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Echos de la Journée Mondiale du refus de la misère, le 17 octobre 2015, à Toulouse

Intervention au Capitole devant Monsieur Jean-Luc Moudenc, Maire de Toulouse et Monsieur Rougé adjoint au Maire pour les questions d’exclusion

Esplanade François Miitterrand
Esplanade François Miitterrand

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le 17.10.15
Introduction  (Rosette)
Nous vous remercions de nous accueillir à l’occasion du 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère. Nous sommes honorés de la présence de Monsieur Moudenc, maire de Toulouse aux côtés de Monsieur Rougé, maire adjoint, signe que le témoignage et les actions des personnes en situation de très grande précarité a de l’importance pour vous.
Vous avez, en face de vous :
des militants (Marc) qui sont au centre des actions du Mouvement ATD Quart-Monde. Ils ont eux-mêmes une vie difficile à cause de la grande pauvreté et ils choisissent de rejoindre le Mouvement ATD Quart Monde, pour apporter leur réflexion et leurs expériences. Nous militants Quart Monde, nous nous engageons activement à rechercher et soutenir des personnes encore plus démunies pour que tous puissent exercer leurs droits comme citoyens et participer à la destruction de la misère. C’est nous qui avons la parole ici aujourd’hui.
des alliés (Marc) qui sont engagés au sein de leur milieu social, professionnel ou culturel. Au sein du Mouvement ATD Quart Monde, ils rejoignent des groupes tels les réseaux professionnels (Ecole, Emploi, Santé, Culture, Justice, etc.), ou les groupes locaux dans lesquels ils soutiennent les projets du Mouvement, souvent en lien avec les personnes en situation de pauvreté.
(Rosette) Au cours de l’histoire, les hommes n’ont cessé de dresser des monuments à la mémoire des grands hommes, savants, politiques, bienfaiteurs de l’humanité … Joseph Wresinski, dans une intuition de génie, l’année d’avant sa mort, en 1987, décide de laisser une trace à la mémoire de toutes les victimes de la faim, de l’ignorance, de la violence. Cette trace, c’est la dalle inaugurée au Trocadéro, le 17 octobre 1987, lors de la première journée du refus de la misère.
Le message inscrit sur la dalle, nous le réaffirmons aujourd’hui :
«  Là où les hommes sont condamnés à vivre dans la misère, les droits de l’homme sont violés,
S’unir pour les faire respecter est un devoir sacré »

La journée du 17 octobre 1987 a été reprise par l’ONU en 1992 et est donc devenue la journée mondiale du refus de la misère.
Le message de la dalle affirme la dignité des plus pauvres.
Elle est le lieu où est affirmé aussi le refus de l’inacceptable condition faite aux plus pauvres.
Elle est le lieu de rassemblement de la fraternité où tous peuvent renouveler leur engagement à agir pour que les droits de toute personne soient respectés.
« Car la démocratie se désavoue elle-même lorsqu’elle considère l’abandon des plus faibles comme inéluctable » disait Joseph Wresinski.
Il s’agit donc de s’unir pour faire respecter ces droits. Se mettre ensemble de façon à renouveler profondément les relations entre les hommes, parce que chacun est dans une égale dignité avec les autres.

Aujourd’hui, nous voulons témoigner des combats que nous menons pour nos droits, de nos engagements « là où nous sommes » pour construire tous ensemble un monde meilleur et juste. (Rosette)

Au quotidien nous nous engageons pour que soient reconnus nos droits (Rosette)
Nassabia (Ahmed): « j’ai déclaré que le logement est inadapté, il y a des trous. J’ai fait beaucoup de démarches auprès des HLM avec les assistantes sociales, c’est le centre social qui a contacté la mairie. Ils ont dit ce qu’il faut rénover. Un responsable de la mairie a constaté qu’il fallait faire des travaux mais ils n’ont toujours pas été faits. C’est urgent mais la situation semble bloquée. Nous proposons que des travaux soient faits en urgence ou un déménagement en urgence. C’est une priorité car la situation dure depuis 2011. Il faut déménager car mon mari, moi et nos 9 enfants, nous ne pouvons plus vivre dans des conditions insalubres qui mettent mes enfants en danger, j’ai 3 enfants handicapés. Là, nous ne comprenons pas : mon mari paie des impôts, nous sommes à jour avec les HLM. Alors où est le problème ? Comment débloquer cette situation qui devient invivable pour notre famille ? Il y a même des invasions de rats, de souris. Si je parle et donne mon nom, c’est pour sortir de l’anonymat et de cette souffrance. Y’en a marre ; Depuis que je suis dans ce logement, je porte une ceinture lombaire, ma santé et celle de mes enfants s’aggravent. »

[Paulette] : « Depuis 18 ans que j’habite dans le même logement insalubre, je ne suis pas entendue dans mes demandes, je ne suis pas écoutée, je suis dans des conditions de souffrance épouvantable. J’ai des frais auxquels je ne peux plus faire face. La petite de 11 ans ne peut même pas dormir dans sa chambre car il y pleut. Il y a eu une invasion de rats. L’OPAC a décidé de donner des produits pour dératiser au lieu de me reloger tout en sachant mon état de santé.
Je ne baisse pas les bras parce que je veux que ma situation soit reconnue. Il y a des blocages administratifs. ATD Quart Monde a fait une lettre pour que puisse payer tout doucement. Stéphane, un allié d’ATD Quart Monde avait demandé une aide pour isoler la maison. Ca été refusé car Habitat Toulouse préfère démolir.
Je témoigne ce 17 octobre car c’est le jour où les plus pauvres ont la parole et où ils peuvent être entendus. »
[Marie-Ange] : « Je témoigne dans l’anonymat du placement de ma fille, par décision judiciaire à l’aide sociale à l’enfance et à la protection de l’enfance. Après la naissance, ma fille et moi avons été placées dans un centre maternel et on a décidé à ma place. C’est contraignant et humiliant que ma fille soit placée seule en pouponnière et en famille d’accueil. Mes démarches se heurtent à des blocages administratifs. Maintenant, je me consacre à ma profession, animatrice auprès des enfants. Cependant, au niveau familial, j’ai un manque ; ma fille et moi sommes considérées comme fragiles. Les milieux professionnels de la petite enfance sont très fermés, hermétiques à tous sentiments. Je mène une vie saine et équilibrée, je fais de la marche et je fréquente des associations comme ATD Quart Monde. Très engagée pour la cause de l’enfance et des autres familles, je voudrais voir ma fille plus souvent. Mon souhait est de la recevoir pour des week-ends, son anniversaire. En tant que mère, je souhaite faire réagir les services publics. J’estime que dans mon cas, on n’a pas le droit de nous séparer. Si je témoigne en ce jour du 17 octobre, c’est que la misère est là tous les jours. »
Nassabia (Ahmed):: « Je veux témoigner sur le handicap.Nos enfants sont tous nés à l’hôpital mais rien n’est écrit sur leur carnet de santé. Pourtant, trois de nos enfants sont handicapés. Le problème devrait être signalé dans le carnet de santé. Le handicap des trois enfants a été enregistré sur l’ordinateur mais pas sur le carnet de santé. Je ne comprends pas pourquoi les bilans médicaux, le suivi ne sont pas notés dans leur carnet de santé. L’hôpital ne fait pas suivre le dossier médical, la transmission est bloquée.
Je témoigne pour que ma situation et celle de mes enfants s’améliore et se débloque. Comment voulez-vous que mon dossier avance car l’assistante sociale n’a pas assez d’informations pour remplir un dossier d’invalidité ».

Dans nos quartiers nous agissons là où nous sommes (Marc)
Plusieurs d’entre nous disent qu’il est difficile d’agir dans son quartier, car il n’y a pas de respect, mais de la violence. Quand on est différent, on est pas bien accueilli : j’ai participé à un week-end avec le centre aéré au Lac de Saint-Férréol. Le premier jour aucune maman sur une vingtaine ne m’a parlé. J’ai pu discuter seulement, le lendemain, avec une maman. Il y aussi des problèmes de voisinage, une d’entre nous témoigne : « les voisins n’étaient pas gentils avec nos enfants, j’ai fini par rencontrer la maman pour que nous parlions ensemble. Après cette discussion, la situation s’est améliorée. Il faut vivre avec tout le monde. »
« Moi, Marc je veux participer, à Alban Minville le 28 novembre, à la caravane de la rencontre entre pays du nord et du sud. Ce jour-là, chacun échange sur sa culture et ses façons de vivre.
Habitant autrefois près de La Vache, je me suis rapproché d’une maison des chômeurs aux Minimes Fa Sol Mi. Je suis très content d’avoir permis un partenariat entre ce lieu et ATD Quart-Monde pour le 17 octobre. »
[Paulette] : « je me suis investie dans l’Ecole Buffon pour ma dernière fille, car, grâce à ATD Quart-Monde, j’avais appris à parler. Le directeur de l’école m’a donné des responsabilités et m’a fait confiance en me demandant de représenter les parents d’élèves. J’accompagne les enfants pour les sorties même pour les autres classes que celles de ma fille. »
Nous nous sommes formés au cours de nos universités populaires quart-monde et certains parmi nous sont formateurs dans le cadre de la co-formation. (Rosette)
Nous sommes prêts à mettre notre expérience de lutte au service de la commune ou de la Métropole : (Rosette)

Nous sommes engagés dans un comité solidaire pour les droits, ce sont des citoyens qui se mobilisent autour d’une personne ou d’une famille afin de faire rétablir un droit non respecté. Il est difficile et souvent long d’obtenir gain de cause. C’est pourquoi il est important de se regrouper à quelques-uns : militants, associations, professionnels, voisins, amis, parents… Cela apporte aussi une légitimité et une visibilité à l’action, et renforce les chances qu’elle aboutisse avec succès. Au printemps 2015, nous avons signé une convention de partenariat avec la CAF31. J’ai été présente au premier rendez-vous avec le directeur de la CAF. Marc et Paulette ont participé à la journée de formation animée par la CAF. (Rosette)
[Paulette] Nous participons à la construction d’un projet de Maison des familles à Toulouse, car « ce qu’on voudrait, c’est que nos enfants ne passent pas par là où nous sommes passés ».
[Ahmed] Nous nous engageons pour la création d’un réseauEcole sur la Métropole, car il est clé de s’occuper de la réussite de tous, et permettre ainsi à tous les enfants et à tous les jeunes de devenir un jour des citoyens pleinement insérés dans la société.

En Conclusion (Rosette):
Nous vous remercions de votre accueil une fois par mois au « Petit Capitole ». Au petit Capitole, nos enfants se retrouvent et apprennent à vivre ensemble et à se connaître, ce qui n’est pas toujours évident. Ils font des activités (slam, clown…) et préparent la journée mondiale du refus de la misère.
Nous, nous pouvons nous former et préparer les universités populaires quart-monde. D’ailleurs, la Maison de la citoyenneté des Minimes et son maire Monsieur Maxime Boyer nous a fort bien accueilli et nous accueillera encore en décembre pour ces moments essentiels dans notre mouvement.
N.B. Nous ne souhaitons pas donner nos noms car nous parlons au nom des autres familles du Quart Monde.