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Un projet pilote dans le quartier de Maurepas, Rennes , septembre 2009.

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Photo Ouest France : Marie Michel, volontaire ATD Quart-monde ; David Champs, animateur de la médiation famille école ; Bruno Masurel, responsable du Réseau Ecole d’ATD quart monde ; Danièle Buttifant, directrice du groupe scolaire Trégain.

 

Un projet est lancé à l’école Trégain dans le quartier de Maurepas, « pour que l’école tourne mieux, que des parents en grande difficulté sociale puissent avoir accès à l’école », explique la directrice, Danièle Buttifant. Le pari : si un dialogue est établi avec ces parents, peut-être que l’enfant se sentira mieux à l’école.

« Le parent ne s’intéresse pas à l’école, souvent parce qu’il a vécu lui-même des choses compliquées, a eu le sentiment que l’école n’avait pas d’ambition pour lui, analyse Bruno Masurel, d’ATD Quart-monde. Il y a aussi parfois un tel fossé entre leur vécu et ce qui est appris à l’école, qu’ils ne trouvent pas de sens aux apprentissages. »

Les enseignants doivent parfois se défaire des représentations qu’ils se font des familles. Des groupes parents-enseignants se sont mis en place, « pour poser les difficultés, réfléchir à ce qu’il faut changer. On se dit des choses qui se disaient avant sur le vif et parfois dans le conflit. On réfléchit à la manière de les dire autrement. »

Quand un mot est écrit dans le cahier de liaison. Quels mots choisir ? Comment établir la communication ? « Il faut parler sans culpabiliser, sans infantiliser, mais avec des mots compris de tous. » Il y a parfois un choc des cultures. « On peut dire à un enfant de 12 ans, qu’il est trop jeune pour sortir de l’école avec son petit frère, alors qu’à la maison c’est lui qui remplit les papiers de la famille, traduit… » témoigne la directrice.

C’est pas à pas, petit à petit, que les choses bougent, toujours en partenariat avec les acteurs de quartier. L’espace parents est de plus en plus animé. ATD y organise des réunions, on y prend le café, « les parents se sont accaparés ce lieu ». Ils se sont impliqués dans le conseil d’école. «Même s’ils ne parlent pas le français, s’ils sont illettrés, ils peuvent participer, poser des questions, donner leur avis. »

Agnès Le Morvan

Ouest-France

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Photo Ouest France : Depuis un an, Magali et Nadia, deux mamans de l’école Trégain, fréquentent très régulièrement l’espace parents animépar David Champs, de la médiation famille-école. Elles viennent avec leurs filles, Mélissa et Audrey, prendre un café, discuter et inviter d’autres parents à les suivre.

 

 

 

Pas toujours facile de passer la porte de l’école

A l’école, l’espace parents facilite les échanges entre parents et avec les enseignants. Laurence était en froid avec l’école, avant, peu à peu, d’y entrer et même de devenir déléguée.

« Je suis maman de quatre enfants, deux grands et deux plus jeunes, encore en élémentaire. Et aujourd’hui, je suis parent délégué à l’école de ma fille. J’ai envie que les parents se rencontrent, se parlent entre eux de leurs enfants. À l’école, il y a une forte mixité sociale. Les temps de partage et de convivialité n’existent pas. Et souvent ça manque aussi aux enfants de ne pas jouer à la sortie de l’école, pendant que les parents discutent. Cinq ou dix minutes, c’est peu, mais ça aide la vie. J’ai connu l’isolement avec mes deux grands, je le vivais très mal. J’allais vite fait à l’école. Et moins je parlais, moins j’avais envie de parler. J’avais le sentiment d’être inutile. Quand j’étais élève moi-même à l’école, j’étais un peu cancre. J’avais de mauvais souvenirs de l’école, l’image de la maîtresse, jupe plissée, la règle à la main. Je craignais que mes enfants vivent la même chose. »

« Quand mes deux plus jeunes enfants sont entrés à l’école, je me suis lancé un défi. Je me suis dit que l’école n’était pas une jungle. Alors bien sûr, ça a pris du temps. La première fois, je me souviens, j’ai mis un mot dans le cahier écrit dans un français approximatif. La maîtresse m’a répondu avec des belles phrases, et m’a fixé rendez-vous. Quand je suis arrivée à l’école pour la voir, je me suis aperçue qu’elle ne portait pas de jupe plissée, que l’on était habillé pareil. »

« Je me suis proposée, pour aider à distribuer des papiers. Petit à petit, j’ai parlé à d’autres parents, participé aux animations de l’école, à la kermesse, qui est une vraie occasion de lier des contacts avec les enseignants. Je me suis investie dans l’espace parents. On y offre un thé, un café, on discute, on s’informe. L’an dernier, quinze parents sont venus et revenus. Ma fille sait que j’ai un pied dans l’école, ça la sécurise. Et puis, ça me réconforte de voir d’autres parents ressortir de chez eux. Car, parfois, il y a des jugements rapides, des mauvais regards, des moqueries, qui marquent à vie. A l’espace parents, rien n’est tabou. On peut dire que l’on ne sait pas lire et peut-être entendre qu’il n’est pas trop tard pour apprendre. On peut ne pas avoir d’argent et ne pas être pauvre par ailleurs. Je n’ai pas une grande ambition, juste établir des liens de confiance, donner la clef pour entrer à l’école. À une époque, j’aurais aimé qu’on me tende la main. »

Recueilli par Agnès LE MORVAN.
Ouest-France

Titre original de l’article : « À Trégain, un projet avec ATD Quart Monde » (journal Ouest France, 22 septembre 2009).