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Revivez le débat « Tous les enfants ne peuvent pas réussir à l’école. » Et pourquoi pas ?

Samedi 30 mai, le Nouveau Théâtre de Montreuil faisait salle comble. Parents, enseignants, chercheurs ou citoyens concernés étaient venus en nombre pour le débat sur l’école et la réussite de tous organisé à l’occasion des Rencontres 2015 « STOP aux idées fausses sur les pauvres ».

Les premiers à intervenir sont les parents. Ils racontent les difficultés qu’ils rencontrent avec l’école en tant que familles en situation de précarité : le décrochage scolaire, le manque de dialogue avec le corps professoral, les orientations quasi-systématiques en classe segpa (Section d’enseignement général et professionnel adapté) et les enquêtes sociales qui y sont associées. Franck a 3 filles. Elles sont toutes les trois en classe segpa. Il regrette la manière dont les choses sont faites : « J’aimerais qu’on arrête de faire une enquête sociale pour une orientation scolaire. C’est du stress en plus pour les parents en situation de précarité ».

« On a fait des économies sur les pauvres »

Jean-Paul Delahaye, Inspecteur général de l’éducation nationale, mission « Grande pauvreté et réussite scolaire » confirme cette tendance : « 80% des enfants de segpa viennent de milieux défavorisés ». Et d’ajouter que les fonds d’aide à la scolarité ont été divisés par deux en France : « On a fait des économies sur les pauvres ».

Marie-Aleth Grard, rapporteure au Conseil économique social et environnemental de l’avis « Une école de la réussite pour tous » plaide pour une école inclusive, une école de mixité sociale et scolaire. La sociologue Agnès Van Zanten va dans ce sens elle aussi : « il faut favoriser les échanges entre les élèves, même quand ils copient » affirme-t-elle dans un sourire.

Les pédagogies coopératives et la formation des équipes sont au cœur du débat pour une école qui n’exclut personne. Véronique Bavières, directrice d’école témoigne de l’efficacité de la formation de groupes tels que le Café des parents ou le Club coup de pouce. Elle préfère d’ailleurs parler de Zone d’excellence pédagogique et non de Zone d’éducation prioritaire.

Standing ovation pour les Serruriers magiques du quartier de la goutte d'or dans les 18ième arrondissement
Standing ovation pour les Serruriers magiques du quartier de la goutte d’or dans le 18ième arrondissement

Une pédagogie participative à l’œuvre dans le théâtre

Le débat aussi est basé sur la coopération. En deux minutes, des feuilles rouges et vertes sont distribuées dans les rangs du théâtre et les participants doivent réfléchir aux freins et leviers de la réussite de tous à l’école. Par petits groupes, tous se prêtent au jeu. C’est l’effervescence et Philippe Watrelot, l’animateur du débat, demande un peu de calme pour énoncer ses consignes: « Vous êtes comme des collégiens à qui l’on distribue des copies ! ». Dix minutes plus tard, les « copies » sont ramassées. Sur les fauteuils rouges, on se presse pour griffonner encore quelques mots et faire passer son message.

Les intervenants se retirent pour faire une synthèse rapide de toutes ces idées. Ils laissent la place aux Serruriers Magiques, un groupe d’enfants de la goutte d’or, quartier du 18ième arrondissement, proche de l’école de Véronique Bavières, qui chantent et dansent « Je veux apprendre à respirer sous l’eau, ouvrir mon cœur, écrire des mots ». En T-shirts rouges, jaunes, bleus, verts, roses, ils dépeignent avec humour et émotion leur désir d’apprendre, leurs efforts, leurs qualités et leurs défauts. Le public est conquis.

« Apprendre est un droit. Quand un enfant est en échec, la loi n’est pas respectée »

Stigmatisation, malveillance, chacun pour soi, programmes trop chargés, mal-logements, intégration d’un manque d’ambition sont les notes que l’on retrouve le plus souvent au sujet des freins à la réussite de tous. Quant aux leviers, les intervenants ont retenu la coopération, la valorisation des parents, la formation des enseignants à une meilleure connaissance des milieux sociaux et à la pédagogie participative ainsi que la mixité dans les classes (y compris la mixité urbaine). La liste est longue. Mais comme le dit Véronique Bavières « Apprendre est un droit. Quand un enfant est en échec, on peut penser que la loi n’est pas respectée ».

 

Camille Gachot