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Rencontres à la Cour de Ouagadougou

Des personnes vivant dans la pauvreté et d’autres solidaires débattent chaque mois à la Cour, le siège d’ATD Quart Monde. Récit de Linda, volontaire permanente.

Les rencontres commencent par un café, souvent ambiancé par les taquineries des participants qui ont plaisir à se retrouver, et s’achèvent par un repas. Entre les deux, c’est la réunion, et là les choses sont sérieuses !

Depuis quelques mois, ATD Quart Monde expérimente une nouvelle façon de faire. Le travail se fait en deux étapes : d’abord des rencontres préparatoires dans lesquelles les personnes qui vivent la grande pauvreté peuvent exprimer leurs idées sur un thème donné, puis une rencontre avec un invité spécialisé sur ce thème.

Un premier cycle de trois rencontres a été expérimenté en 2016, sur les difficultés d’accès aux papiers d’identité des personnes en grande précarité. Pourquoi souvent les plus pauvres n’ont pas de papiers ? A quelles difficultés sont-ils confrontés  ? Comment vit-on sans papiers ? Ces questions ont été travaillées en petits groupes de pairs (amis « citoyens solidaires » et familles vivant la précarité) avant la rencontre avec les invités.

Histoires de papiers

La rencontre avec le chef de service de l’état-civil et le président du tribunal de l’état-civil de l’arrondissement 4 de Ouagadougou a commencé par un sketch, « Histoires de papiers ».

Deux amis discutent. L’un raconte qu’un homme s’est fait tuer dans la rue. Comme il n’avait pas de papiers et que personne ne connaissait sa famille, on l’a enterré « comme un mouton ». Son ami commente : « Mais pourquoi il n’avait pas de papiers ? C’était sûrement un bandit, un voleur ! ».

L’homme garde le silence, puis avoue : « Moi non plus je n’ai pas de papiers ! En 2009 les grosses pluies ont détruit ma maison, j’ai perdu tous mes papiers et ça a été le début de la galère. » Il a dû mentir à son patron, n’a pas pu inscrire ses enfants à l’école…

Son ami s’exclame : « Mais pendant sept ans, tu n’as rien fait pour avoir tes papiers ? ». Il répond : « Je ne suis pas allé au village depuis longtemps, j’ai honte de retourner pour ça. » L’ami lui dit : « Donne-moi la route, je vais aller demander pardon à ton papa et il va te donner ton acte de naissance. »

S’asseoir ensemble

Avec ce sketch, le ton était donné : ce n’est pas par négligence que les très pauvres n’ont souvent pas de papiers. Il y a toutes sortes d’obstacles : « J’ai peur qu’au commissariat le policier m’humilie », « Si tu as les moyens on va faire vite pour toi, sinon on te dit « reviens demain » et fatigué, tu n’y iras plus », « C’est gênant de se présenter au tribunal où tout le monde te regarde. »

Or ne pas avoir de papiers a des répercussions graves au quotidien : « Tu as peur quand tu te déplaces », « Tu ne peux même pas aller au village ! » « Tu ne peux pas passer d’examens », « On se fait arrêter, racketter »…

Les deux invités ont écouté les participants et expliqué les lois et les démarches à effectuer pour obtenir des papiers. Les échanges ont été riches. La réunion a permis une véritable rencontre. Le président du tribunal d’état-civil s’est étonné : « J’ai appris beaucoup de choses ce matin ». Un militant a conclu : « C’est parce qu’on ne s’assoit pas ensemble qu’on ne se comprend pas. »

Le saviez-vous ?

ATD Quart Monde est présent au Burkina Faso depuis 1981, d’abord à Ouagadougou et depuis 2001 dans la zone rurale du Ganzourgoun avec 6 volontaires permanents.