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Salem, en co-location grâce à Habitat et Humanisme

Voici le premier reportage d’une série d’articles que le site d’ATD Quart Monde lance à l’approche du Village des initiatives pour une société autrement prévu les 14 et 15 octobre place de la République à Paris et de la Journée mondiale du refus de la misère le 17 octobre, qui a trente ans cette année. Des sujets qui illustrent les initiatives d’ATD Quart Monde et de nos partenaires contre le fléau de la pauvreté.

Salem, 32 ans, est afghan et il vit dans une colocation intergénérationnelle proposée par l’association Habitat et Humanisme dans l’objectif de créer du lien social. L’association expérimente ce dispositif dans des résidences composées de plusieurs appartements, avec des parties communes aux logements, et aussi dans des « logements diffus » comme celui où vit Salem.

Campements

Il est 18 heures 15 quand Salem nous accueille dans son appartement Porte de la Chapelle, dans le 18ème arrondissement de Paris. Il a vue sur les campements sauvages de migrants, à côté du centre d’accueil qui est toujours plein.

Salem partage son logement depuis presque un an avec Emilie, la soixantaine, d’origine africaine, et Soumia, la cinquantaine, française d’origine marocaine.

L’appartement est vaste – plus de 100 mètre carrés, quatre chambres, deux salles de bains et une cuisine équipée. L’une des chambres était occupée par la fille de Soumia, partie vivre avec son père.

Chacun paye un loyer de 415 euros. Salem recevant 294 euros d’APL (aide personnalisée au logement), il lui reste 121 euros à débourser de sa poche.

Vivre ensemble

Habitat et Humanisme a établi des règles à respecter entre colocataires dont celle de la propreté. L’appartement est d’une propreté presque impressionnante. Entre Salem, Soumia et Emilie pas de planning de ménage. Cela tient plus d’un arrangement à l’amiable.

L’association essaye de favoriser le vivre ensemble et la convivialité. Sur ces aspects, Salem reste discret. Il croise ses colocataires et les échanges sont assez limités. « Chacun a sa vie », dit-il. Il discute de temps en temps avec Emilie qui, comme lui, est sans emploi en ce moment.

Une bénévole d’Habitat et Humanisme, Blandine, passe voir les colocataires tous les deux à trois mois pour prendre des nouvelles. Elle les aide aussi dans des tâches administratives comme remplir le dossier de la CAF (caisse d’allocations familiales) pour demander l’allocation logement.

Salem dans la cuisine de sa co location le 31 juillet 2017. @VS

Repas partagés

Ces visites sont parfois l’occasion de partager des repas préparés par un des colocataires. « En arrivant en France, j’ai été obligé de me mettre à la cuisine et je prépare des plats afghans », explique Salem.

Blandine prend aussi des nouvelles par téléphone ou texto. Elle se tient au courant de la recherche d’emploi de Salem, lui trouvant parfois des pistes comme celle de cuisinier dans un restaurant colombien. « Malheureusement, il fallait maîtriser la cuisine colombienne, regrette-t-il, j’ai dit que j’étais capable d’apprendre mais ça n’a pas marché. »

A la rue

Salem est originaire de Kaboul qu’il a quitté en 2009, en pleine période de troubles politiques. Il est arrivé en France après neuf mois de voyages éprouvants. Il dépose alors une demande d’asile qui mettra quatre ans à aboutir après deux refus de l’OFPRA (office français de protection des réfugiés et des apatrides).

Pendant ces quatre ans, il a vécu dans la rue, entre la gare de l’Est et la place Stalingrad : « Avant, je n’aurais jamais imaginé vivre dans la rue. Dans mon pays, beaucoup plus pauvre, il y a toujours une place pour loger quelqu’un qui en a besoin ».

La France finit par lui accorder le statut de réfugié. Accompagné par un couple, qui l’héberge durant un an et demi dans le cabinet du mari médecin, il dépose un dossier à Habitat et Humanisme. L’association lui propose d’intégrer cette colocation intergénérationnelle avec deux femmes. Un autre choc culturel. « Dans mon pays, ça serait inimaginable », confie Salem.

Petits boulots

En ce moment sans travail car « l’été est une période morte », il va de petits boulots en petits boulots, tantôt serveur pour des extras dans les hôtels, tantôt vendeur, ou revendeur, lui qui dirigeait une grosse épicerie à Kaboul.

Salem sort souvent retrouver d’autres Afghans de Paris au Jardin Villemin, dans le dixième arrondissement, leur point de rendez-vous dans la capitale. Il occupe son temps parfois trop libre et retrouve un petit coin de son pays laissé derrière lui.

Hélène Pinazo Canales