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TAE forme à « l’entreprise incluante »

TAE (Travailler et Apprendre Ensemble), l’entreprise solidaire d’ATD Quart Monde, propose une formation pour un management plus humain. Reportage.

 » Spontanément, je déteste les conflits. Et pourtant j’y ai été confrontée un nombre incalculable de fois quand j’étais dans le management des trains à la SNCF. J’en ai tiré une certitude : l’arme fondamentale, c’est le dialogue.  » Aurélie ouvre l’atelier du cycle de formation proposé par TAE (Travailler et Apprendre Ensemble), l’entreprise solidaire d’ATD Quart Monde, le 19 septembre dernier dans ses locaux de Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). Thème du jour : comment tirer parti des conflits pour progresser.

Assises en rond, une quinzaine de personnes l’écoutent. Parmi elles, des représentants d’Orange, de Saint-Gobain et de Suez, et des animateurs d’entreprises à but d’emploi (EBE) créées dans le cadre de l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Cinq personnes de TAE sont aussi présentes : des salariés ayant l’expérience de la pauvreté et des  » compagnons  » au parcours classique, souvent diplômés. Cette diversité est vécue comme une richesse à TAE.

L’objectif est de faire partager le modèle de TAE, de donner des pistes à des cadres qui veulent changer quelque chose dans leurs équipes et peuvent s’en inspirer. Un modèle de management humain, fondé sur l’autonomie et la responsabilisation des salariés, qui assure un emploi digne et de qualité à toute personne, quelles que soient son histoire et ses difficultés.

Les animateurs de l’atelier demandent à chacun de se situer par rapport aux conflits. Une participante explique qu’elle va  » chercher à désamorcer tout de suite « . Didier, le directeur de TAE, dit au contraire  » aimer les conflits car en général ils font progresser « …

Équipe

C’est au tour des salariés de TAE d’intervenir – le temps fort de la matinée. Chacun expose un conflit qu’il a rencontré et comment il a été résolu. Juliette, jeune diplômée qui est  » compagnon  » à TAE, raconte comment elle est arrivée à un point de blocage avec une collègue de son équipe bâtiment :  » On ne pouvait plus travailler ensemble, elle avait eu des mots très durs contre moi et vexée, j’étais partie. Un jour, je suis retournée la voir avec ma colère sèche. On a eu un échange riche. Avec le temps, on a pu retravailler ensemble. Ce qui est important, c’est être soi-même, laisser la rancœur s’exprimer et dialoguer avec le soutien de l’équipe.  »

Chantal, salariée ayant l’expérience de la précarité, a vu arriver à TAE une personne avec qui elle avait un conflit.  » Pourtant j’ai dit : «  il faut lui laisser sa chance ». Le problème, c’est qu’il était avec moi à l’atelier informatique. Il me mettait à part, j’avais la boule au ventre. Il a fallu crever l’abcès, un jour, autour d’un café. Je lui ai dit :  » le passé c’est le passé « . On a fait chacun un rapprochement, on a réussi à mettre des mots. Ça a duré un an et demi. Heureusement j’avais mes co-équipiers, le groupe…  »

Chaque témoignage suscite des questions, des échanges. Dans l’après-midi, les participants réfléchissent à ce qui leur semble important de ce qu’ils ont entendu le matin et à ce qui pourrait leur être utile dans leurs pratiques.

 » L’atelier m’a donné des éléments pour un conflit dans mon entreprise et il me fait réfléchir sur nos métiers : qu’est-ce que je peux proposer qui soit un petit peu inspiré par TAE ?, explique Christophe, cadre dans les ressources humaines à Saint-Gobain, interrogé plus tard au téléphone. Grâce à l’accompagnement des plus pauvres, ATD Quart Monde a un savoir. Est-il transposable dans des entreprises comme Saint-Gobain qui compte plus de 42 000 salariés en France ? TAE a des prérequis que nous n’avons pas : des rémunérations égales, uniquement des CDI, la volonté d’être ensemble, de garder les personnes…  Mais cela peut toucher les cœurs. Et nous avons, chacun, des marges de manœuvre pour agir là où nous sommes. »

Véronique Soulé

Photos @Carmen Martos, ATDQM