
Qu’attendons-nous du prochain président de la République ?
Tribune de Pierre Saglio, président d’ATD Quart-Monde, parue dans Le Figaro du 13 avril 2007.
Cherchant à répondre à cette question, je revois madame Legall dans le bureau du chef de l’Etat qui recevait une délégation du Quart Monde en 2002. Elle le pointait du doigt en lui disant : « On ne demande pas à être mieux aidé, on ne veut plus être pauvre ! »
Voilà bien l’ambition première que nous attendons de sa part : en finir avec la misère, parce qu’elle est une souffrance intolérable. Nous lui suggérons trois repères.
Qu’il entende le cri de celles et ceux qui, en France et dans le monde entier, ne cessent de nous dire : « On ne veut pas que nos enfants connaissent le malheur que nous connaissons ou que nous avons connu ».
Et qu’il se donne les moyens de rester à l’écoute de ceux dont la vie quotidienne est la plus dure.
ATD Quart Monde pourrait y contribuer en lui proposant, par exemple, de recevoir, une fois par an, une délégation du Quart Monde.
Qu’il rassemble le pays autour de cette ambition d’en finir avec la misère. Kofi Annan rappelait au terme de son mandat de secrétaire général de l’ONU que le monde, pour la première fois, a les moyens d’éradiquer la grande pauvreté mais qu’il y manque la volonté politique.
Nous attendons du chef de l’État qu’il ait cette volonté et qu’il appelle nos concitoyens à s’unir pour venir à bout de ce fléau. Il s’opposera en particulier à tout ce qui divise, à ce qui laisse croire, que certains ont du courage et d’autres pas. Il veillera à ce que des dispositifs spécifiques ne maintiennent pas les plus fragiles dans le provisoire et la marginalité. Il exigera que l’on supprime les effets de seuil car ceux-ci créent des ruptures injustes et cassent les solidarités entre « les travailleurs pauvres » et ceux qui vivent l’insécurité maximale par manque complet de travail. Par exemple il est indispensable que toute heure travaillée entraîne un supplément de revenus. Pour éradiquer la misère, il n’est qu’un seul chemin : faire respecter partout et pour tous les droits de l’homme.
Pour contribuer au rassemblement autour de cette ambition, nous proposons au Président de la République de se joindre à la Journée mondiale du refus de la misère chaque 17 octobre.
Enfin, qu’il fasse reconnaître les plus pauvres comme premiers acteurs de la lutte contre la pauvreté. A l’heure où l’on parle de démocratie participative pour renouveler le lien entre l’élu et le citoyen, il est nécessaire de reconnaître le combat de ceux qui ont le sentiment de n’être pas vus comme citoyens à part entière. Pour « ne plus être pauvres », tous les jours ils agissent, contre vents et marées. C’est en tirant les enseignements de ce combat que nous pourrons entrevoir la façon de venir à bout de la misère. « Une bonne politique, c’est une politique qui se construit à partir de nos projets de vie, en tenant compte de notre entourage », nous disait récemment un militant du Quart Monde.
Aujourd’hui, nous attendons du Chef de l’Etat qu’il veille à la représentation des très pauvres dans les instances de concertation ; qu’il renforce massivement les moyens leur permettant de se former à la représentation, à la réflexion et au dialogue avec d’autres ; qu’il exige des différents acteurs qu’ils apprennent à penser et à agir avec eux.
ATD Quart Monde pourra y contribuer en partageant son expérience dans ce domaine ; il y va de l’unité de notre société.
Pierre Saglio, président d’ATD Quart-Monde.