
Territoires zéro chômeur de longue durée : « Il y a urgence à obtenir une deuxième loi »
Près de 500 personnes se sont rassemblées le 18 juin à Paris, près de l’Assemblée nationale, pour demander une deuxième loi permettant l’extension de l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée. Élus, salariés, chefs d’entreprise ont pointé l’espoir que constitue ce projet pour de nombreuses personnes privées d’emploi, mais aussi pour les territoires.
La deuxième loi annoncée par Emmanuel Macron en septembre 2018 pour étendre l’expérimentation Territoire zéro chômeur de longue durée se fait attendre et n’est toujours pas inscrite au calendrier parlementaire. Le président de l’association Territoire zéro chômeur de longue durée, Laurent Grandguillaume, s’est pourtant montré confiant mardi 18 juin, devant plusieurs centaines de personnes mobilisées pour promouvoir ce projet.
« Nous invitons les sénateurs, les députés, le gouvernement à porter un coup fatal au chômage de longue durée », a-t-il indiqué face à une trentaine d’élus de territoires ayant déjà développé leur entreprise à but d’emploi ou souhaitant mettre en œuvre le dispositif au plus vite. Tous sont convaincus qu’il n’y a « aucune fatalité face au chômage ».
Donner les moyens financiers suffisants
« Il y a urgence à obtenir une deuxième loi, d’abord pour que les premiers territoires puissent continuer à expérimenter, pendant le temps qu’il faut, et pour que de nouveaux territoires montrent aussi ce qu’ils peuvent faire », a souligné la présidente d’ATD Quart Monde, Claire Hédon. « Cette deuxième loi doit donner les moyens financiers suffisants, parce que c’est la clé : avoir suffisamment d’aides financière pour vraiment arriver à l’exhaustivité. Parce que notre but, c’est zéro chômeur, c’est un emploi pour tous, ce n’est pas autre chose », a-t-elle ajouté.
L’expérimentation, portée à l’origine par ATD Quart Monde, rassemble aujourd’hui dix territoires prêts à proposer un emploi à toutes les personnes qui en sont privées depuis au moins un an. Elle a déjà permis la création de près de 800 emplois. Ce projet « change le regard sur les personnes privées d’emploi. Cela change la vie des gens. Ce n’est pas simplement un coût, cela rapporte de nouvelles recettes pour les finances publiques. Les personnes qui travaillent ont un pouvoir d’achat plus important sur le territoire. C’est rentable humainement, mais aussi financièrement », a détaillé Claire Hédon.
Fierté et confiance
À la tribune, les témoignages se succèdent. Pour Stéphane, habitant de la ville de Vincey dans les Vosges, candidate à l’expérimentation, « c’est un magnifique projet qui ramène l’emploi, mais aussi le lien social. Les gens sortent de chez eux, s’investissent dans ce projet ». « On revoit des sourires. On sent qu’on n’est pas des ‘inutiles’, on a créé des emplois qui sont durables », a souligné Fabienne, membre de l’entreprise à but d’emploi de Colombelles, dans le Calvados.
Certains sont émus de voir le chemin parcouru depuis 2014 et le début des travaux préparatoires. « Cela m’a apporté beaucoup de fierté. J’étais mère au foyer, ma fille voulait me suivre et disait : ‘maman je veux être comme toi, je veux être mère’. Maintenant, je travaille et elle veut toujours être comme moi : ‘être mère et travailler’ et cela change toute une vie », a raconté Dorothée, membre depuis un an et demi de la Fabrique de l’emploi, l’entreprise à but d’emploi créée à Tourcoing et à Loos, dans le Nord.
« Avant, j’étais un peu une oubliée. Je vivais dans la campagne, complètement repliée, je n’osais même plus aller chercher mon pain, parce que la première chose qu’on me demandait, c’était : ‘As-tu trouvé du travail?’ On finit par s’isoler, on est déconnecté. Territoires zéro chômeur m’a permis de reprendre confiance en moi. Cela permet de refaire des projets, de pouvoir consommer. Ça vaut le coup, parce que toute une économie repart. On va plus facilement à la boulangerie, chez le coiffeur, on rachète une voiture, c’est un mouvement très fort », a témoigné Nadia, de Mauléon, dans les Deux-Sèvres. Une de ses collègues, Pauline, a pour sa part tenu à rappeler que « le chômage n’est pas un choix, cela peut tous nous arriver un jour ou l’autre. Grâce à l’expérimentation, on peut montrer de quoi nous sommes capables, reprendre confiance en nous ».
Un projet de société
« Il faut que la loi soit votée au plus tard fin 2019 pour que cette belle dynamique ne retombe pas », a souligné la maire de Pont-Château (Loire-Atlantique), candidate à l’expérimentation. « On nous donne à nous, élus de petites communes, le moyen d’agir concrètement sur des questions qui jusqu’à présent nous échappaient. On donne le moyen d’agir à nos habitants, on donne la possibilité aux personnes privées d’emplois de créer leur propres emplois. C’est complètement nouveau, cela ne s’est jamais vu », a ajouté un élu de Châtellerault, dans la Vienne.
Pour Agnès Thouvenot, adjointe au maire de Villeurbanne dans le Rhône, « c’est un projet qui renverse complètement l’action publique, parce qu’on part des gens. C’est aussi un projet de société. C’est contre Uber. Ce sont des plateformes de services et de compétences pour nos territoires, avec des espaces sécurisés et du collectif. C’est bien sûr un emploi, une dynamique de territoire, mais c’est aussi un projet de société ».
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Photo : Rassemblement le 18 juin 2019, place des Invalides à Paris. © Carmen Martos, ATD Quart Monde
Julie Clair-Robelet