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« Si tu connais pas tes droits, tu peux rien »

Martine, une militante Quart Monde, nous a fait parvenir son témoignage pour inciter à se battre pour ses droits.

« Le 22 avril 2017, mon mari Raymond a fait deux infarctus, dans l’entreprise puis dans l’ambulance. L’entreprise a déclaré ça en maladie. Pour eux, c’était pas un accident de travail (AT). On s’en est pas aperçus tout de suite. Au bout de trois mois, on a vu que le salaire diminuait et les primes aussi. C’était écrit « en maladie » sur les bulletins de paye.Tout ça sans qu’ils nous aient téléphoné.

Le SAMU avait dit accident de travail car dès qu’il se déplace dans une entreprise, ça veut dire accident de travail. Mais l’entreprise, une très grosse, avait contacté la Sécu pour préciser que c’était maladie.

Puis le salaire a été de pire en pire. J’ai demandé un entretien avec une personne de la Sécu. Elle me croyait pas, elle essayait de me faire dire que j’étais « triphasée »… On a alors cherché sur internet la liste des causes reconnues comme AT. On a vu que certains infarctus y sont. Alors on a dit ça en retournant à la Sécu : « Comment vous êtes à la Sécu mais vous lisez pas les textes de loi ? » Je lui ai montré sur mon téléphone. Elle l’a imprimé et elle m’a dit : « Mais d’où vous savez ça ? »

Dans les dix jours suivants, on a eu trois contrôles de la Sécu, puis un quatrième qui venait même de Paris. Il nous a dit : « J’ai pas à vous dire ça mais il faut se battre ». Les témoins ont été convoqués à la Sécu. Mon mari aussi. Au final, ça a été repassé en accident du travail.

Si j’avais pas fait des pieds et des mains pour que la Sécu envoie des enquêteurs, on se serait fait rouler dans la farine. Malgré les vingt-sept ans de boîte de Raymond. Le directeur lui a proposé un dessous de table pour pas qu’il déclare l’accident du travail – « Je te compense les trois mois d’arrêt maladie ». C’était le troisième AT dans l’entreprise, ils perdaient la prime de rendement du site. Ils ont dit que les collègues vont perdre leur prime de rendement à cause de mon mari. Les collègues on les a vus, ils sont prêts à faire un piquet de grève dans le bureau du directeur pour le soutenir.

Sans moi, Raymond n’aurait rien dit. Jamais il n’aurait cru qu’on lui bloquait le salaire au bout de quatre mois avec ses vingt-sept ans de boîte. Il a pris un dégoût de tout. Le directeur, c’était comme si j’étais minable devant lui. Je lui ai dit : « Je vais avoir le soutien d’ATD Quart Monde, vous allez voir si vous ne connaissez pas le groupe, vous allez en entendre parler ».

Au final, l’ouvrier est là pour fermer sa gueule. Si tu connais pas tes droits, tu peux rien. Il faut pas lâcher. La Sécu est mal informée, c’est carrément toi qui dois te démerder à trouver le truc pour faire valoir tes droits ! En fait la Sécu, c’est pas une institution sociale, c’est une institution purement économique. »