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Idées Fausses : « Se loger et manger, c’est plus important que la culture » : C’est faux !

Faux. La culture est une part essentielle de l’être humain et peut « remettre en route » une vie.

Geneviève de Gaulle Anthonioz a expliqué l’importance qu’avaient eue pour elle la culture, l’art et la spiritualité, alors qu’elle se trouvait déportée en 1944 dans le camp de Ravensbrück[1]. À la même époque, des femmes internées dans un autre camp mettaient en scène le conte de Blanche Neige pour représenter leur situation[2]. Patrick Chamoiseau et Édouard Glissant ont rappelé combien l’aspiration à la beauté avait été forte au cœur même de l’esclavage, dans les siècles précédents. Nombreux sont les témoignages qui disent combien la culture est essentielle à l’être humain, même au plus profond de sa détresse[3].

Des chercheurs comme Sian Beilock ont montré[4] que la pratique de l’écriture, par exemple, pouvait libérer l’esprit de certaines angoisses et lui permettre de consacrer plus d’énergie à certaines tâches.

Pour Joseph Wresinski, « l’action culturelle est primordiale. Elle permet de poser la question de l’exclusion humaine d’une manière plus radicale que ne le fait l’accès au droit au logement, au travail, aux ressources ou à la santé. On pourrait penser que l’accès à ces autres droits devient inéluctable, lorsque le droit à la culture est reconnu[5]. » S’appuyant sur cette réflexion, le philosophe Patrice Meyer-Bish explique que la puissance créatrice de chacun est celle qui déclenche les autres droits[6].

Tout cela va à l’encontre de la célèbre théorie de la « pyramide des besoins » du psychologue Abraham Maslow qui, bien que n’ayant pas de validité scientifique, est enseignée partout. Cette théorie distingue des besoins dits primaires de besoins dits secondaires.

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Un programme de recherche mené par ATD Quart Monde a déconstruit cette pyramide, expliquant que la culture peut « remettre en route » une vie : « Les besoins culturels sont aussi importants que les besoins qualifiés traditionnellement de primaires. […] La culture est une nourriture essentielle pour l’être humain. Le matériel, au sens large, ne suffit pas pour redonner de l’élan dans une vie. Les gens ne se mettent pas en route pour cela. La difficulté, par exemple, que peuvent avoir des personnes en situation de précarité à prendre leur santé en main peut provenir d’une absence de but, d’un manque de finalité dans leur existence. […] De fait, il existe un cloisonnement entre l’action sociale, qui prend en compte les besoins primaires vitaux, et l’action culturelle, qui paraît subsidiaire (à satisfaire lorsque les autres besoins seront satisfaits) ou relative, donc non primordiale quand il s’agit de personnes en situation de précarité. […] Il existe à la fois des besoins primaires vitaux et des aspirations (reconnaissance, culture, beauté…) qui font que quelqu’un est un être humain à part entière. Pour passer de l’assistance à la participation, il faut que ces aspirations soient prises en compte. […] Nous proposons de remplacer le dessin pyramidal [de la pyramide de Maslow] par un cercle, une boule, qui respecte la totalité de la personne[7]. »

[Article mis à jour en décembre 2019]

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[1] G. de Gaulle Anthonioz, La Traversée de la nuit, Paris, Le Seuil, 1998.

[2] M. Gilzmer, Camps de femmes, Paris, Éd. Autrement, 2000. Cité par G. Bigot, Marchande d’étoiles. Le rêve d’une conteuse d’aujourd’hui, Éd. Quart Monde/La Grande oreille, 2018. Voir aussi E. Herberstein, A. Georget, Les Carnets de Minna, Paris, Le Seuil 2008.

[3] Par exemple, B. Cyrulnik, Un merveilleux malheur, Paris, Odile Jacob, 1999 et Les vilains petits canards, Paris, Odile Jacob, 2001.

[4]  Par exemple G. Ramirez, S. L. Beilock, « Writing About Testing Worries Boosts Exam Performance in the Classroom », Science 14 janvier 2011, Vol. 331, Issue 6014, pp. 211-213.

[5] Culture et grande pauvreté, op. cit.

[6] Intervention lors du colloque de Cerisy en 2017, dont les actes ont été publiés en 2018 : B. Tardieu et J. Tonglet (dir.), Ce que la misère nous donne à repenser, avec Joseph Wresinski, Paris, Hermann, 2018.

[7]  Groupes de recherche Quart Monde-Université et Quart Monde Partenaire, Le Croisement des savoirs et des pratiques, Ivry-sur-Seine/ Paris, Éd. de l’Atelier/Éd. Quart Monde, 2008.