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Retrouver sa place de mère quand les enfants sont placés

Quand l’intéressée et quelques personnes autour d’elle croient dans sa capacité de reprendre sa vie en mains… L’histoire de M. dont les enfants, aujourd’hui âgés de 16 et 18 ans, sont placés depuis plus de 10 ans.

M. a connu la dépression, l’alcoolisme, la grande misère, avec beaucoup de fragilités psychologiques. Mais depuis 3 ans environ, M. a décidé de reprendre sa vie en mains. L’opportunité de participer à une première co-formation (1) (elle connaît ATD Quart Monde depuis longtemps) a joué un peu comme un électrochoc, lui donnant à la fois envie de reprendre des études et le fil de sa relation avec ses enfants. Progressivement, au sein de l’association ATD Quart Monde qui reste son principal lieu de soutien, un groupe de trois personnes s’est constitué pour l’aider à avancer dans ses projets.

Il lui a fallu beaucoup de courage et de soutien autour d’elle pour avancer dans son projet de renouer avec ses enfants placés, ainsi que dans son combat pour exercer son autorité parentale, qui, sans lui avoir été retirée, était bien malmenée.

Lors d’une rencontre réunissant M. et son fils accompagné de deux travailleuses sociales, l’avocat a pu noter :

« Avec l’aide du comité qui la soutenait, M s’était remarquablement bien préparée à cette audience. Ainsi, au-delà des regrets qu’elle nourrit s’agissant d’une période particulièrement délicate de sa vie où elle n’a pu être qu’en rupture avec ses enfants et de ses mots relatifs à l’amour qu’elle leur a toujours porté, M. a pu prendre le temps de parler plus en détail de ses émotions, de ce qu’elle a pu ressentir à travers le temps et de la compréhension qui est la sienne de l’ensemble de cette situation, y compris de la réaction de ses enfants.

Quant au fils, cette audience lui a permis de mieux comprendre et de lever des doutes sur certaines questions, et notamment sur les raisons données par sa mère pour expliquer son « retour » dans sa vie. Il a dit ne pas comprendre le rôle tenu par les amis qui soutenaient sa mère ; de quel droit ils rentraient ainsi dans sa vie ? allant même jusqu’à dire qu’il aurait moins de problème sans eux et que l’audience de ce jour, par exemple, ne se serait pas tenue. Le juge n’a alors pas manqué de lui préciser que sa mère était à l’initiative des démarches qu’elle entreprenait et qu’elle avait simplement besoin d’aide. Elle-même a donné des éléments de réponse, levant le doute dans l’esprit de son fils.

Les travailleuses sociales ont tenté de justifier le fait que la rencontre n’ait pas pu être organisée plus tôt, depuis 2012, en se référant à l’attitude des deux enfants qui avaient alors manifesté leur refus sans discontinuité. Le juge n’a alors pas manqué de leur rappeler que c’est justement une part importante de leur travail qui tient à favoriser l’organisation de telles rencontres. Plus encore, le juge a rappelé l’autorité des décisions par lui rendues, venant ainsi d’une certaine manière désavouer l’action de l’ASE (Aide sociale à l’enfance). Le juge a d’ailleurs précisé que c’est un phénomène récurrent qu’il constate chez les travailleurs sociaux qui, trop souvent se limitent à l’avis des enfants qu’ils prennent pour acquis alors même que des décisions judiciaires doivent être exécutées. »

Il faut saluer ici le rôle qu’a tenu l’école pour que M. puisse exercer son autorité parentale : elle a pu rencontrer plusieurs fois les principaux et enseignants de ses deux enfants au collège et au lycée. Elle prouvait ainsi qu’elle s’intéressait à nouveau et réellement aux études et projets d’orientation de ses enfants, sans jamais obliger ceux-ci à la rencontrer, aussi douloureux que cela puisse être.

Ces avancées paraissent bien modestes, et parfois même fragiles, au regard de l’énergie déployée par M. elle-même et par le petit noyau qui la soutient. Mais c’est peut-être la sauvegarde de la part ultime de dignité de cette femme et mère qui est là en jeu. En ce qui concerne l’audience chez le juge, on peut souligner l’attitude du juge qui a su écouter et diriger les débats avec beaucoup d’humanité et de finesse. La bonne préparation de M. à ce moment a fortement contribué à ce que cela se passe bien.

Sébastien Billon, ATD Quart Monde Centre-Loire

Françoise Aba, secrétariat des comités « Solidaires pour les droits ! »

(1) Formations mutuelle entre professionnels et personnes en précarité, pour identifier les conditions qui permettent d’agir en partenariat.