
Marina et Alvaro, volontaires permanents d’ATD Quart Monde
Espagnols de naissance, européens de culture, longtemps attirés par l’Amérique latine, Alvaro, 27 ans, et Marina, 26 ans, ont découvert dans le Mouvement international ATD Quart Monde le style de vie simple et l’engagement radical qu’ils recherchaient. Ils viennent de rejoindre la région Nord Pas-de-Calais pour une mission auprès de jeunes en situation d’exclusion.
Marina et Alavaro ont longtemps eu le projet de partir au Guatemala et les voilà à Lille! Dans leur petit logement, le café est déjà au chaud comme dans tous les foyers du nord de la France mais les familles dont ils ne cessent de parler (dans un français désormais bien maîtrisé) et de montrer des photos, ce sont celles du bidonville de « Las Barranquillas » à Madrid qu’ils viennent de quitter.
« Ce sont ces familles qui nous ont engagés dans le volontariat », déclare Alvaro. Toute la capacité d’idéal et de révolte contre l’injustice que les deux étudiants portent depuis longtemps en eux, est devenue concrète, en 1999, grâce aux visages de ces familles. « Quelques années auparavant, raconte Marina, nos soeurs aînées organisaient des activités avec les enfants gitans d’un bidonville voisin de notre quartier, mais jouer avec des gosses ne nous intéressait pas. La misère était là mais c’est comme si nous ne la voyions pas ». Leur idéal, alors, les conduisait au-delà des frontières de l’Espagne.
Prendre conscience d’une injustice
Dans la paroisee de leur quartier où les parents étaient très engagés, Marina et Alavaro faisaient partie d’un groupe de confirmation. L’animatrice était une passionnée d’Amérique latine. A chacun de ses retours de voyage, elle s’emportait contre le luxe étalé en Europe, l’abondance dans les supermarchés, alors que les habitants de ces pays du Sud peinaient à survivre. Grâce à elle, les deux jeunes ont pris conscience de cette injustice. Leur projet de vie était tracé : ils allaient refuser la consommation, le chacun pour soi et partir vivre une vie simple et des relations vraies au Guatemala où un ami montait un projet de radio et de développement agricole.
En attendant, Marina devait terminer ses études de zoologie. Pour que celles-ci soient davantage en lien avec des problèmes sociaux tels que l’insalubrité, elle s’était spécialisée en parasitologie. Quant à Alvaro, après avoir cherché sa voie dans des mouvements d’extrême gauche puis auprès d’une association s’occupant d’immigrés marocains, il a occupé les temps libres de sa formation professionnelle d’ingénieur du son à des « petits boulots » (sonorisation de mariages, concerts, karaokés…). Puis il a travaillé dans un studio d’enregistrement. Très actif pour promouvoir le commerce équitable, tous les deux participaient alors parallèlement à une formation intitulée « socio-politique et foi chrétienne ». C’est dans ce cadre là que, l’hiver 1998, ils ont pu entendre le témoignage de Béatriz Monj, volontaire-permanente du Mouvement ATD Quart Monde en Espagne. « La philosophie du Mouvement a tout de suite connecté avec ce qu’on avait dans la tête », se souvient le couple. Alvaro a lu le livre de Joseph Wresinski « les pauvres sont l’Eglise ». Matt Davis, un volontaire de l’équipe de Madrid, les a longuement reçus. L’équipe leur a alors proposé la responsabilité de l’organisation des Semaines d’avenir partagé, puis de participer à une bibliothèque de rue dans le bidonville de Las Barranquilla : « Chaque vendredi soir, avoue Marina, je me disais que je ne voulais pas y aller le lendemain à cause du climat de violence et de la drogue omniprésente dans le bidonville. Mais c’est insupportable de laisser ces jeunes et leurs parents seuls face à ce danger. Nous voulions être tout le temps disponibles pour réagir ». Témoins du courage des familles, de leurs soucis et de leur rêves de réussite pour leurs enfants, du désir des couples de « chercher des solutions » en restant unis au-delà des multiples problèmes engendrés par la misère, Marina et Alvaro ont appris l’essentiel: « Etre là, c’est déjà quelque chose. C’est être important pour quelqu’un, c’est lui offrir une chance de s’ouvrir au monde. La porte pour sortir de la misère, c’est de faire des rencontres ».
L’inconnu et la sécurité
Des rencontres, c’est la richesse que le Mouvement ATD Quart Monde leur a offerte. Échanges avec d’autres animateurs de bibliothèques de rue lors d’une session au Centre international du Mouvement, en France. Puis, lors de leur formation de volontaires, cohabitation avec d’autres jeunes très différents portés par le même idéal. Discussions avec une militante Quart Monde, Martine le Corre. Dialogue avec des élus et des personnels des services sociaux…Autant de confrontations qui ont élargi leurs horizons et leurs jugements.
Depuis quelque semaines, Alvaro et Marina découvrent la région Nord Pas-de-Calais en ayant le projet de s’implanter dans un nouveau quartier, d’y trouver un travail et d’y mener des actions en direction des jeunes. « Pour l’instant , commente avec humour Alvaro, on appelle des personnes qu’on ne connaît pas pour aller visiter des lieux qu’on ne connaît pas ». C’est l’inconnu. Mais avec la sécurité que donnent la longue histoire d’ATD dans la région, l’existence sur Lille d’une maison Quart Monde et surtout la possibilité, dans le Mouvement, à tout moment, de prendre du recul et de réfléchir avec d’autres. Tous deux ont une certitude: « Nous connaîtrons des échecs mais nous vivrons sûrement des temps de fête et des temps de fierté avec les familles. On ne peut pas créer une autre société sans les plus pauvres ».
(Reproduction d’un article du journal Feuille de Route de décembre 2002)
Pour en savoir plus sur le volontariat international ATD Quart Monde.