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Stop aux idées reçues sur les réfugiés

Non au tri des migrants, non à la concurrence entre les personnes plus démunies, réfugiées, précaires, sans-abri… : ATD Quart Monde appelle à la solidarité et met en garde contre les idées reçues qui alimentent les peurs.

Le 6 septembre dernier, quatre jours après la découverte du corps du petit Aylan sur une plage de Turquie, ATD Quart Monde a signé avec 17 associations une tribune appelant à la solidarité. Plus de 2 600 personnes sont mortes noyées en Méditerranée depuis janvier 2015 en voulant gagner l’Europe, rappellent les signataires. «Nous sommes exaspérés par l’inertie de nos décideurs politiques. »

Au-delà des beaux discours, les associations demandent à la France de passer aux actes et de se mobiliser pour accueillir les réfugiés. « Face à la montée des extrêmes dans notre pays, avertissent-elles, ne perdons pas le combat des valeurs. »

Le 23 septembre, avec le Collectif des associations unies, ATD Quart Monde a mis en garde contre « une prétendue concurrence entre les précaires ». « On entend qu’avant d’aider ceux qui arrivent, il faut d’abord aider ceux qui sont déjà là, voire ceux qui sont nés ici, déplore le texte. Ce positionnement est dangereux et contraire à la dignité humaine et aux droits fondamentaux. »

Les associations reconnaissent que les réfugiés arrivent dans « un contexte de pénurie dramatique » d’hébergements et de logements sociaux et se félicitent que le Premier ministre Manuel Valls ait débloqué des fonds. Mais il faut aller plus loin selon elles, en créant notamment des dizaines de milliers de places d’hébergement et en relançant la construction de logements sociaux.

«Aujourd’hui, toutes les propositions faites par les citoyens, associations, et les solutions dégagées par les pouvoirs publics prouvent que «quand on veut, on peut», conclut le texte. Alors, rendons durable cet élan de solidarité pour combattre toutes les formes de pauvreté, d’ici et d’ailleurs ».

Véronique Soulé

1. « Les réfugiés reçoivent des logements alors qu’on en attend depuis des années »

Les réfugiés passeraient devant les Français, les 150 000 sans domicile fixe, les 60 000 familles prioritaires et les trois millions de mal logés ? La réalité est plus compliquée.
Le 12 septembre, Marie-Arlette Carlotti, présidente du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, a provoqué la surprise en annonçant que 77 310 logements sociaux étaient vides et qu’ils pourraient héberger des réfugiés.
En effet, 1,6% des logements sont vacants depuis trois mois ou plus dans le parc social. Mais pourquoi cela alors que tant de gens en attendent depuis des années ? En fait, beaucoup de ces logements doivent subir des travaux ou être démolis. Les autres ne trouvent pas preneurs parce qu’ils sont dans des régions peu demandées, isolées, où l’on ne trouve guère de travail : le Limousin (7,6% de logements vacants), la Bourgogne (6,7%) ou encore la Basse Normandie (4,4%). Le problème est que la demande se concentre dans les zones urbanisées comme l’Ile-de-France. Et là, il n’y a guère de logements vacants.

2. « On leur donne tout, on devrait d’abord s’occuper de nos pauvres »

Les réfugiés auraient tous les droits et de confortables aides ? Là aussi, il faut regarder de plus près. Les demandeurs d’asile ne pouvant pas travailler tant qu’ils n’ont pas le statut de réfugié, ils reçoivent une allocation – entre 91 euros et 202 euros par mois pour une personne seule si elle est logée dans un centre spécialisé (un CADA), 340 euros pour les autres. Et ils bénéficient de la CMU (couverture maladie universelle).
En réalité, les conditions d’accueil en France ne sont pas particulièrement bonnes. Il existe un manque de moyens à tous les niveaux. Jusqu’à la réforme de cet été qui raccourcit le délai de moitié, il fallait deux ans en moyenne pour obtenir le statut de réfugié – l’un des délais les plus longs d’Europe. En Allemagne, il était de 5 mois jusqu’ici et les demandeurs d’asile peuvent travailler au bout de trois mois.
En plus, alors que la loi française oblige à héberger les demandeurs d’asile, on manque dramatiquement de places. Seul un tiers d’entre eux est accueilli dans les CADA. D’où des camps illégaux souvent insalubres.

3. « Il y a déjà plein de chômage, ça va empirer »

C’est une inquiétude légitime. La France a dépassé les 10% de chômage, une hantise pour beaucoup. Un réfugié, qui a obtenu le statut officiel, a le droit de travailler, comme d’ailleurs les migrants économiques venus régulièrement.
Les études sur le sujet sont toutefois rassurantes. Deux chercheurs français, cités dans le livre d’ATD Quart Monde « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté» (1), ont fait le bilan de plusieurs travaux. Ils ont conclu qu’il n’existait aucune preuve que les immigrés provoquent une hausse du chômage des natifs.
Une autre étude, de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement en Europe), citée dans le livre, a montré qu’une hausse de 1 % de l’immigration dans la population active augmentait de 0,05 point le taux de chômage des natifs. Puis que le plus souvent, l’effet s’annulait au bout de cinq ans.

4. « Les immigrés, ça coûte cher »

D’un côté, ça coûte. Il faut héberger, nourrir, soigner les personnes qui arrivent – dont des familles, minoritaires, avec enfants. Mais il faut voir aussi que dès qu’ils travaillent, les réfugiés et les immigrés au sens large paient des impôts et des taxes comme tout le monde.
Des études montrent que lorsqu’on fait le bilan, l’immigration ne coûte presque rien, voire qu’elle rapporte. Des économistes français cités dans le livre (1) ont ainsi calculé que les immigrés payaient plus en impôts, cotisations sociales, taxes… qu’ils ne coûtaient en prestations sociales – aides au logement, allocations familiales, RSA, etc. Pour la plupart des pays, souligne l’OCDE, l’impact est positif.
Il faut ajouter à cela la contribution économique des immigrés à leurs pays d’origine. Ils transfèrent au moins trois fois plus de fonds que l’aide au développement versée par les pays industrialisés comme la France.

5. « C’est une invasion, la France ne peut accueillir toute la misère du monde »

Accueillir 30 000 réfugiés sur 2 ans comme s’y est engagé le président François Hollande, alors que la France compte 65,8 millions d’habitants, ne peut pas être qualifié d’« invasion ». Avec 80,8 millions d’habitants, l’Allemagne va en recevoir au moins 800 000 cette année, peut-être même un million.
La France a déjà connu des vagues migratoires importantes qui ont contribué à son développement. En 1939, après la victoire du général Franco, plus de 500 000 Espagnols, partisans des Républicains, ont franchi la frontière dans les Pyrénées Orientales. Après la fin de la guerre du Vietnam en 1979, 80 000 Vietnamiens – les « boat people » – ont obtenu le statut de réfugiés en France. Les historiens citent aussi le retour de 800 000 rapatriés d’Algérie après 1962. Français, la plupart ne connaissaient pas le pays où ils débarquaient.

6. « En les laissant entrer, on provoque un appel d’air »

Le fait d’accueillir des réfugiés va-t-il en encourager à venir ? Les Syriens – comme les Afghans, les Erythréens, les Irakiens… – quittent leurs pays parce qu’il y a la guerre et que leur vie est menacée. Le conflit syrien a fait déjà 240 000 morts. Qu’on leur ouvre ou non les portes, ils fuiront les bombes et les exactions des islamistes de Daech et des troupes de Bachar Al-Assad.
Fermer les frontières n’est pas une solution. La construction du mur entre le Mexique et les Etats-Unis n’empêche pas les Mexicains de continuer à tenter leur chance. Ouvrir les frontières est par ailleurs la meilleure manière de lutter contre les passeurs et leur atroce trafic de cargaisons humaines.
Enfin, la France n’attire guère. Lorsqu’en septembre, les autorités sont allées chercher 1000 réfugiés à Munich pour soulager l’Allemagne, elles n’en ont ramené que 600. Beaucoup savent qu’ils ne sont pas attendus à bras ouverts : en 2014, la France a rejeté 83 % des demandes d’asile, bien plus que ses voisins européens.

7. « Pourquoi viennent-ils en Europe et ne restent-ils pas dans la région ? »

« L’encadré ci-dessous le montre: la grande majorité des réfugiés syriens sont dans les pays voisins. Le Liban en accueille 1,1 million (un quart de sa population), souvent les plus pauvres qui n’ont pas les moyens de venir en Europe – il faut payer des passeurs, parler un peu une langue européenne…
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Europe n’est pas une terre d’accueil. Selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (le HCR), plus de 80% des réfugiés dans le monde se trouvaient, en 2013, dans des pays en développement, les trois grands pays d’accueil étant le Pakistan, l’Iran et le Liban.

(1) « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté », Ed de l’Atelier et Ed.Quart Monde, 2014, 220 p., 5 euros. Voir page 7.

Photo : un réfugié syrien accueilli par Habitat et Humanisme à Bonnelles (Yvelines), penché sur un manuel de français, le 26 septembre 2015 (ph. François Phliponeau)