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« Protéger un enfant, c’est d’abord permettre que ses droits et ceux de ses parents soient respectés »

Isabelle Bouyer, déléguée nationale d’ATD Quart Monde, et Céline Truong, référente du département Petite enfance du Mouvement, ont été auditionnées le 16 mai 2019 par la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance à l’Assemblée nationale.

Un peu plus d’une semaine après l’adoption en première lecture de la proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l’autonomie, déposée par la députée Brigitte Bourguignon, plusieurs associations, dont ATD Quart Monde, étaient auditionnées par la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance (ASE).

Même si cette dernière a pour objectif de « concentrer prioritairement ses réflexions sur le dispositif applicable aux enfants jusqu’à l’âge de 18 ans », l’amendement de dernière minute du gouvernement à la proposition de loi était dans tous les esprits : il exclut en effet du nouveau dispositif un nombre considérable de jeunes majeurs en proposant d’instaurer un nouveau « contrat d’accès à l’autonomie » accessibles aux jeunes « s’ils en font la demande » auprès de leur collectivité, et sous réserve qu’ils aient été pris en charge par les services de l’ASE « pendant au moins 18 mois cumulés dans les 24 mois précédant l’atteinte de leur majorité ». La déléguée nationale du Mouvement, Isabelle Bouyer, a ainsi affirmé être « atterrée par la façon dont ce projet de loi a été amendé » et a pointé la nécessité qu’il n’y ait « pas d’âge couperet, mais au contraire une forme d’inconditionnalité » de la mesure. Le texte peut encore évoluer à l’occasion de son examen au Sénat, prévu à l’automne.

« Construire un projet à partir de l’enfant »

En attendant cette nouvelle lecture, la mission d’information doit rendre son rapport au plus tard mi-juillet et enchaîne donc depuis le mois d’avril les auditions de professionnels, d’associations et d’anciens enfants de l’ASE. Avec un temps de parole relativement contraint, ATD Quart Monde a tenu à rappeler la nécessité de « soutenir véritablement les parents dans leur rôle de premiers éducateurs de leurs enfants, mais aussi les travailleurs sociaux, pour que les mesures éducatives puissent être mises en œuvre dans des conditions qui leur permettent de véritablement être un soutien aux parents pour construire un projet à partir de l’enfant ».

« Tant qu’on pense la protection de l’enfant de façon dissociée des conditions de vie de sa famille, on construit sur des fondations qui ne sont pas solides. Vouloir protéger un enfant, c’est d’abord permettre que ses droits et ceux de ses parents, soient respectés, en référence à la Convention internationale des Droits de l’Enfant, avec en premier lieu l’exigence de vivre dans les conditions de vie et de santé décentes », a ainsi précisé la déléguée nationale.

« Des solutions pensées sans eux »

Céline Truong, volontaire permanente d’ATD Quart Monde et référente du département Petite enfance, a tenu à décrire aux quelques députés présents des exemples précis de situations dans lesquelles « la protection de l’enfant et le soutien des parents à exercer leur métier de parents ne marchent pas ensemble ». C’est ce qu’a notamment vécu une mère de six enfants placés transitoirement le temps de faire une enquête. « Elle avoue qu’elle est fatiguée et on lui donne le droit d’avoir une aide ménagère. Pour cette femme, c’est une honte, car elle estime que c’est son rôle dans la maison de bien faire le ménage, de faire en sorte que ses enfants grandissent dans une maison propre. Au lieu de se reposer et de laisser faire la personne qui vient à la maison faire une partie du ménage, elle est tellement blessée que la maison brille comme un sou neuf quand l’aide arrive. Qu’est ce que cela sème dans l’esprit de ces parents, en termes de confiance envers les travailleurs sociaux qui leur amènent des solutions qui sont pensées sans eux et qui finissent pas être à côté de la plaque ? Car à côté de ça, elle a un vrai souci cette maman. Pendant les trois mois de l’enquête, trois de ses enfants sont placés loin et ce dont elle a vraiment besoin c’est qu’on l’aide à aller les voir, pour ne pas être dépendante du frère, ou du voisin qui, eux, ont une voiture. »

Que faire alors « quand l’aide proposée est inadaptée aux besoins, quand on donne aux parents l’impression d’une trahison ou quand les conditions concrètes de mise en œuvre d’une mesure la vident complètement de son sens ? » s’est interrogée la volontaire permanente. Pour y répondre, ATD Quart Monde développe notamment la démarche du Croisement des savoirs et des pratiques afin de permettre « au travailleur social d’accéder à la logique des familles avec lesquelles il travaille et inversement, de façon à ce que les choses se passent de manière plus harmonieuse autour de l’enfant et qu’il y ait une égalité de légitimité de paroles ».