
RSA contre bénévolat : pourquoi c’est non !
En 2016, le département du Haut Rhin votait une mesure conditionnant le versement du Revenu de Solidarité Active (RSA) à la réalisation par ses allocataires de 7 heures hebdomadaires de bénévolat. ATD Quart Monde avait alors dénoncé cette mesure, par ailleurs invalidée par la justice administrative tout comme par la cour d’appel de Nancy en avril 2017. En 2018, ATD Quart Monde avait réitéré son opposition à cette mesure, quand le Conseil d’État avait finalement donné raison au Conseil départemental du Haut-Rhin.
En effet, en plus de poser un regard stigmatisant sur les allocataires du RSA, une telle mesure, compromet le principe de solidarité nationale et dénature la notion même de bénévolat. Alors que cette idée de conditionner le RSA à des missions de bénévolat revient régulièrement dans le débat public, ATD Quart Monde a recensé les principaux arguments en faveur de ce dispositif… pour mieux les déconstruire !
1« Cela permettra de briser l’isolement de ces personnes et elles auront la satisfaction d’être utile à la société »
Bien sûr, nombreuses sont les personnes au RSA qui s’engagent bénévolement, à ATD Quart Monde ou dans d’autres associations, avec cette volonté de se sentir utiles à la société, de rompre l’isolement dans lequel peut enfermer la pauvreté. Mais cet engagement tient de l’ordre de la vie privée et ne peut – ni ne doit – être une contrainte. Comment se sentir utile lorsque l’on est sous la contrainte ? Forcer la participation à un projet associatif quand on a déjà une vie difficile et que cette épée de Damoclès menace à tout moment de s’abattre sur de maigres revenus, c’est indécent.
2 « La solidarité ne doit pas être à sens unique, elle doit être à double sens »
Rappelons que le droit fondamental à des moyens convenables d’existence est reconnu par notre Constitution. Les minimas sociaux, comme le RSA, permettent de respecter ce droit. Une fois de plus on stigmatise les pauvres, laissant à penser que ce sont des « assistés » qui « profitent du système », alors qu’une majorité d’entre eux se démène chaque jour. Rappelons que le RSA n’est pas un choix, c’est le dernier filet de la solidarité nationale. Une solidarité qui n’est pas une charité que l’on accorderait aux plus démunis mais un droit à l’existence pour tous. Une solidarité qui aujourd’hui permet à peine de survivre et est souvent vécue comme une honte. Selon un rapport de la Dress, chaque trimestre, un tiers des foyers éligibles ne recours d’ailleurs pas au RSA auquel ils pourraient avoir droit et un cinquième des personnes éligibles seraient en situation de non-recours pérenne.
3 « Les associations manquent de bras, cela permettra de redynamiser les réseaux associatifs »
Du point de vue des associations, cela implique une organisation logistique et un encadrement précis de ces « bénévoles contraints ». Oui, les associations ont toujours besoin de nouveaux bénévoles, mais l’engagement associatif doit rester un choix de la personne et non une contrainte imposée. De plus, les associations n’ont pas à se substituer aux organismes publics.
4 « Quelques heures d’engagement associatif, cela ne risque pas d’entraver la recherche d’emploi. C’est un premier pas vers l’emploi»
Nous ne dénigrons pas l’engagement associatif, au contraire, nous considérons que c’est un élément important de reconstruction des personnes en grande précarité. Cependant la dimension volontaire est primordiale.
Oui, l’implication associative peut être un premier pas vers l’emploi. Il faut toutefois rappeler ce que le « bénévolat » implique pour les personnes en situation de précarité : d’un point de vue pratique, il faut que les allocataires puissent s’organiser pour le transport ou la garde des enfants, ce qui peut générer un surcoût. Cette mesure viendrait donc complexifier le quotidien de familles qui peuvent déjà avoir du mal à joindre les deux bouts.
Par ailleurs, si la majeure partie des personnes en situation de pauvreté que nous rencontrons veulent être utiles, elles veulent aussi et surtout pouvoir vivre de leur travail. Plutôt que de proposer une activité qui ne sera pas rémunérée et empêche pendant ce temps les personnes de chercher du travail, cherchons des moyens permettant aux personnes les plus fragiles de retrouver un emploi décent et digne, comme le propose par exemple l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée. Si l’on est capable de trouver des missions de bénévolat à raison de plusieurs heures par semaines, alors pourquoi ne pas concentrer nos efforts à leur trouver un emploi stable et pérenne ?
5 « Cela permettra de détecter les personnes en incapacité de travailler »
Pourquoi utiliser le bénévolat, qui plus est contraint, pour faire ce genre de repérage ? Il y a sûrement d’autres moyens plus adaptés, d’autres dispositif plus précis pour aider les personnes en situation d’incapacité de travailler. Faisons confiance aux travailleurs sociaux qui connaissent ces personnes et les difficultés qu’elles rencontrent. De plus, le temps de repérer ces personnes, que faire ? Leur couper les vivres et les pousser encore plus dans la précarité ?…
Contre les idées fausses sur le RSA et les allocataires du RSA, voir aussi :
Idée fausse « Les pauvres ne veulent pas travailler »
Idée fausse « Les pauvres sont des fraudeurs »
[Article publié en 2016 et mis à jour en février 2022]