
Université Populaire Quart Monde Champagne Ardenne du 25 novembre 2014 : quand on ose parler dépendances et addictions…
C’était le thème de l’Université Populaire Quart Monde Champagne Ardenne ce mardi 25 novembre. Le sujet avait été préparé en petits groupes plusieurs jours à l’avance. L’animatrice a commencé en donnant un retour sur ces groupes : « un mot est venu dans toutes les préparations : la violence. Vous avez parlé de la souffrance des personnes, de leur entourage. Vous avez parlé de la violence, de la maladie, de la mort, de la prison… Vous avez aussi cherché ce qui permettait de sortir de la violence créée par les dépendances ».
Puis les groupes de militants ou d’alliés ont présenté des affiches, des dessins, des collages qui illustraient leurs questions et leurs messages. Les paroles ont été très libres ; on sentait l’émotion pour évoquer des situations très proches. Certains sont blessés par les conséquences de la dépendance à l’alcool, à des drogues, à des jeux d’argent, par des conduites destructrices où on perd le contrôle.

L’invitée était Madame Bertin, médecin au centre d’addictologie de Reims, un lieu gratuit et ouvert à tous. Les personnes et leurs familles ne vivent pas toutes la précarité, car les dépendances concernent tous les milieux sociaux, mais l’invitée dit que si on subit déjà la précarité, les dépendances aggravent la précarité et l’exclusion. Elle a surtout écouté au cours de la soirée ; elle a précisé des mots. Elle n’a pas fait de discours moralisateur : elle sait que l’entourage a envie que la personne arrête, mais elle pense que la première étape c’est d’abord d’accepter de parler de ce qui fait souffrir, ce qui conduit à ne plus avoir le contrôle. Elle sait aussi qu’il faut permettre à l’entourage de parler de sa propre souffrance et de l’isolement.
La soirée a permis à chacun de s’exprimer, s’écouter, se questionner pour trouver les mots justes.
« Tout seul on ne peut pas faire face à une catastrophe comme ça ».
« Quand toute la vie est organisée autour de la dépendance, c’est difficile d’avoir d’autres plaisirs, on ne peut plus faire plaisir à son conjoint, à ses enfants ».
« On a le sentiment de défaite ; tout est dévasté autour de la personne, qui se retrouve privée de ses capacités, défaite elle-même ».
« Il faut d’abord l’envie d’arrêter puis la volonté pour ne pas replonger ; s’il n’y a pas le déclic, c’est toute la famille qui plonge ».
« On ressent la honte, le regard des autres qui pèse, et on finit par se retrouver complètement isolé ».
« Comment décrire les conséquences pour la personne ? Tout s’écroule autour d’elle, elle se sent engluée, isolée, cadenassée, enchaînée ».
« On veut aider mais on a besoin de se protéger aussi car c’est très dur ».
Après ces échanges, les participants ont réfléchi aux soutiens nécessaires : pour la personne, pour ceux qui la soutiennent, pour la famille et les enfants. Pour tous, le mot confiance a été important : indispensable pour oser mettre des mots sur ce qu’on vit, pour déclencher un soutien.
Pour finir c’est l’invitée qui a dit ce qu’elle retenait de la soirée :
« Je suis frappée de voir combien votre parole est juste et courageuse, vous devez être très en confiance. Je me dis qu’il faut vraiment prendre le temps de créer de la confiance dans les groupes de parole. La qualité de ce que vous vous autorisez à dire devant les autres me touche beaucoup.
Comme médecin, je repars avec l’envie d’être à l’écoute de mes patients.
Comme enseignante, je repars pour transmettre à mes étudiants ce que j’ai vécu, pour qu’ils aient cette humanité dont vous avez besoin ».
