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Une visite au Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski

Bénévole pour la Rencontre nationale des engagements, Adèle a participé le 31 mai  à la visite des ambassadeurs de l’Unesco au Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski, à Baillet, dans le Val d’Oise. Leur venue s’inscrivait dans le cadre d’une démarche entreprise pour que les archives du centre soient inscrites dans le registre de la Mémoire du Monde. Elle nous raconte cette rencontre et nous partage ses croquis réalisés à cette occasion.

Lundi 31 Mai 2021, j’ai pu accompagner la visite des ambassadeurs de France, Palestine, Côte d’Ivoire, Bengladesh et Albanie auprès de l’Unesco au Centre national d’archive et de recherche Joseph Wresinski. Pressés par le temps, les visiteurs ont été divisés en trois groupes.

J’ai tout d’abord accompagné un groupe à la salle des archives, où une courte présentation nous a été faite, et où nous avons pu découvrir une lettre de Joseph Wresinski, fondateur d’ATD Quart Monde. Dominique Béchet nous a également présenté le comité d’Éthique. Celui-ci est essentiel, car il régit l’utilisation des divers documents du Mouvement, s’assurant qu’ils ne soient pas utilisés à mauvais escient.

Nous avons ensuite avancé jusqu’à la salle des photographies, où étaient présentées des images d’évènements organisés par ATD Quart Monde à diverses époques et dans de nombreux endroits du monde.

Une rencontre marquante

Après cette première étape, j’ai rejoint un autre groupe qui s’apprêtait à visiter une pièce créée il y a quelques années seulement. Dans celle-ci étaient exposées plusieurs images. Une photo du « camp des sans-logis » de Noisy-le-Grand, avec ses « Igloos », cabanes de taule où vivaient les familles, une autre de la Dalle du Trocadéro, inaugurée en 1987 par le père Joseph Wresinski, et enfin plusieurs œuvres de l’artiste Nelly Schenker, militante Quart Monde suisse.

C’est dans cette salle que nous avons écouté le récit de Marie et Georges Jahrling, qui ont rencontré le père Joseph à Noisy en 1956 quand ils avaient 14 et 18 ans. Leur témoignage était très émouvant, et d’une sincérité touchante. C’est vraiment une rencontre qui m’a marquée. Marie ne cessait de souligner : « Je n’ai pas de regrets, il y avait une grande entraide, un amour de la vie, de l’espérance toujours […], je n’ai jamais retrouvé ça ». Sans pour autant cacher la difficulté de la vie quotidienne : « Quand on est pauvre, on se sent coupable de tout. On s’enfermait entre nous. […] On était obligé d’aller frotter le linge dans l’eau glacée pour habiller nos enfants », mais tout en concluant encore : « Sur le plan humain, j’aimerais retrouver cette humanité, mais sans la misère, la boue, la promiscuité ».

Bruno Tardieu, directeur du Centre, l’a alors priée de raconter sa rencontre avec le père Joseph, ce qu’elle s’empresse de faire : « Il est arrivé avec sa vieille deudeuche, une soutane élimée et deux chaussures différentes. Ça a beaucoup marqué ma mère, elle répétait toujours : ‘Le pauvre homme, il n’a même pas de quoi avoir deux chaussures pareilles’. On se demandait combien de temps il resterait. Et bien il s’est accroché, on s’est accroché aussi. Il a pris le parti d’aller voir chaque personne ». Elle a ajouté alors : « C’est là que la notion de peuple est venue dans ma tête, on est ensemble pour se mettre debout, comme disait le père Joseph. ». « Joseph, c’était un sacré lascar !« , a précisé Georges.

Lui aussi se souvient des chaussures dépareillées du père Joseph : « Quand il est arrivé, on est venu nous chercher à la maison. La mère de Marie répétait : ‘Le pauvre homme, il n’a même pas deux chaussures pareilles. Alors on est sorti, et c’était vrai ! Il en avait une marron et une noire ! ».

« S’émanciper par eux-mêmes »

Malheureusement le temps étant compté, les visiteurs ont été obligés de continuer vers la pièce suivante, laissant Marie, un peu déçue : « Je n’ai pas eu le temps de dire qu’il nous avait amené la télévision… »

Je suis restée pour écouter Marie, qui a pu raconter au groupe suivant l’arrivée de la télévision au camp : « Une des premières choses qu’il a faites a été d’amener l’électricité et la télévision, dans les années 60 ! Le premier film que j’ai vu était ‘Qu’elle était verte ma vallée’. Il emmenait des jeunes au cinéma à Paris ». En effet, la volonté du père Joseph était de permettre aux plus pauvres de s’émanciper par eux-mêmes, grâce à la culture et à la mémoire. Il leur demandait de refuser la soupe populaire pour construire ensemble un avenir plus stable. C’était évidemment difficile à comprendre pour certains.

La journée s’est terminée par une interview de quelques minutes de chaque ambassadeur de l’Unesco. Ils ont dit être impressionnés par ce qu’ils ont découvert et enthousiastes à l’idée d’inscrire ces archives dans le registre de la Mémoire du Monde. Ils ont cependant précisé que cette admission impliquait un nombre important de critères à respecter. La réponse de l’Unesco reste donc encore incertaine. Adèle Caussanel

À l’occasion de la Semaine internationale des archives, ATD Quart Monde vous invite mercredi 9 juin 2021 de 18h à 19h à découvrir le Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski lors d’un échange avec celles et ceux qui font vivre ce centre.

Photo : Visite des ambassadeurs le 31 mai au Centre de mémoire et de recherche Joseph Wresinski. © Carmen Martos

Croquis : © Adèle Caussanel