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15 propositions pour l’accès au parc social des ménages à faibles ressources

Communiqué de presse – 11 juin 2020

difficultés d’accès au parc social

À l’issue d’un travail de recherche, mené depuis un an, avec le soutien d’universitaires et d’économistes spécialistes du logement, un collectif de 6 associations dont ATD Quart Monde présente ce jeudi 11 juin un rapport sur les difficultés d’accès au parc social des ménages à faibles ressources.

Ce rapport, qui associe analyses statistiques, entretiens avec des acteurs, analyses de cas et remontées d’expériences associatives, prouve, chiffres à l’appui, que la réalité des situations des familles pauvres est en contradiction flagrante avec la mise en œuvre du droit au logement :

  • Au niveau national, parmi les demandeurs Hlm, les chances pour un ménage d’obtenir un logement social sont d’autant plus faibles que ses ressources sont basses ;
  • Plus grave : dans les zones tendues, des dizaines de milliers de ménages dépourvus de logements ou mal logés restent en attente par manque de logements sociaux financièrement accessibles ;
  • Un ménage pauvre sur deux se voit contraint de subir la loi du parc privé avec des taux d’effort insoutenables qui viennent fréquemment s’ajouter à des conditions de logement indignes ;
  • Les tentatives des pouvoirs publics pour combattre cette situation, et assurer l’accès des plus démunis au logement social, qu’elles soient contraignantes (obligation – non respectée – d’attribuer 25 % des logements aux plus pauvres en dehors des quartiers de la politique de la ville,) ou incitatrices (autorisation – non utilisée – de modifier les loyers) restent sans effet notable.

Pourquoi les demandeurs les plus pauvres ont-ils moins accès au logement social que les autres ?

Si la réglementation n’exige aucun minimum de ressources, les commissions d’attribution évaluent la capacité du demandeur à supporter le coût de son logement. Or ce coût n’a cessé d’augmenter : loyers des logements sociaux en hausse constante depuis 1977 à cause de la hausse des prix du foncier et de la construction, et de la baisse des aides à la pierre ; baisse régulière des aides personnelles ; hausse des charges.

En parallèle, la précarité croissante des familles candidates au logement social conduit à une réduction des ressources stables « présentables » au bailleur. Numérateur en hausse, dénominateur en baisse : le « taux d’effort » du candidat dépasse de plus en plus souvent le seuil de 25 ou 30 %, synonyme d’exclusion. Cette exigence est présente, de manière implicite ou explicite, à toutes les étapes d’une procédure d’attribution des logements sociaux marquée par la complexité et la multiplicité des intervenants. Les représentants de l’État eux-mêmes, pourtant en capacité d’exiger le relogement des ménages prioritaires, mais sensibles à l’exigence des bailleurs, renoncent à exercer leurs prérogatives.

Il convient que l’État manifeste clairement sa volonté de mettre fin au sans-abrisme et au mal-logement en respectant la loi DALO. Ceci doit le conduire à s’interroger, avec les bailleurs sociaux et les associations, sur les moyens de lever les blocages que rencontrent les ménages pauvres pour accéder au logement social.

Que faut-il faire ? 15 propositions pour l’accès au parc HLM des ménages à faibles ressources

Les obstacles à l’accès au parc social des demandeurs les plus pauvres sont multiformes : pénurie de logements sociaux, loyers HLM trop élevés, attributions mal ciblées, défaut d’accompagnement, solvabilisation insuffisante par les aides publiques, méconnaissance de leurs obligations par les différents acteurs… à commencer par les préfets. Les 15 propositions présentées par le collectif touchent donc à différents leviers, rassemblés en trois catégories : loyers et charges / parc social accessible / accès au Droit au logement.

Des solutions pour réduire l’écart entre des loyers trop chers et des revenus trop bas

Il peut s’agir de rétablir le pouvoir solvabilisateur des APL, en revenant sur les différentes coupes qui l’ont rogné depuis vingt ans et en aidant mieux les locataires en difficulté à payer leurs charges. Ce choix de redistribution impliquerait de mobiliser les milliards d’euros d’APL que les différentes coupes budgétaires successives ont retirés aux locataires à bas revenus. Il est aussi possible de cibler précisément les demandeurs HLM à bas revenus en grande difficulté, à travers des baisses de quittance ciblées sur les personnes les plus exclues, en particulier sans-domicile, pour réaliser les objectifs du Logement d’abord.

La meilleure adéquation entre les ressources des locataires et leur reste-à-payer, peut passer par une plus forte modulation des APL et des suppléments de loyer de solidarité (SLS) pour les locataires plus aisés. Elle peut aussi nécessiter d’apporter globalement plus de souplesse dans la politique des loyers, en expérimentant la « nouvelle politique des loyers », le « loyer unique » ou l’évolution des loyers selon les ressources.

Ces différentes propositions visent en quelque sorte à retrouver les niveaux de loyer et d’aides qui ont pu exister par le passé, avant que la diminution des aides à la pierre puis des aides à la personne aboutisse à augmenter le taux d’effort des ménages à bas revenus en HLM, jusqu’à parfois leur barrer l’accès au parc. Toutefois, il ne suffit pas d’avoir des bas niveaux de quittance pour que les plus pauvres accèdent au parc social. Encore faut-il que les logements existent en nombre suffisant et qu’ils soient attribués aux ménages les plus en difficulté.

Un parc social accessible : face à la pénurie, il est donc indispensable de renforcer les moyens de produire du logement très social.

Des aides à la pierre accrues pourraient permettre aux bailleurs sociaux de produire 60 000 PLAI sous les plafonds de loyer pris en charge par les APL, permettant l’accès des ménages les plus pauvres, en particulier dans les agglomérations tendues. Des outils de mobilisation du foncier doivent aussi être confiés aux élus locaux (dissociation foncier-bâti, secteurs de mixité sociale, droit de préemption renforcé, recettes accrues issues d’une hausse de la fiscalité foncière des logements et quartiers aisés) pour leur permettre d’aider les bailleurs sociaux à accroître leur nombre d’opérations dont les loyers d’équilibre ne soient pas grevés par le coût du foncier.

Ces moyens doivent s’accompagner d’obligations accrues en renforçant et pérennisant la loi SRU, pour que les logements très sociaux qui font défaut soient produits en priorité dans les communes et les arrondissements qui traditionnellement sont réticents à les accueillir. En complément au parc social, un plan de mobilisation du parc privé à vocation sociale doit être doté de moyens nouveaux pour développer ce gisement sous-utilisé. Ces pistes permettraient de mieux faire respecter le droit au logement des plus pauvres sans priver les classes moyennes de l’accès au logement social et sans accroître les tendances à la ségrégation territoriale.

Pour un réel accès au droit au logement, il faut enfin lever les freins à l’attribution de logements sociaux aux plus défavorisés

Tout d’abord, la loi DALO doit être enfin mieux appliquée, en responsabilisant davantage les préfets et en versant directement les astreintes au demandeur lésé. Les grilles de cotation de la demande HLM doivent aussi intégrer le critère des faibles revenus. Le quota de 25 % d’attributions de logements sociaux hors-QPV aux ménages les plus pauvres doit s’appliquer strictement, à chaque réservataire concerné, sous peine de sanctions. Les ménages enfin doivent être davantage informés et accompagnés dans leurs démarches de demande HLM ou de recours DALO, qui pourraient être simplifiées, tandis que les agents doivent bénéficier de formations pour faciliter l’exercice du droit au logement des personnes les plus défavorisées.

Tous ces leviers sont réalistes. Certains existent parfois à certains endroits ou ont existé par le passé et relèvent d’un choix politique mais ne présentent pas de complexité technique ou juridique. D’autres appellent des expérimentations et des débats entre les acteurs concernés avant d’être généralisés. Tous seraient des marqueurs forts de la volonté de la communauté du logement de faire aux ménages les plus pauvres toute la place qu’ils méritent au sein du parc HLM, pour que le droit au logement de chacun soit enfin respecté.

Téléchargez l’étude complète et sa synthèse

 

Contact presse

Emilie Perraudin / emilie.perraudin@atd-quartmonde.org / 06 28 61 69 05