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Rencontre des engagements : des défis pour faire bouger les institutions et la société

« Le défi majeur pour lequel je me bats, c’est d’éradiquer la pauvreté de façon totale, pas plus ou moins. De la même façon, il faut se battre pour conserver une planète durable et arrêter de polluer. Il ne faut pas avoir des demi-mesures », affirme Marcel Rémon, directeur du Centre de recherche et d’action sociales (Ceras). À l’occasion de la Rencontre nationale des engagements, il intervenait dans le cadre de la table ronde « Ne laisser personne de côté : s’engager chacun pour faire bouger nos institutions et la société », avec Florence Jany-Catrice, économiste, Marie-Aleth Grard, présidente d’ATD Quart Monde, Jean-Michel Lucas, chercheur en sciences économiques et Dominique Potier, député PS de Meurthe-et-Moselle.

Installés sur la grande scène de la Rencontre nationale des engagements, à Jambville, le 17 juillet, les invités de la table ronde ont bravé la chaleur pour définir quel était, pour eux, le défi majeur à relever pour bâtir une société qui ne laisse personne de côté. Pour Jean-Michel Lucas, ce défi est avant tout culturel. « Il y a de quoi s’interroger sur toutes les politiques d’accès de tous à la culture et en particulier des plus pauvres, conduites depuis 60 ans. Cela reste des politiques où 50 % des Français ne sont pas concernés, et ceux qui sont concernés sont des urbains et ceux qui ont un capital social, économique et culturel. C’est un peu une impasse », affirme celui qui a notamment été conseiller au cabinet du ministre de la Culture, Jack Lang.

« L’enjeu culturel, ce n’est pas seulement de permettre l’accès à un musée, c’est de recueillir l’autre comme un être d’humanité, avec sa façon de penser, son langage, ses opinions, ses croyances. C’est la définition de la culture au niveau international. Faire culture, c’est faire humanité ensemble. L’autre est une personne de culture et m’apporte sa manière de vivre, ses rêves aussi bien que ses opinions et ses contradictions. L’enjeu est donc qu’on arrive à changer notre regard sur ce qu’on appelle ‘culture’ », détaille-t-il.

Travailler dans la co-construction dessavoirs

En tant qu’économiste, Florence Jany-Catrice a pour défi de changer le rapport qu’entretiennent ses pairs avec la question de la pauvreté. Elle pointe « deux risques » auxquels sont confrontés les « économistes du courant dominant » : « se limiter à compter les pauvres, dans une version a fortiori monétaire. Ce sont des définitions très stigmatisantes, qui se limitent à une analyse de la pauvreté uniquement monétaire. Cela passe sous silence une analyse sur les causes structurelles, pourquoi on en est là aujourd’hui au 21e siècle. »

Le second risque est, selon elle, de « travailler avec des hypothèses qui n’ont rien à voir avec la réalité, avec ce que sont les gens. Les individus sont toujours considérés comme des êtres égoïstes et fainéants, qui préfèrent le loisir au travail, leur intérêt personnel au collectif. On renvoie toutes les situations des individus à des questions de responsabilité individuelle. Ce qui vous arrive est dû à votre mérite ou, en creux, à votre faute ». Elle regrette que cette vision influence ensuite les politiques publiques qui tentent de lutter contre la pauvreté. En travaillant dans la « co-construction des savoirs », Florence Jany-Catrice estime qu’il est cependant « possible de réfléchir autrement ».

Le député de Meurthe-et-Moselle, Dominique Potier, appelle quand à lui à lier les combats pour « la dignité de la personne humaine et la planète ». Cela passe selon lui par « le partage », mais aussi par un « processus démocratique » différent, qui permette « une continuité entre l’engagement des citoyens, celui de l’État et les combats internationaux ».

« Théorie de la capillarité »

Interrogé sur ce qu’il est nécessaire de changer « pour faire bouger la société », Jean-Michel Lucas appelle à développer des politiques publiques « fondées sur la sincérité dans la relation avec les autres et non sur l’efficacité ». Il estime ainsi indispensable de commencer par écouter les personnes concernées. « Le temps de l’écoute paraît insupportable, parce que, pendant ce temps-là, il ne se passe rien. Mais c’est tellement important de prendre son temps pour que l’autre existe. »

Proposant de remplacer « la théorie du ruissellement », selon laquelle une politique favorisant les revenus des plus riches profite à toute l’économie par « la théorie de la capillarité », Marcel Rémon invite la société à fonctionner « comme les arbres », en puisant l’énergie et les idées au plus bas et en les faisant remonter. Tous appellent à développer le Croisement des savoirs et des pratiques, à prendre en compte la pluralité des idées et à faire en sorte que les questions sociales ne soient « pas l’apanage des seuls experts », comme l’indique Florence Jany-Catrice.

Pour la présidente d’ATD Quart Monde, Marie-Aleth Grard, cela passe notamment par une plus forte représentation du Mouvement dans la société, notamment grâce à la recherche d’alliances. L’objectif est que « nous ne restions pas entre nous et que nous soyons de plus en plus nombreux dans la société à vouloir éradiquer la grande pauvreté. Ces alliances me donnent de l’espoir », conclut-elle, en citant notamment le Pacte du pouvoir de vivre.

Regardez la vidéo de la table ronde.

 

Photo : Table ronde avec Marie-Aleth Grard, Marcel Rémon, Dominique Potier, Jean-Michel Lucas et Florence Jany-Catrice. © François Phliponeau