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 » Une réussite ? L’avenir le dira… « 

J’enseigne à mi-temps dans un collège en milieu populaire à Tourcoing. La classe de 6ème dans laquelle je donne le cours d’histoire-géographie-éducation civique est assez agitée et comprend des élèves en très grosse difficulté, dont un que j’appellerai Sébastien , manifeste un quasi-refus de travail depuis quelques semaines après la rentrée de septembre. Il a essayé un peu mais a abandonné ensuite. Il passe une bonne partie du temps à découper, coller, étaler du « blanco », perd cahiers et livres qu’il n’amène d’ailleurs que rarement…

Les contacts avec la famille sont difficiles car les parents sont d’origine asiatique et ne parlent pas vraiment le français. Nous ne voyons (si nous l’invitons) que la mère accompagnée d’une belle-fille qui ,elle , parle le français mais nous ne mesurons pas le soutien réel ; nous avons donc du mal à être partenaires efficaces avec les parents.

Nous avons essayé de discuter avec l’élève lui-même mais il est assez mystérieux pour nous et si au début, il écoutait nos conseils, depuis 2-3 mois il a adopté une attitude de provocation avec nous. Il s’est constitué une réputation de « bordeleur » comme disent les autres élèves ; ceux-ci s’en amusent un peu.

Depuis le début de l’année, nous essayons de créer dans la classe un climat de coopération grâce à des activités proposées dans le dossier pédagogique tapori ; ce sont des activités qui mettent en situation et permettent ensuite de réfléchir sur la situation. Nous les animons dans le cadre d’heures de vie de classe ou dans le cadre du cours d’éducation civique. Les autres enseignants se rattachent plus ou moins au projet en organisant des travaux d’équipes…Tout ceci crée très lentement dans la classe un état d’esprit favorable, à certains moments, à la coopération entre élèves. Certains adhèrent vraiment.

L’ensemble des enseignants (dont moi) avoue son impuissance à faire travailler Sébastien. Je me dis que seul un copain pourrait y arriver peut-être. Je propose donc à un élève à la fois serviable et qui apprend facilement, Medhi, d’aller préparer un court exposé sur les savants grecs au CDI avec l’aide de la documentaliste. Ce chapitre est au programme de 6ème en histoire. J’ai précisé à la documentaliste et aux 2 élèves concernés, mon objectif : celui de faire réussir Sébastien devant les autres. Il faut donc qu’il soit capable de présenter lui-même la moitié au moins de l’exposé. Ils choisissent de faire une affiche ; je leur demande de ne pas la lire mais de la dire ; autrement les autres ne seront pas intéressés. (J’avais remarqué en début d’année que Sébastien était capable de retenir une leçon par cœur). Après une première séance, j’entends Sébastien discuter avec son voisin qui ne le croit pas : « Madame, il ne veut pas croire qu’Euclide a inventé la division ». Il a donc retenu quelque chose et s’est donc intéressé. Medhi vient régulièrement me tenir au courant de l’avancée du projet. On sent que la réussite lui tient à cœur. Il apporte sa patience et sa créativité : il pense à faire une expérience devant les élèves pour expliquer la poussée d’Archimède. La documentaliste me dit qu’ils travaillent tous les deux mais que dès que ça sonne Sébastien n’a qu’une idée : s’arrêter très vite. Cela obligera Medhi à recommencer le collage sur l’affiche que Sébastien a terminé un peu trop vite mais Medhi veut que cela soit réussi. Ils cherchent donc les idées, construisent un cours texte, cherchent des photos , collent et apprennent. A la 4ème séance, je leur demande s’ils sont prêts ; comme je sens une incertitude, je leur propose de réviser une dernière fois pendant un quart d’heure avant de venir le présenter. Pendant ce temps je prépare la classe en redisant devant tous l’objectif de cet exposé et qu’une partie de la réussite dépendra de la façon dont ils accueilleront le travail des autres ; je sens que l’ensemble est à la fois curieux de voir si cela va marcher et prêt à coopérer. J’introduis ce qui va être dit dans l’ensemble du cours.

A l’arrivée de Sébastien et Medhi, la classe est très calme ; il y a une attente. Sébastien se lance et parle d’Euclide avec hésitation mais jusqu’au bout et sans se tromper. On entendrait une mouche voler. Medhi enchaîne avec plus d’aisance sur Archimède. A la fin tout le monde applaudit . Je mets 20 à chacun
Je ne sais pas encore ce que cela produira chez Sébastien ; par contre, un autre élève, en difficulté lui aussi est prêt à tenter l’expérience pour lui et une autre élève est prête à le soutenir. D’autre part, Medhi est retourné voir la documentaliste pour lui dire avec fierté que cela avait marché pour les deux et qu’ils avaient eu 20