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Rencontre des engagements : « Être militant, c’est un chemin »

À l’occasion de la Rencontre des engagements, Siméon Brand, volontaire permanent d’ATD Quart Monde, a présenté le court métrage « Héritiers », qui retrace le parcours de Martine Le Corre, militante Quart Monde, aujourd’hui membre de la délégation générale, et des personnes en situation d’extrême pauvreté avec qui elle chemine.

« Avant, pour moi, ‘militante’, ce n’était qu’un mot. Ma vie, c’était de regarder mes pieds et toujours le silence. Je subissais ma vie », affirme Angélique Jeanne, militante Quart Monde. Sur la grande scène de la Rencontre des engagements, elle participait à la présentation du documentaire « Héritiers« , aux côtés du réalisateur, Siméon Brand, des militantes Quart Monde Priscilla Roger, Priscillia Leprince et Martine Le Corre, également membre de la délégation générale. « Quand j’ai rencontré le Mouvement, Martine m’a accueillie en me disant ‘merci d’être là, tu es un cadeau pour nous’. J’ai eu la chance de m’apercevoir que je n’étais pas la seule à subir, à avoir des difficultés. Je me suis dit que ce n’était pas vrai, tout n’était pas de ma faute, je subis des injustices », ajoute-t-elle.

S’inscrire dans une histoire

Le documentaire de 37 minutes suit Martine Le Corre, quelques semaines avant son départ pour la délégation générale du Mouvement international, dans des lieux et avec des familles qui ont forgé son militantisme. Militante Quart Monde depuis près de 50 ans, elle tient à transmettre l’histoire d’ATD Quart Monde et de son fondateur, Joseph Wresinski, aux jeunes générations. « J’ai toujours été touchée de voir que le père Joseph n’était pas un inconnu pour les militants, même jeunes, et que ça leur parlait quand je racontais qui était cet homme et d’où il venait. Pour une fois, les plus pauvres ont l’occasion de s’inscrire dans une histoire. On est inscrit quelque part comme un peuple combattant, on doit en faire une fierté. On n’imagine pas le bonheur qu’on donne à celui qui n’a pas cet ancrage », explique-t-elle, en amont de ce ciné-débat.

« Être militante, c’est un chemin. Moi, je suis née dans le Mouvement. J’ai eu envie de m’engager parce que ma mère avait tellement de difficultés dans sa vie que je ne la voyais jamais sourire, sauf quand elle venait à ATD Quart Monde. J’ai voulu m’engager juste pour être heureuse dans ma vie », souligne Priscillia Leprince. « Avant de connaître le Mouvement, je me sentais nulle, je n’avais pas confiance en moi. J’ai moins peur, car ici on peut parler, s’exprimer, on est écouté et non jugé », ajoute Priscilla Roger.

Angélique Jeanne s’est quant à elle sentie militante Quart Monde en devenant « maîtresse de [sa] vie ». « Oui, ma vie reste dure, mais je ne subis plus », explique-t-elle. Son chemin vers le militantisme est passé par un combat pour faire reconnaître le droit à l’accompagnement par une personne de confiance lors des entretiens avec les services sociaux. « Pour être militant, il faut être résilient, il faut aussi être obstiné.  Mon combat, il est pour tout le monde, pour qu’on arrête de vouloir penser pour nous, de croire qu’on est bon à rien. Ce n’est pas vrai, on est un peuple digne et on est des citoyens comme tout le monde », affirme-t-elle.

Ancrage avec les plus pauvres

« Il n’y a pas un seul profil de militant, même si on a tous en commun les humiliations, la misère. Devenir militant du Mouvement, c’est d’abord trouver des forces pour que notre propre vie prenne sens. On a tellement besoin de reconnaissance, de se construire, d’opérer des changements dans nos vie. Pour cela, il faut beaucoup se confronter, se bousculer, parce que ce n’est pas facile », ajoute Martine Le Corre. Elle qui a aujourd’hui pris des responsabilités au sein du Mouvement international se souvient de l’héritage que lui a transmis Joseph Wresinski : « Quand on est militant, il est important de toujours garder un profond ancrage avec les siens, là où l’on vit, avec les plus pauvres. »

L’engagement des militants Quart Monde est aussi possible grâce à celui des alliés et des volontaires permanents. « On a besoin d’eux, pour qu’ils nous aident à comprendre et à monter plus haut les choses pour lesquelles on se bat, pour que ça puisse évoluer », souligne Priscilla Roger. « Ce qui me fait tenir, c’est que j’ai la chance d’être à proximité d’alliés et de militants. Si je ne donne pas de nouvelles pendant quelques jours, il y a toujours quelqu’un pour m’appeler », constate Angélique Jeanne. « Il faut prendre soin des autres, parce que ce combat, il demande de l’énergie à tous », ajoute-t-elle.

Martine Le Corre a eu l’occasion de rencontrer des militants Quart Monde partout dans le monde. Tous lui ont parlé de « la confiance qu’on est capable de donner à l’autre », qu’il soit militant, allié ou volontaire. « C’est très puissant. Il y a une telle attente de rencontrer la personne de confiance que, quand on la rencontre, c’est un cadeau qui vous est fait et qu’on n’a absolument pas le droit de trahir. » Et de conclure : « Pour tenir le coup, il faut être fort ensemble ».

Retrouvez le documentaire de Siméon Brand, ainsi que les 13 autres courts-métrages et son film « Que sommes-nous devenus ? » sur le site des Éditions Quart Monde.

 

Photo : Geoffrey Renimel, Angélique Jeanne, Priscilla Roger, Martine Le Corre, Priscillia Leprince et Siméon Brand © François Phliponeau