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Un logement décent, absolument

Tribune de Pierre Saglio président d’ATD Quart Monde, parue dans le journal Libération du 27 septembre 2005.

Les incendies récents de plusieurs hôtels parisiens nous obligent tous à ne pas fuir la souffrance quotidienne des milliers de nos concitoyens obligés de vivre dans des conditions de logements indignes. Reconnaissons-le d’emblée : aujourd’hui, nous acceptons que des gens vivent à la rue ou dans des taudis infects. Ce que nous n’acceptons pas, c’est qu’ils y meurent, mais tant qu’ils n’y meurent pas…
Quand bien même la vie n’était pas menacée, nous étions dans une logique similaire il y a quelques décennies à propos de l’école : nous acceptions que certains enfants ne soient pas scolarisés ; aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Il faudra bien que nous franchissions le même pas pour le logement.

Face à cette souffrance, beaucoup s’interrogent, prennent position, suggèrent telle ou telle politique. Nous voudrions, quant à nous, rappeler trois principes qui, nous semble-t-il, devraient être les points de repère d’une politique du logement visant à ce qu’aucun de nous ne soit obligé de vivre dans l’indignité.

Premier repère : le droit.
Que peut-on faire pour que, même face à l’extrême gravité de la situation, les décisions à court terme soient situées dans une perspective de droit, d’effectivité du droit commun. C’est parce qu’on l’oublie à chaque fois que, dans l’urgence, on met en oeuvre des décisions qui conduisent les pauvres dans des impasses et, tôt ou tard, se retournent contre eux. L’histoire est malheureusement riche d’enseignements de ce genre, que ce soit dans le domaine du logement (rappelons nous les cités et autres hébergements d’urgence, etc.), des ressources (les distributions alimentaires) ou de l’éducation, etc. Chaque fois que nous adossons le mot « urgence » ou le mot « transit, transition » à telle ou telle disposition, les pauvres savent qu’il y a un grand risque d’impasse, de mise à l’écart et non de tremplin vers le droit commun.

Deuxième repère : le résultat.
Nous n’attendons pas un nième discours sur les moyens mis ou à mettre en œuvre par l’Etat, ou par telle ou telle collectivité. Nous attendons des décisions qui imposent la mobilisation conjointe de tous pour que les résultats soient garantis. On ne peut pas dire par exemple que le gouvernement ne fasse pas d’efforts pour relancer la construction, y compris la construction de logements sociaux même si nous souhaiterions que ces efforts profitent en priorité à ceux qui sont les plus mals logés, voire pas logés du tout. Pour autant, les crédits du logement, cette année encore, ne seront pas tous dépensés et là où on a annoncé une construction de 1000 logements, on constatera en fin d’année qu’on n’en a fait que 600, etc. N’est-ce pas cette culture, cette obligation du résultat qui nous fait défaut et qui devrait être mieux définie par la loi ?

Troisième repère : la loi.
En démocratie, la loi est l’instrument de l’action de l’État. Que celui-ci soit ou non décentralisé, c’est la loi qui doit définir le partage des responsabilités, préciser le qui fait quoi avec les devoirs de chaque acteur. Un projet de loi au titre ambitieux « Habitat pour tous » a été mis en chantier par monsieur Daubresse, ancien Ministre délégué au Logement et à la Ville. Qu’est-il devenu ? N’est-ce pas là que l’État doit rappeler sa responsabilité intangible de rendre le droit effectif pour chacun ? Ne doit-il pas préciser à qui et comment il délègue la mise en œuvre de cette responsabilité ? Quels outils crée-t-il pour que chacun soit assuré du résultat et puisse demander des comptes à ceux qui sont tenus de mener telle ou telle politique ?

Ces trois repères, doivent, nous semble-t-il, être la colonne vertébrale d’une politique du logement à la hauteur des défis qui sont les nôtres. Ils définissent une politique qu’avec beaucoup d’autres nous défendons depuis des mois : celle du droit au logement opposable.