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« Territoires zéro chômeur de longue durée » : le projet en neuf questions

Michel, employé aux Ateliers du Bocage dans les Deux-Sèvres, un des terrains d’expérimentation du projet « territoires zéro chômeur de longue durée » (photo Agnès Fuseau).

L’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » lancée par ATD Quart Monde en 2015(1) consiste à financer des emplois utiles, de proximité, non délocalisables, par le transfert des charges que le chômage de longue durée occasionne. Autrement dit, produire des emplois en fonction des compétences et besoins présents sur le territoire et non pas seulement en fonction de la croissance économique.

1) Ces nouveaux emplois seront-ils financés par les allocations chômage ?

Non, car ils concernent des chercheurs d’emploi qui, pour la plupart, ne perçoivent pas ou plus d’allocations chômage. Ils seront financés par le transfert des charges liées au chômage de longue durée (minimas sociaux, accompagnement social et professionnel des personnes sans emploi, manques à gagner en impôts, cotisations, etc.)(2). L’autre partie du financement sera constituée par le bénéfice réalisé par la vente des travaux semi-solvables effectués, c’est-à-dire des travaux dont le prix « au marché actuel » est trop élevé pour qu’ils soient engagés.

Le projet ne remet donc pas en cause le fonctionnement de l’assurance chômage.

2) Quel coût ces nouveaux emplois représenteront-ils pour la société ?

Un coût nul ou presque, donc. La société devrait au contraire y gagner financièrement, sous forme de nouveaux impôts, taxes et cotisations perçus.

3) Quel sera le coût de l’accompagnement du projet ?

Des accompagnements socio-professionnels existent déjà sous de nombreuses formes : accompagnement des entreprises, des demandeurs d’emploi, des personnes en difficulté particulière… Mais, malgré leurs qualités indéniables, ils perdent de leur efficacité à cause de la pénurie d’emplois. Si cette dernière disparaît, ces accompagnements s’adapteront et redeviendront très efficaces, sans coût supplémentaire.

4) Comment financer le projet, au démarrage et ensuite ?

Une étude précise(3) chiffre les coûts et manques à gagner que le chômage de longue durée entraîne pour les différents acteurs publics concernés : État, collectivités territoriales, caisses de sécurité sociale… Le cadre légal qu’une loi d’expérimentation doit créer autorisera le projet à « facturer » à chacun de ces différents financeurs le montant des économies et gains que la suppression du chômage de longue durée lui fait réaliser. Si les financeurs sont réticents à mettre en place, a priori, ce cadre légal, l’expérimentation sera lancée avec des fonds publics, privés et solidaires, l’objectif étant de montrer les économies réalisées et de convaincre a posteriori ces financeurs d’accepter le cadre légal qui pérennisera financièrement le système.

5) Le projet concerne-t-il aussi les entreprises privées du territoire ?

Oui. Sur le territoire d’expérimentation, tout entrepreneur privé, pourra demander la convention lui permettant de recevoir 15 000 euros par an pour chaque nouvel emploi créé selon les principes du projet (en particulier : embauche de candidats présentés par l’équipe locale du projet ; mise en œuvre de conditions de travail de qualité ; obligation de réinvestir les bénéfices éventuels dans le développement du projet).

6) Financer 15 000 euros annuels chaque emploi de ce type ne va-t-il pas créer une concurrence déloyale et détruire des emplois dans le secteur traditionnel ?

Non, car les travaux réalisés par les entreprises conventionnées se concentreront sur des travaux semi-solvables, que les entreprises ordinaires ne peuvent pas réaliser car ils n’offrent pas une rentabilité suffisante. Comme le montrent différentes études et les premiers résultats de l’expérimentation à Pipriac et Saint-Ganton, il y a là de larges gisements d’emplois non encore défrichés.

7) Le projet respectera-t-il la liberté de choix de chacun de travailler ou non ?

Oui. Toute personne en situation de chômage de longue durée sur le territoire du projet se verra proposer un emploi, mais elle ne sera jamais obligée de l’accepter. Si elle le refuse, elle continuera de percevoir ses allocations. Les personnes qui refusent ont en général de bonnes raisons : l’appréhension du monde de l’entreprise, le manque de confiance en soi, la peur de se retrouver en difficulté financière, un problème de santé, ou simplement un choix de vie personnel. Les refus ne seront donc pas sanctionnés, mais on cherchera à les comprendre et à y apporter des réponses.

8) Pourquoi proposer des CDI plutôt que des CDD ?

Le contrat à durée indéterminée est une sécurité fondamentale proposée au chercheur d’emploi et un engagement fort de sa part s’il l’accepte. L’expérience d’ATD Quart Monde et des entreprises qui proposent des CDI aux personnes en grande précarité montre que seuls le temps et la sécurité de l’emploi permettent à celles-ci de se reconstruire, de se projeter dans un avenir et de s’investir dans l’entreprise. Tout le monde y gagne.

9) Le projet ne va-t-il pas créer une catégorie de « sous-salariés » enfermés dans ces nouveaux emplois et stigmatisés ?

Le but du projet est de permettre aux personnes confrontées au chômage de longue durée de retrouver le rythme et la sécurité d’un emploi stable. Certaines pourront ensuite décider d’entreprendre une formation, d’autres, de travailler dans une entreprise « classique », d’autres encore, de rester dans l’entreprise conventionnée. Quel risque cette troisième situation présente-t-elle dans la mesure où l’emploi a été choisi par la personne, est utile à la collectivité et si les conditions de travail sont de qualité ? Vaut-il mieux que la personne retrouve le chômage ?

Bien sûr, il faudra vérifier que le nombre de salariés des entreprises conventionnées n’augmente pas indéfiniment, mais évolue de manière cohérente avec la courbe du chômage. D’où l’importance d’expérimenter sur une durée suffisamment longue (5 à 7 ans).
Merci à Denys Cordonnier, Didier Goubert, Olivier Mouquet, Denis Prost, Frédéric Subbiotto, Patrick Valentin, et tous les partenaires locaux du projet.

fondationdefrance-> Lire aussi la description complète du projet « Territoires zéro chômeur de longue durée » sur www.atd-quartmonde.fr/unemploiundroit