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Un projet-pilote d’Atd Quart Monde dans le quartier de Maurepas, à Rennes « En associant leurs parents à l’école, tous les enfants peuvent réussir ! »

Depuis deux ans et demi, le Mouvement ATD Quart Monde a engagé, avec différents partenaires, un projet-pilote dans un quartier populaire de Rennes. Le but de ce projet est de montrer que si on donne vraiment aux familles d’un quartier populaire, et notamment à certaines d’entre elles qui sont parmi les plus défavorisées, les moyens de développer des relations de confiance, avec les autres familles, et avec les enseignants, cela va contribuer à la réussite de tous les enfants.

Ce projet se fonde d’abord sur l’expérience d’ATD Quart monde aux côtés des familles en grande pauvreté : Le vœu le plus cher des parents est en effet que leurs enfants ne connaissent pas la même misère qu’eux-mêmes. Ils ont conscience que pour cela, l’école et la formation que vont recevoir leurs enfants est très importante. Mais l’école, les enseignants, ne peuvent pas favoriser la réussite des enfants en grande pauvreté sans y associer les familles, tenir compte de leur propre projet éducatif. Pour apprendre, pour investir dans les apprentissages, les enfants ont besoin de sentir que leur famille et l’école portent un projet commun, qu’il n’y a pas un fossé trop grand entre leur vie familiale et l’école. Ils ont besoin de sentir que l’école respecte vraiment leur milieu. L’école a besoin des parents pour comprendre la vie de ces enfants et ensuite les ouvrir au monde.

Ce projet s’est construit progressivement, en dialogue avec les membres du groupe « Familles-école-grande pauvreté », qui réfléchissent et travaillent depuis une dizaine d’années à ce thème des relations entre l’école et les familles, et en particulier celles qui sont les plus éloignées de l’école.

Ce groupe n’est pas un groupe interne au Mouvement ATD Quart Monde. Il comprend aussi un universitaire, un représentant de l’IUFM, un représentant du Rectorat, un représentant de la FCPE, un représentant de la Ville (réussite éducative) et des enseignants. C’est donc un groupe à la fois institutionnel et aussi composé de professionnels et de militants, et c’est une de ses forces.
En 2004, un outil de formation a été créé : « Familles école grande pauvreté : dénouer les nœuds d’incompréhension », sous la forme d’un cédérom, diffusé par le CRDP, et qui a été réédité et mis à jour en 2008, sous forme de DVD.
Depuis 2004, nous intervenons, selon les demandes, dans des formations d’enseignants, et nous essayons d’en faire aussi des occasions de formation pour des familles, des parents d’élèves en grande pauvreté, car le rapprochement doit se faire des deux côtés.

En 2005, une enseignante du quartier de Maurepas a rejoint le groupe ; elle nous a invités à participer à des rencontres pour chercher comment faire vivre l’espace-parents de son école, une école qui reçoit beaucoup d’enfants venant de familles défavorisées.

Le groupe « Familles-école-grande pauvreté » nous a fait rencontrer aussi des chercheurs, notamment un sociologue, Pierre Périer, de l’Université Rennes 2, qui a travaillé sur les relations entre les familles populaires et l’école. Il parle d’un « différend » qui empêche les parents d’être partenaires des établissements scolaires. Il met en cause le mode de partenariat, proposé par l’institution, sans tenir compte suffisamment de la culture et des attentes de ces familles.

Ainsi est né progressivement ce projet-pilote, qui est l’aboutissement d’un travail de plusieurs années. Il est le fruit de l’engagement aux côtés des familles en grande pauvreté, de tous les enseignements de nos actions au sein du groupe « Familles-école-grande pauvreté », et de tous nos échanges plus larges, dans le réseau école national du Mouvement, en lien avec d’autres projets qui ont été menés.

Ce projet n’est pas pour autant facile à réaliser : Le Mouvement ATD Quart Monde n’est pas en terrain conquis dans ce quartier, il y connaît quelques familles mais peu d’entre elles ont des enfants dans les écoles concernées. Cela nous semble être plutôt une chance, car il ne s’agit pas de mener un dialogue entre des enseignants et des familles militantes de longue date, mais de démarrer de zéro, dans un quartier où le travail des enseignants n’est pas facile, où les familles ne vont pas à l’école très facilement. Nous pensons qu’il faudra d’ailleurs au moins 5 ans pour changer les relations entre les familles, dont les plus isolées (quelques-unes), et l’école.

La première phase a été de prendre presque un an pour expliquer ce projet à tous les partenaires du quartier, pour que tous les acteurs de l’école et du quartier puissent y adhérer et s’impliquer vraiment. Le dispositif de réussite éducative est aussi fortement impliqué, par la participation de son médiateur familles-école.

Pour arriver à un vrai dialogue entre enseignants et parents, la nécessité d’un travail préalable est apparue très vite. On a donc commencé par travailler séparément, d’un côté un groupe de parents, d’un autre un groupe d’enseignants. En effet, le besoin de se connaître entre parents, pour ne pas être seul face aux enseignants et à l’école, nous a semblé très important. Cela permet aux parents de se préparer, de construire une réflexion plus collective sur l’éducation et l’école, à partir de ce partage d’expérience.

Rapidement, la nécessité d’un fort investissement pour « aller chercher » les parents les plus éloignés de l’école, les voir chez eux, d’abord, pour créer la confiance, et les associer progressivement au travail collectif s’est fait ressentir. Une permanente du Mouvement ATD Quart Monde est particulièrement investie dans ce sens. Les parents plus à l’aise à l’école sont aussi sollicités pour tendre la main aux parents plus isolés.

Nous avons proposé à cinq partenaires de s’associer au projet par une convention : l’Inspection Académique, l’IUFM, pour améliorer la formation des enseignants, la Ville de Rennes, très impliquée par son dispositif de réussite éducative et son souci d’une plus grande cohésion sociale, la FCPE, très intéressée, pour voir comment animer une association de parents qui intègre des parents défavorisés et l’Université, pour nous aider à tirer les leçons par une évaluation rigoureuse. Avec ATD Quart Monde, cela fait donc 6 partenaires qui se sont impliqués ensemble dans ce projet, par convention, et en participant au groupe de pilotage.

Les partenaires les plus concernés sont vraiment mobilisés :
– Plus de 20 rencontres de parents, et huit rencontres d’enseignants, concernant ensemble les deux écoles primaires du quartier, maternelles et élémentaires, se sont déjà déroulées et ont débouché sur une rencontre annuelle entre parents et enseignants, en juin 2008 et juin 2009.
– La convention avec les partenaires a été finalisée début 2009. Un représentant de chacun des partenaires participera au groupe de pilotage du projet. Deux d’entre eux assurent actuellement en partie le financement : La Caisse des écoles de la ville de Rennes, par son dispositif de réussite éducative, très impliquée dans le projet, et le réseau REAAP, qui nous soutient par un financement sur l’aide à la parentalité (départemental et national). Des fondations privées sont sollicitées pour compléter ce financement.
– Un groupe de pilotage est constitué. Il permet de suivre ce projet par des rencontres régulières, deux fois par an. Ce groupe comprend un représentant de chacun des 6 partenaires institutionnels, les principaux animateurs du projet, des représentants des enseignants et des parents. Ce groupe contribue à l’orientation et une éventuelle réorientation du projet.
– Un double dispositif d’évaluation a été prévu, l’un mis en œuvre par l’Université et animé par Pierre Périer. L’autre est un dispositif interne, mené à travers les comptes rendus, transcriptions de réunions et les étapes d’évaluation qui ont été prévues, à mi-parcours et en fin de projet.

La fin de l’année 2009 est aussi une période où nous avons entrepris un travail d’évaluation plus poussé, le projet étant arrivé à mi-parcours. De nombreux changements se sont aussi produits, par ailleurs, parmi les partenaires du projet, et notamment les écoles primaires du quartier. Pour l’évaluation du projet, nous avons aussi demandé à Pierre Périer, cité précédemment, de s’y associer, en menant un travail de recherche en parallèle au projet. Un étudiant en sciences de l’éducation participe aussi à l’évaluation du projet.

A mi-parcours, le projet a déjà permis une plus grande implication de parents éloignés de l’école, dans l’école et au-delà, par exemple à l’occasion d’une fête de quartier. Il a permis une première ébauche de mise en lumière des conditions pour avancer vers un meilleure relation entre parents et les enseignants.

Quelques perspectives nouvelles : nous souhaitons développer une participation des enfants, en sollicitant, avec les partenaires, leur expression sur leur avenir et l’école. En 2009, des enfants passant de l’école au collège nous ont aussi poussé à proposer au collège de la Motte Brûlon de s’associer à ce projet. Ce sont donc deux nouvelles pistes de travail mises en route à la rentrée 2009-2010.

Le projet est aussi ouvert : il va entrer en dialogue avec d’autres projets éducatifs locaux dans le cadre d’un partenariat avec l’IRDSU (inter-réseau des professionnels du développement social urbain) et différents mouvements d’éducation populaire, en fin 2009. Cela permettra d’avoir un recul plus important, et de développer des outils de formation et de mise en réseau, en faisant travailler ensemble 10 sites en France qui veulent mieux associer les parents dans les projets éducatifs.

Contact : Mouvement ATD Quart Monde, délégation Bretagne,
21, passage des carmélites, 35000 – Rennes – 02.99.38.75.73,
bruno.masurel@atd-quartmonde.org