins qui ne prennent pas les bénéficiaires de la CMU. Mais aussi des appels à s’impliquer à l’échelle du quartier, à renouer le lien avec ses voisins, pour agir ensemble jusqu’à, peut-être, créer des conseils citoyens. Une véritable exhortation à « ne plus se résigner, résister, se réapproprier la politique », pour paraphraser un militant. Autre enjeu auquel sont confrontés les militants d’ATD Quart Monde: se sentir à nouveau citoyens en accédant réellement à ses droits politiques et sociaux. A ce sujet, les propositions fusent, comme la création d’une caisse d’extrême urgence pour éviter de se retrouver à la rue du jour au lendemain ou la reconnaissance du vote blanc comme moyen d’exprimer son désaccord avec l’offre politique actuelle.
Reconnaître les savoirs et la dignité des classes populaires.
Pour renouer le lien entre élites et classes populaires, un militant n’hésite pas à proposer d’inviter le président ou un ministre à « vivre comme nous, à manger ce qu’il y a ». Plus réaliste : un croisement des savoirs est envisagé : une rencontre entre militants et professionnels leur donnant l’occasion d’échanger savoir théorique et savoir vécu. Ce savoir est un thème fort qui revient souvent. Par exemple à travers la demande de reconnaissance de droits aux bénévoles. Les activités bénévoles sont souvent dévalorisées, pourtant, elles montrent leur utilité en palliant les absences du service public (dans les écoles par exemple). Une militante en recherche d’emploi témoigne du peu de considération d’une employée de Pôle emploi pour son bénévolat, considéré comme un « amusement » et une « perte de temps ».
L’égale dignité pour toutes et tous.
A mesure que le débat s’intensifie, on comprend qu’une revendication surpasse et unifie toutes les autres : le refus du sentiment infligé par la société de « n’être rien » parce que l’on est pauvre. Un message mis en musique lors de la clôture de l’Université populaire, lorsqu’un des militants a entonné une Marseillaise revisitée en véritable hymne à la solidarité. « Grand témoin » de l’après midi, Mme Marie Christine Blandin, ancienne sénatrice a apprécié la qualité des échanges, leur contenu et l’esprit de fraternité qui anima cette Université populaire Quart Monde. Une Université populaire tout à fait réussie qui donne de l’écho à un message fort : il n’y a ni démocratie ni véritable citoyenneté sans reconnaissance de la dignité de tous. Un contenu riche dont rendra compte aux instances officielles, l’observatrice désignée par le Préfet, Mme Thérèse Lebrun.
Rédaction : Enzo Dubesset, étudiant en journalisme
Photographies : Killian Moreau, étudiant en journalisme