
Solidarité Active : oui mais avec tous !
Tribune parue dans Ouest-France – Septembre 2008
Alain se souvient : « Le médecin (qui l’a fait bénéficier de la COTOREP) a dit que j’avais un problème de dos mais c’est surtout que je ne savais pas lire et écrire ». Après 15 ans sans travail, il reprend petit à petit : « J’ai commencé par un stage, puis des contrats d’un mois, trois mois non payés, puis de la remise à niveau puis des stages payés et depuis février 2007, je suis en CDI comme agent de production payé au SMIC. C’est seulement à 46 ans que je suis un travailleur et moi je voulais cela depuis toujours » Comme Alain, des centaines de milliers d’hommes et femmes veulent de toutes leurs forces un vrai emploi mais, pour des raisons diverses, n’y parviennent pas. Parfois, certains se découragent, faute de soutien efficace, trop blessés par des années d’inactivité, humiliés d’être considérés comme des inutiles. Mais tous, activement ou secrètement, veulent travailler, être reconnus, vivre décemment. Reconnaissons au Revenu de Solidarité Active (RSA) son point fort : il permet enfin à celui qui reprend un emploi même à temps partiel de gagner davantage que les minima sociaux (qui sont nettement inférieurs au seuil de pauvreté… !). Mais qu’en sera-t-il pour les autres : ils ne seront pas mieux soutenus, ni financièrement, ni dans l’accès à l’emploi. Pire, ils risquent même d’être davantage stigmatisés, voire suspectés de ne pas vraiment vouloir travailler. Les actuels bénéficiaires du RMI nous disent sans cesse qu’ils espèrent ne plus être stigmatisés comme « rmistes ». Or, dans le projet de loi, la prestation prévue pour ceux qui n’ont pas d’emploi est appelée « Revenu Minimum Garanti », le « Revenu de Solidarité Active » étant réservé aux autres. Nous demandons que soit retiré ce terme de Revenu Minimum Garanti. Le RSA est basé sur la mise en place d’un « référent unique » chargé d’accompagner le bénéficiaire vers l’emploi. Pour choisir ce référent, dans le « livre vert sur le RSA », Martin Hirsch proposait une distinction, dont nous avions souligné le danger, entre « personnes à dominante sociale » et « personnes à dominante professionnelle ». Le texte actuel reste très ambigu sur ce point. Selon leur profil, détecté on ne sait comment, les bénéficiaires seront aiguillés soit vers le Service Public de l’Emploi soit vers le Conseil Général et le référent unique choisi parmi l’un ou l’autre. Nous demandons que toute personne qui le souhaite ait droit à un véritable soutien personnalisé d’accès à l’emploi. Nous demandons que la loi prévoie un recours simple permettant aux personnes de changer de référent si elles le jugent utile. Nous demandons enfin que ce choix du référent, son rôle, sa compétence et sa formation, fassent l’objet d’une évaluation très rigoureuse, associant pleinement les personnes concernées. L’expérience nous a appris que lorsqu’on ne vise pas en priorité l’accès au droit commun de ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi (de la culture, du logement, de la santé…), on n’avance pas d’un pouce vers l’éradication de la pauvreté et l’on prend le risque de creuser l’écart entre les plus démunis et les autres.
Pierre Saglio Président Mouvement ATD Quart Monde France