
Quelles ambitions pour l’École ?
Refuser la misère ne peut se faire sans refuser l’échec scolaire . Parmi tous les acteurs de la vie sociale et politique engagés dans la lutte contre la grande pauvreté, il en est un dont le rôle est majeur : l’École. Les familles très démunies, qui sont au premier rang du combat contre la misère, rappellent sans cesse comment l’École est au cœur de leurs préoccupations et disent l’attente que leurs enfants n’y soient plus en échec. Chaque rentrée scolaire est un nouvel espoir pour les parents : » Il faut que nos enfants y arrivent pour ne pas galérer comme nous « . L’École laisse trop souvent mourir cette espérance.
Il nous faut avoir, tous ensemble, de l’ambition pour notre École si l’on veut que chaque enfant y soit reconnu comme un individu singulier, porteur de richesses dont tous ont besoin, et appelé à construire le monde avec tous les autres.
Face à la stagnation des chiffres de l’échec scolaire, et au constat de la ségrégation sociale trop présente en milieu scolaire, le Mouvement ATD Quart Monde souhaite approfondir ce qui peut changer maintenant dans l’École, en s’appuyant sur les forces nombreuses qu’elle recèle et sur la volonté du plus grand nombre.
Nous lançons plusieurs pistes de travail :
– En association avec le département de Sciences de l’Education de l’Université de Tours, un groupe d’enseignants, tous engagés par ailleurs dans des actions du Mouvement ATD Quart Monde, relisent leurs pratiques pour mettre au clair comment le partenariat avec des personnes en situation de grande pauvreté et l’adhésion au projet d’une société ou l’égale dignité de chacun est affirmée et respectée, peut provoquer un changement profond de la pédagogie. Cette recherche s’achèvera par un colloque.
– Dans six régions de France des parents en situation de grande pauvreté sont engagés dans des projets de partenariats, de co-formations, ou directement avec les écoles de leurs quartiers ou avec des groupes de professionnels de l’École, pour réfléchir aux responsabilités respectives et exprimer leurs attentes mutuelles.
– Un groupe de travail réunit des parents solidaires des plus pauvres, qui choisissent la mixité sociale et veulent que ce soit une chance pour leurs enfants. Il cherche à quelles conditions cela peut être.
– Nous allons recueillir la parole, les réflexions, d’enfants et d’adolescents de tous milieux face à l’École.
– Nous sommes « partenaire » d’un projet mené par l’IRDSU (Inter Réseau des professionnels du Développement Social Urbain) : Dans des quartiers de différentes villes de France des projets éducatifs visent la réussite de tous le enfants en associant étroitement les parents.
Viendra ensuite l’étape du croisement des travaux de tous ces groupes et projets. En confrontant la pensée sur l’Ecole de parents défavorisés, d’enseignants, de citoyens engagés, d’enfants, en déconstruisant les peurs réciproques, nous voulons faire émerger une ambition commune pour l’Ecole.
Nous souhaitons alors créer une large alliance, réunissant les organisations professionnelles, le monde associatif et les parents. De cette alliance doit émerger une plate-forme pour une nouvelle ambition pour l’École. Les parents et les enfants les plus démunis ont une aspiration immense et intacte sur l’École. Cette aspiration à apprendre, à comprendre le monde, à comprendre les autres, à comprendre comment vivre ensemble pourra renouveler l’École si nous la mettons au cœur d’une démarche de travail approfondi. Cette démarche permettra de faire des propositions pour une École où les enfants se préparent non pas seulement à prendre le monde comme une machine à maîtriser, mais comme un monde commun où il faut comprendre la nature et se comprendre les uns les autres.